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Full text of "Recherches et observations sur toutes les parties de l'art du dentiste. Tome premier"

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SUR TOUTES LES PARTIES 






DU DENTISTE. 

Par M. B -o u r d e t 5 Dentifles reçu, 
au CollÚge de Chirurgie« 

TOME PREMIER. 




A PARIS, 

Chez Je an-T ho m a s He ri s s a n ^Libraire» 
rue S. Jacques , Ă  ?S. Paul & Ă  S. Hilaire. 


M. BCC. LVIL 

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROI, 



A 

L’ACADEMIE ROYALE 

DE CHIRURGIE. 


M ESSIEURS, 

JD O uvr ùge que je vous pré- 
fente , vous appartient Ă  tous les 
titres qui peuvent lui ajjurer votre 
protection . Elevé fous d'habiles 
Profejfeurs qui font partie d'une 
Compagnie ejlimée de toute l'Eu 
rope 3 f ai puifé chez vous les prin 
cipes & la théorie des Recher 
ches que fai pu faire dans mon 


y) EPITRE. 

Art. Vous avez d'ailleurs honoré 
de votre attention mon travail :■ ce 
qui devient pour moi, Meilleurs 9 
un nouveau motif de recormoif- 
fance. Eh ! fous quels aufpices 
plus heureux pourrois-je publier 
cet ouvrage, que fous ceux d’un 
Corps refpeclable, dont tilluflre 
Chef & les Membres, animés du 
mĂȘme efprit, s occupent fans cejfe 
Ă  perfectionner toutes les branÂŹ 
dies de la Chirurgie. Je fuis avec 
le plus profond refpeél 5 

MesSI EURSj 

Votre trÚs-humble & trÚs» 
obéiffant ferviteur 

BOURDET. 



AVERTISSE ’ : -\TT. 

\ V *'* Sf- ‱ : a 

O n commence atr s , ^ ‱- sla 

matiùre qui fait IpÉjdt de cet 
ouvrage eft déjà beaucoup trop re 
maniĂ©e : on nous fait honneur d’uÂŹ 
ne fécondité finguliere dont peu 
de Dentiftes fe doutoiënt; on fe 
repréfente,en un mot, dans la feu 
le partie des Dents, un plus grand 
nombre d’Ecriyains qu’il n’y en a 
dans aucune autre branche de la 
Chirurgie (*). je n’examinerai 
point fi cette affettion eft fondée : 
c’eft une difcuffion peu importan¬ 
te. Mais j’ai cru qu’on n’étoit point 
furchargĂ© d’écrits affez nombreux 
fur les Dents, pour détourner un 
Dentifte, appliqué à fa profeffibn* 
d’écrire utilement, au moins pour 
lui-mĂȘme, fi ce n’eft avec tout le 
fruit qu’il dĂ©lirerait de produire. 

* Journal des Sçavans de Décembre 1756» 
2,-i VOl. p. 2.518. 


a iv 



viĂŻj AVERTISSEMENT. 

AprĂšs avoir lu les livres qui 
pouvoient fervir Ă  mon inftruc- 
tion, j’ai vĂ» que la matiĂšre ne- 
toit rien moins qu’épuifĂ©e. L’ob- 
fervation &ç l’expĂ©rience m’ont 
fait découvrir un champ fécond 
dont on ne verra pas fi-tĂŽt les liÂŹ 
mites. M.Fauchard qui l’a fi bien 
défriché a été mon guide ; & quand 
3’ai çu marcher fans guide, j’ai ap¬ 
pris Ă  refpe&er mes maĂźtres, Ă  les 
abandonner quelquefois , & Ă  ne 
diminuer jamais rien de l’eftime 
qui leur eftdûe. 

Mais dans l’application conti¬ 
nuelle que j’ai donnĂ©e Ă  toutes les 
parties de notre Art, je ne dois 
point diffimuler les fecours & les 
avantages que j’ai tirĂ©s particuliڏ 
rement de l’étude de la ChirurÂŹ 
gie. Cette fcience fi étendue dont 
l’Art du Dentifle eft une partie 
qui n’en devroit jamais ĂȘtre fĂ©pa- 
rĂ©e y m’a rempli de principes qui 



5 AVERTISSEMENT ,, I* 

détendent & qui s'appliquent à 
tous les objets de cet Art. For« 
mĂ© d’ailleurs dĂšs mon enfance , 
dans la pratique des opérations, 
j’ai eu pour celles du Dentifte tou* 
tes les reffourees qu’une main 
exercĂ©e trouve dans l’habitude du 
travail. C’eft avec ces dilpofü- 
tions 9 c’eft aprĂšs avoir paffĂ© une 
grande partie de ma jeuneffe Ă  
fĂŒivre d’habiles MaĂźtres en ChiÂŹ 
rurgie & les HĂŽpitaux, que par le 
feul attrait d’un genre oĂč j’ai cru 
pouvoir réuffir 3 je me fuis fixé à 
la partie des Dents. Ces circonf- 
tances qui peuvent ĂȘtre dequefe 
que confidération, je ne les fais 
pourtant point valoir pour furfaire 
ici mon ouvrage: je veux feuleÂŹ 
ment faire fentir combien il fe- 
roit Ă  fouhaiter que tous les Den- 
tilles fuflent Chirurgiens, ou fuffĂź- 
famment pourvus de principes, 
pour exercer plus sûrement un Art 
Tome I » * 


x AVERTISSE MENT. 
tout Chirurgical * & qui demande 
plus que de la main. Je borne ici 
mes réflexions* pour pafßer au plan 
de mon ouvrage. 

Il eft divifé en fept Chapitres 
compofés chacun de différens pa 
ragraphes. Le premier fous le tiÂŹ 
tre générique de Phyfiologie des 
Dents* contient h Anatomie des 
deux mĂąchoires* & les moyens 
de corriger les vices de conforÂŹ 
mation des Dents. Il eft traité 
dans le deuxiÚme des différentes 
maladies qui attaquent & détrui 
sent la fubftance des Dents ; de 
leurs caufes internes & externes ; 
des moyens de les prévenir ; des 
remedes généraux & particuliers. 
<Dans le troisiĂšme Chapitre * il 
s’agit des maladies &: des autres 
caufes qui altĂšrent la blancheur 
des Dents. Les maladies des AlÂŹ 
véoles * celles des Gencives &: 
leur guérifon * font la matiÚre du 



AVERTISSEMENT. xj 
«quatriÚme Chapitre. Le cinquiڏ 
me renferme les différentes opé-» 
rations qui fe pratiquent fur les 
Dents. Lobjet du fixiéme } eft 
tout le manuel du Dentifte , conÂŹ 
cernant les piĂšces ĂŽt les Dents arÂŹ 
tificielles. Enfin le feptiéme & 
dernier Chapitre > le plus court de 
tous 9 confifte en quelques com- 
pofitions d’Opiats ? d’Elfences Ôc 
de PoudrĂ©s qui m’ont paru propres 
Ă  conferver les Dents & les GenÂŹ 
cives. 

J’avouerai que c’eft embraffer 
Ă  peu prĂšs toute la matiĂšre de 
l’ouvrage de Moniteur Fauchard, f 
le plus complet qu’il y ait lur 
les Dents. Cependant je ne crois 
pas qu’on puiffe m’accufer d’ĂȘtre 
Ion copifce : je m’en rapporte lut 
ce point aux lumiĂšres & Ă  l’équiÂŹ 
té non-feulement des Maßtres eri 
Chirurgie qui ont donné quelque 
attention à l’objet des Dents, mais 


f 


xĂźj AVERTISSEMENT, 
encore des Dentiftes mĂȘmes qui 
,voudront examiner fans pafĂŻion. 

J’oferai dans cette confiance 
indiquer comme des nouveautés 
qui me femblent utiles, i°. Mes 
remarques fur la forme des Dents, 
pour les faire diftinguer hors de la 
bouche d’une maniĂ©rĂ© plus prĂ©ci- 
fe,< & faire fingulierement recon- 
noĂźtre Ă  quelle mĂąchoire elles apÂŹ 
partiennent: circonftance plus imÂŹ 
portante qu’on ne l’imagine. 2°. 
Celles que j’ai faites fur les Al¬ 
véoles. 3°. Mes conje&ures fur la 
formation de l’Email. 4 0 . Les rai¬ 
forts que j’apporte pour faire prof 
crire le hochet qu’on donne aux 
enfans. La méthode que je 
propofe r foitpour prévenir les ac 
cident qu’entraüne la fortie des 
Pents, foit pour les faire ceffer. 
6 °. Ma méthode pour bien arran 
ger & redreffer les Dents. 70. Ce 
que je dis des maladies qui afĂźec- 


AVERTISSEMENT, xiij 
tant les Dents d’érofion & tout 
ce qui appartient Ă  cette matiĂšre. 

8 °. Le développement de ma mé 
thode pour la luxation des Dents. 
2°. Les nouveaux moyens que je 
donne pour la guérifon des petits 
ulcùres qui fe forment dans l’in¬ 
térieur des gencives. io°. Les- 
vues que certains maux de Dents 
ou certaines douleurs des genciÂŹ 
ves m’ont fuggĂ©rĂ©es pour dĂ©couÂŹ 
vrir des maladies cachées ou pro 
chaines. ï i°. De nouvelles opé 
rations pour dégorger le Périofte 
commun Ă  l’alvĂ©ole ĂȘc Ă  la raci- 
n q 9 ainfi que pour empĂȘcher les 
Dents de s’ufer & faire ceffer l’a¬ 
gacement produit par l’ufure de 
ces os. Voilà le précis de mes Re-* 
cherches ) auxquelles on donnera 
le nom qu’on voudra, ou celui 
qu’elles paraĂźtront mĂ©riter. 

J’ai fait de plus graver plufieurs 
Inftrumens que j’ai feulement per- 
fo&ionnĂ©s s ĂȘc quelques-uns de 



xiv AVERTISSEMENT. . 
mon invention. Tels font , une 
Pince pour emporter les corps 
durs & pierreux qui fe forment 
quelquefois aux gencives; p!u- 
fleurs cautÚres propres à guérir 
diffĂ©rentes maladies des mĂȘmes 
gencives; de nouvelles Plaques 
pour redreffer & retourner les 
Dents. D’autres Plaques , ou des 
demi-cercles pour enfoncer & faiÂŹ 
re rentrer à la mùchoire inférieu 
re les Dents de devant dont la 
faillie défigure la lÚvre & le men 
ton 5 & pour ramener en-devant 
celles de la mùchoire fupérieure 
qui font -penchées dans un fens 
contraire ; divers Infirumens plus 
convenables que ceux qui font en 
ufage , tant pour nettoyer 5 que 
pour plomber les Dents; la Lfa 
me coudée de M. Fauchard cor 
rigée; un nouveau Pélican pour 
ramener en fa place une Dent trop 
enfoncée ; un autre pour Îter les 
Dents. & les racines ; de nouvel" 



AVERTISSEMENT .xv 
les branches de Pélican pour Îter 
les Dents de fageffe Ă  la mĂąchoiÂŹ 
re fupérieure ; de nouveaux cro 
chets qui fe montent fur le LeÂŹ 
vier , pour ĂŽter les Dents de fa- 
geffe de la mùchoire inférieure ; 
une lame 3 ou feuille d’or dont 
l’application raffermit les Dents 
chancelantes ; diverfes autres piڏ 
ces pour réparer la perte des 
Dents 3 celle des Mvéoles , &c 
celle des Gencives ; une efpĂšce 
de'Trépan perforatif pour ouvrir 
une Dent ; trois nouveaux ObtuÂŹ 
rateurs appliquables en certains 
cas fort communs. 

Je pourrois ajouter encore quelÂŹ 
ques autres Angularités, comme 
mes conjectures fur les fluxions 
caufées par les Dents à tenon; 
mes remarques fur les dépÎts qui 
fe forment dans le flnus maxillaiÂŹ 
re ; leur guérifon par le moyen 
d’une nouvelle canule 3 &c. mais 
en abrégeant ce détail 5 je puis 



xv j AVERTISSEMENT. 
affĂ»ter que tout ce qu’il y a dans 
mon Livre de Théorie & de Pra 
tique, foit générale, foit particu 
liĂšre, eft appuyĂ© d’Obfervations 
& de faits également véritables. 

O N achevoit d’imprimer mon 
Livre, lorfque dans le deuxiĂšme 
volume du Journal des S ça vans 
de DĂ©cembre dernier, j’ai lu un 
article oĂč il eft parlĂ© de l’opĂ©ration 
que je pratique pour ĂŽter la douÂŹ 
leur que caufe une Dent cariée, 
en confervant la Dent mĂȘme. 
Or, ceux qui prendront la peine 
de lire dans le premier tome de 
mes Recherches Chap. XI. §. IV. 
p. 133. & fuivantes , tout ce qui 
concerne la luxation des Dents, 
verront que j’ai rĂ©pondu d’avance 
aux difficultés formées par le Jour- 
nalifte. Àinfi je puis me difpen- 
fer de rien ajouter fur cette maÂŹ 
tiùre , & j’efpere que le Le£leur lç 
plus prévenu me rendra juftice. 
Approbation 









P R 1 VIL EGE DU ROI. 

L OUIS, parla GrĂące de DieĂŻt , RoĂź 
de France et de Navarre : A nos 
amés & féaux Confeillers les Gens tenant nos 
Cours de Parlement, MaĂźtres des RequĂȘtes 
jordinaires de notre HĂŽtel, Grand - Confeil , 
PrévÎt de Paris, Baillifs,Sénéchaux leurs 
Lieutenans Civils v &autfĂ©s nos Jufticiers qu’il 
appartiendra ;Sàlut , Notre aßné le S r . Boup - 
det ,.Nou* a fait expofer qu’il dĂ©fĂźreroit faire 
Imprimer & donner au Public un ouvrage qui 
a pour titre : Recherches & Obfervations fur 
soutes les parties de l'Art du Dtntijle , s’il nous 
plaifoitlui accorder nos. Lettres de. PrivilĂšge 
pour ce nĂ©eeffaires. A c i s c a c_s“ es, vouÂŹ 
lant favorablement traiter l’expofant. Nous lui 
avons permiç &pérmettons par eespréfentes dé 
faire imprimer ledit ouvrage autant de fois que 
Bon lui. femblera , & de le faire vendre & dé 
biter par tout notre Royaume pendant le tems 
de fix années confécutives à compter du jour 
de la datte des préfentes ; Faßsons diéfenfes 
a tous Imprimeurs, Libraires-& autres perfon- 
nes r de quelque qualitĂ© 8c condition qu’elles 
latent d’en introduire d’impreffion Ă©trĂ iigere 
dans aucup lieu -de. -notre obĂ©ifenoe -,*‱ ceqnme; 
suffi d’imprimer ou faire imprimer , vendre , 
faire vendre, débiter-ni contrefaire ledit Ou 
vrage , ni d’en faire aucun extrait fous quelque 
prĂ©texte que ce puifle ĂȘtre fans la permiffioh 
expreffé&par écrit dudk Expofant ou de ceux 
qui auront droitde lui, Ă  peine de confifca don 
des Exemplaires contrefaits;, de trois mille liÂŹ 
vres d’amende contre .chacun des contreve- 





usas , dont un tiers à Nous, un tiers ài’Hîtel- 
Dieu de Paris, #ç l'autre tiers audit Expofant 
ou à celui qui aura droit de lui ,& -de tous dé 
pens , dommages & intĂ©rĂȘts; a la charge 
que ces préfontes feront enregiftrées tout au 
long fur le Regiftre de la Communauté des 
Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois 
mois de la datte d'icelles que l’impreffion au¬ 
dit Ouvrage fera faite dans notre Royaume: & 
non ailleurs , en bon papier & beaux carafte- 
r,es conformément à la feuille imprimée atta 
chée -pour modÚle fous le contre-fcel des.Pré- 
fentĂ©s, que l’impĂ©trant fe conformera en tout 
aux reglemens de la Librairie, & notamment 
à celui du io Avril 1715 , qu’avant de l’expo- 
fer en vente le' Pvlanufcrit qui aura fervi de 
copie Ă  rimpreffion dudit Ouvrage, fera reÂŹ 
rnis dans le mĂȘme Ă©tat ou l’Approbation y auÂŹ 
ra .été donnée Ús mains de notre trÚs-cher & 
féal Chevalier Chancelier de France le Sr. 
Delamoignon, & qu’il en fera enfuite remis 
deux Exemplaires dans notre BibliothĂšque puÂŹ 
blique, un dans, celle de notre ChĂąteau du 
Louvre, un dans celle de notredit trĂšs-cher & 
féal Chevalier Chancelier de France, le Sr. 
Delamoignon , & un dans celle de notre trĂšs- 
cher & féal. Chevalier. Gùrde des Sceaux de 
France ie Sr. De Machauk,Commandeur de 
nps ordres ; le tout.à peins dé nullité fies Pré 
fentes; du contenu defquelles vous mandons 
& enjoignons de faire jouir ledit Expofant & 
tes ayans caufes pleinement & paifiblement 
fans fouffrir qu’il leur foit fait aucun trouble 
ou empĂȘchement. Voulons que la copie des 
pr.éfentes qui fera imprimée tout au long au 
commencement ou Ă  la fin dudit Ouvrage s 



XX 

foit tĂ©nue pouf duement lignifiĂ©e , & qu’au» 
copies collationnĂ©es par l’un de nos amĂ©s & 
féaux Confeillers Sécrétaires, foi foit ajoutée 
‱ comme à l’original. Commandons au pre¬ 
mier notre Huiffier ou Sergent fur ce requis, de 
faire pour l’exĂ©cution d’icelles, tous aftes reÂŹ 
quis & néceffaires, fans demander autre per- 
million, & nonobftant clameur de Haro, 
Charte Normande, & Lettres à ce contraires» 
Car tel eft notre plaifir. Donne’ à Verfail- 
les, le premier jour du mois de Décembre,: 
l’an de grñce mil fept cens cinquante-fix, 
& de notre Régné le quarante - deuxiÚme» 
Par le Roi en fon Confeil. LEBE GUE. 

Regijßré enfemble la Ceffion ci-deffious fur le 
Regijire XIV. de la Chambre Royale des Librai 
res & Imprimeurs de Paris , numéro 125. fol. 
121. conformément au Reglement de 1723. qui 
fait dĂ©fenfe Article IV. Ă  ■ toutes fer formes de 
quelque qualitĂ© & condition qu’elles foient auÂŹ 
tres que les Libraires & Imprimeurs , de venÂŹ 
dre , débiter & faire afficher aucuns livres four 
les vendre en leurs noms , foit quils s'en difene 
les Auteurs ou autrement , & Ă  la charge de fourÂŹ 
nir Ă  la fufditĂš Chambre , neuf Exemplair espref 
crĂ»s par l'Article 108. du mĂȘme reglement . A 
Taris le 24. Décembre 1756. 

P. G. LE MERCIER. Syndic; 

J’ai cĂ©dĂ© & tranfportĂ© le prĂȘtent PrivilĂšge 
à M. Jean-Thomas Hérissant , fuivantles 
conventions faites entre nous. A Paris cefix 
Décembre mil fept cens cinquante-fßx. 

BOURDET. 

RECHERCHES 




RECHERCHES 


ET OBSERVATIONS 

SUR TOUTES LES PARTIES 

DE 

L’Art du Dentiste. 

CHAPITRE PREMIER. 
Phyfiologie des Dents. Moyens de 
P Art y our en réparer les imper- 
feffilons. 

§. 'P R E M I E R. 

Defcription des Dents & des Alvéoles. 

o u s ceux qui ont traité des 
Dents 3 en ont donné la divi- 
fion & en ont décrit la figu 
re; mais on ne s’efl: point at-* 
taché à marquer toutes les différences qui 
peuvent les faire exactement reconnoĂź- 
Tome I. A 





2 De l’Art du Dentijüe. 
tre hors de la bouche. Cette connoifc 
ance m’a paru ne devoir pas ĂȘtre nĂ©gliÂŹ 
gĂ©e , & l’application que j’y ai donnĂ©e : 
ne paroĂźtra pas inutile, quand on vouÂŹ 
dra rĂ©flĂ©chir fur l’ufage dont elle peut- 
ĂȘtre en une infinitĂ© d’occafions. 

Les Dents qui garnirent les deux 
mùchoires ont différentes'formes, fuivant 
leurs différens ufages. Commençons par 
examiner celles de la mùchoire fupé- 
rieure. 

Les premiùres Dents qui s’oflfent à 
la vue , font les Incifives . Les grandes 
font fituées à la partie antérieure de la 
bouche immĂ©diatement Ă  l’endroit qui 
répond au nez. Les petites ou moyen 
nes Incifives font fituées à cÎté des pré 
cĂ©dentes , l’une Ă  droite, & l’autre Ă  gauÂŹ 
che. Celles-ci diffĂšrent des premiĂšres , 
en ce qu’elles font moins larges & moins 
longues , ce qui a donné lieu à leur dif- 
tinéfion. 

Ces quatre Dents font tranchantes 
à leur extrémité. Elles font difpoféesfur 
une ligne circulaire. Leur face anté 
rieure ou externe efl un peu convexe, 
& la face interne ou poftérieure efl: un 
j>§u concave. La partie latérale des 



De VArt du DentifĂźe. $ 

'grandes Incifives- qui répond à la partie 
latérale des petites, eft plus arrondie & 
a moins de volume que la partie latéra 
le oppofĂ© e oĂč ces deux Dents fe touÂŹ 
chent. La mĂȘme chofe s’obferve encore 
le long de la racine. 

Le corps des grandes Incifives eft 
beaucoup plus large & plus mince vers 
fon extrémité que vers le collet : ces deux - 
Dents n’ont jamais qu’une racine. 

On trouve la mĂȘme chofĂš aux petiÂŹ 
tes Incifives. La partie latérale du corps 
& de la racine qui répond à la partie la 
térale de la grande Incifive, eft plus ap- 
platie & a plus de volume que le cÎté 
oppofé, qui répond à la partie latérale 
de la Canine; 

Il y a deux Dents Canines Ă  chaque 
mùchoire , fçavoir : une de chaque cΏ 
té , fituée immédiatement prÚs des pe 
tites Incifives. Le corps de ces Dents 
eft plus gros, plus long, & plus arronÂŹ 
di que celui des petites Incifives j le cĂŽÂŹ 
té de la racine & du corps qui répond 
Ă  la petite Incifive eft applati dans toute 
là longueur, & celui qui répond à la pre 
miĂšre petite Molaire eft arrondi dans 
toute fon étendue. De plus on remarque 



4' De VArt du DentijĂźe. 
une petite Ă©minence vers le miltĂšĂč 
corps de la Dent fur cette .partie-latérale 
qui va fe terminer Ă 'l’extrĂ©mitĂ©- de la 
Dent, par une-pointe-plus ou moins 
rooulfe & plus inclinée du-cÎte oppo- 
fĂ© que de celui-ci. L’émail-fe prolonge 
moins fur les parties latérales du corps de 
la Dent , qu’à tout autre endroit oĂč 
il forme prefque un V confonne, & il 
eft plus apparent fur la partie latérale 
antĂ©rieure qu’à la poftĂ©rieure. La mĂȘme 
chofe à peu prùs s’obferve à toutes les 
Dents ; il n’y a que du plus ou du moins. 

. Le collet delĂ  Dent commence oĂč fiÂŹ 
nit l’émail. C’eft Ă  ce collet que s’attaÂŹ 
chent, quantitĂ© de petits vaiĂŒeaux dĂ©- 
pendans de la gencive. L’adhĂ©rence de 
tpus ces petits vailfeaux au collet de la 
Dent ., la maintient ferme & folide. La 
racine des Dents Canines efi: plus grolfe 
de plus longue que celle des Incifives & 
4es petites Molaires. 

Les Molaires font la troifiéme clafle 
des Dents. Elles font pour l’ordinaire au 
. nombre de dix Ă  chaque mĂąchoire, & 
Il y en a cinq de chaque cÎté. Elles oc 
cupent la partie poftérieure de la mù 
choire aprĂšs les Canines. Les plus antes 



0e V Art du Dentifië V j* 

rĂźeures font les petites Molaires dont 
le corps .ell moins large dans fa* parÂŹ 
tie latérale, mais plus épais que celui 
des Canines. A fon extrémité font deux 
pointes moufles, dont l’une rĂ©pond Ă  
la langue , & l’au-tre à la joue* Il y a 
un enfoncement entre les deux poinÂŹ 
tes ; ce qui- fait que l’extrĂ©mitĂ© du 
corps de la Dent eft fort large. Leurs 
faces externe & interne ( l’une qui ré 
pond à la levre, & l’autre à la lan¬ 
gue ) font arrondies , & leur corps a 

- plus de volume vers-leur-extrémité que 
vers' leur racine. Les parties^-latérales 
font applaties, & l’émail'quĂźies recou- 

. vre eft aĂŒflĂź moins Ă©tendu ou moins proÂŹ 
longé , afin que les vaifleaux de la gen 
cive ( qui vient s’y terminer en poin- 
te.comme aux autres Dents ) purifient s’y 
attacher. Les deux petites Molaires font 

- aflez femblables , aflez uniformes. La 
: premiùre eft cependant d’ordinaire un 

peu moins greffe, & a la racine moins 
longue que la fécondé. Ces deux Dents 
n’ont communĂ©ment qu’une racine;mais 
la fécondé en a fouvent deux & quelque 
fois trois. Lorfqu’il n’y a qu’une racine’, 
elle eft ap.platie &-en formel de- -com : on 
A ĂŒj 



ë De VArt du Dentifte « 
y obferve une goutiere qui régné dans 
toute fa longueur, & qui femble quelÂŹ 
quefois partager la racine en deux ; ce 
qui feroit croire que ces Dents feroient 
munies de deux racines foudées enfem- 
ble. Cette goutiere Ă  la premiĂšre petite 
Molaire, eft plus apparente dans fa parÂŹ 
tie latérale qui répond à la fécondé pe 
tite Molaire, que du cÎté de la Canine. 
Sa racine eft aufli moins platte, & plus 
ouverte du mĂȘme cĂŽtĂ©. Il en eft de mĂȘÂŹ 
me de la fécondé petite Molaire. Quand 
ces Dents fe trouvent avoir deux raciÂŹ 
nes , Pune eft placée vers le palais 3 Sc 
Pautre vers la joue. 

Il y a dans les trois groffes Molaires 
des différences remarquables. La pre 
miÚre a plus de volume que la fécondé , 
& fes racines font aufli plus grofles, plus 
longues 3 & plus écartées. Sa face anté 
rieure qui forme Pinterftice avec la derÂŹ 
niĂšre petite Molaire, eft plus large & 
plus applatie que la poftérieure. Quant 
aux furfaces latérales } Pinterne eft plus 
ronde & moins large que l’externe. La 
féconde & la troifiéme grofle Molaires 
ont entr’elles les mĂȘmes proportions, 
diminuent refpeélivement de volume 


8>R? 



De V Art du Ventifie* 7 
de largeur. La premiÚre & la fécondé 
greffe Molaires , ont prefque toujours 
trois racines; la troifiĂ©me n’en a fouvent 
qu’une courte & pointue , ou elle en a 
deux ou trois jointes enfemble. A l’ex¬ 
trémité du corps ou du couronnement 
de ces Dents, on trouve des éminen 
ces & des cavités qui répondent à cel 
les des Dents de la mùchoire oppofée* 
La difpofßtion de ces éminences efl telle* 
que celles de la mùchoire inférieure en 
trent dans les enfoncemens de celles de 
la fupérieure, Sr vice verfù ; ce qui efl fait 
pour que les aiimens foient mieux écrafés» 
moulus, & broyés. Ces cavités & ces 
éminences manquent fouvent à la véri 
té , principalement chez les vieillards 
dont les Dents fe trouvent ufées pat 
leur longfervice, & chez ceux qui grinÂŹ 
cent les Dents pendant le fommeih 
Mais on voit aufĂźi des perfonnes qui ont 
Ă  quarante ans les Molaires & les auÂŹ 
tres Dents, Ă  demi-ufees , & quelqueÂŹ 
fois jufqu’à ]a racine. Lorfque les Mo¬ 
laires de la mùchoire fupérieure ont trois 
racines , il y en a deux fort rapproÂŹ 
chĂ©es ou mĂȘme couplĂ©es du cĂŽtĂ© de la 
joue, & l’antĂ©rieure efl plus greffe, plus 



8 De T Art du Dentifle. 
longue, & plus applatie que la pofté- 
rieure. L’autre plus greffe, plus longue , 
& plus ronde, efi: ifolée vers le palais, 
Sc quelquefois fi éloignée des deux au 
tres, qu’on a beaucoup de peine à îter 
ces fortes de Dents, fur-tout fi la racine 
à fon extrémité fe renverfe & fait le 
crochet. Il en efi quelquefois de mĂȘme 
des autres, & en générallesracines cro- 
'chues font affez communes. 

J’ai vu, il n’y a pas long-tems, une Da¬ 
me qui a les deux dernieres Molaires de 
la mùchoire inférieure unies enfemble 
parla couronne. J’ai vu auffi deux gran¬ 
des Incifives jointes exactement dans 
toute l’étendue de leur corps; mais la 
' .jonction des racines efi; plus rare. 

Le corps ou la couronne des Dents, 
efi; toute leur partie émaillée-j cepémail 
efi: plus Ă©pais aux Molaires qu’aux Incifi- 
.yes & aux Canines. 

Paffons aux Dents de la mĂąchoire inÂŹ 
férieure. 

Il y a quatre Incifives én bas, comme 
en haut, mais plus petites que les fupé- 
rieures. Elles font toutes affez uniforÂŹ 
mes, ou d’un volume Ă©gal, fi ce n’eft 
gu’affez fouvent celles qui avoifinent les 



De V Art du Dentifie» 

Canines font un peu plus larges & plus 
longues. On les didingue en médianes 
8c en latérales. Les médianes font les 
deux du milieu, 8c les latérales celles 
‱ qui font contiguĂ«s aux Canines. Elles 
peuvent encore fe diiHnguer comme les 
Incifives 8c les Canines de la mĂąchoire 
fopérieure , par leurs quatre faces, an 
térieure, podérieure, & latérales. La 
face antérieure ed convexe & arrondie, 
étroite vers fa racine , plus large 8c 
moins ronde en haut. La face podérieu 
re ed concave vers fon extrémité fupé- 
rieure, ronde & élevée vers la. racine. 
Quant .aux faces latérales-, celles des 
deux médianes font plus applaties 8c 
plus perpendiculaires du cĂŽtĂ© oĂč elles 
.fe touchent,..que de .celui qui touche 
Ă  la Dent voifine. Il en ed de mĂȘme 
des deux autres Incifives. Ces quatre 
Dents n’ont jamais qu’une racine fort 
platte. Sur les faces latérales de. cette 
racine, régné une goutiere plus mar 
quée du coté le plus arrondi de la face 
latérale du corps de là Dent, que du 
cÎté oppofé qui ed plus applati. 

Les Canines inférieures diffÚrent aufS 
des fupĂ©riĂȘures en ce qu’elles.font moins 
pointues, que leur corps ed plus long; 



f ĂŻO De VArt duDentiJĂźe. 

& plus applati, & que la face tant du 
corps que de la racine du cÎté de la pe 
tite Incilive, eft beaucoup plus large & 
plus applatie que la face oppofée du cÎté 
de la Molaire. On trouv.e quelquefois 
des Canines qui ont deux racines ; ce qui 
arrive aufli, mais plus rarement, Ă  celÂŹ 
les de la mùchoire fupérieure. Les raci 
nes de ces Dents dans toute la longueur 
de leurs parties latérales, onrune gou- 
tiere , ou une rainure plus marquée à la 
face qui répond à la petite Molaire, que 
de Fautre cÎté. Elles diffÚrent encore 
des Incifives, en ce qu’elles font plus 
greffes par leur corps & par leur racine. 

Les deux petites Molaires fituées im 
médiatement à cÎté des Canines font 
diffĂ©rentes de celles d’en haut, en ce 
que i¼. les deux pointes mouffes qu’on 
y remarque font moins confidérables 8c 
moins écartées. 2 °. Que leur corps eft 
plus rond, 8c que la partie latérale anté 
rieure l’eft moins que la poftĂ©rieure. 3 0 . 
Que leur racine qui eft unique & ronde , 
& qui comme le corps de la Dent, eft un 
peu applatie antérieurement, eft com 
munément plus longue que celle des pe 
tites Molaires fupérieures. La premiÚre 
petite Molaire d’en bas eft aufli pour 



De VArt du Dentljle. i Ăź) 
Pordinaire uft peu moins greffe que la 
fécondé ou la derniere. 

Les trois greffes Molaires inférieures 
ont plufieurs chofes qui les diftinguent 
des fupérieures. i°. Les deux premiڏ 
res n’ont que deux racines fort larges 
& trÚs-plattes , au milieu defquelles ré 
gné extérieurement une fciffure, ou une 
goutiere qui divife fouvent en deux parÂŹ 
ties leparées le cordon & le canal. 2 °. 
Ces racines ont toutesune autre fituation 
que celles de la mùchoire fupérieure tel 
les font plantĂ©es dans l’alvĂ©ole, l’une en 
avant, & l’autre derriùre, de façon que 
le plat de ces racines fe trouve l’un anté 
rieur, Fautre poftérieur. La premiÚre 
greffe Molaire eft, comme Ă  la macho!-' 
re fupĂ©rieure, d’un plus gros volume 
que les deux autres. La racine antérieu 
re de cette Dent eft auflĂź plus greffe 8c 
plus applatie que la poftĂ©rieure. La mĂȘÂŹ 
me dĂ©gradation s’obferve dans la deuÂŹ 
xiÚme & dans latroiféme. Les Molaires 
appellées Dents' de fagejfe manquent 
quelquefois; mais elles ont ordinaireÂŹ 
ment la . couronne plus greffe que les 
Dents fupĂ©rieures. Elles n’ont commuÂŹ 
nĂ©ment qu’une racine fouvent crochue ? 



'12. De VArt du Dentijlé . 
ou elles en ont deux jointes enfemble; 
J’en ai vĂ» qui a voient jufqu’à cinq raÂŹ 
cines, & d’autres qui en avoient quatre;, 
mais ces cas font affez rares. Ces Dents 
font prĂšfque quarrĂ©es Ă  l’extrĂ©mitĂ© de 
leur couronne, & fort couvertes par les 
gencives. Les Molaires inférieures ont , 
comme les fupĂ©rieures, des ■ Ă©minences 
& des cayi'tés qui répondent exaélement 
à celles d’en haut, pour l’ufàge que nous 
avons expliqué.- En : général toutes les , 
Molaires ont la partie latérale antérieu 
re tant du corps que des racines, plus 
large déplus applùtie que la partie pofté- 
rieure ; ce qui s’obferve encore aux Ga¬ 
min es & aux Incilives plus ou moins dif 
'tinclement. A l’extrĂ©mitĂ© de chaque raÂŹ 
cine , on trouve un ou plufieurs petits 
trous fervant de paifage Ă  trois vaii- 
feaux diffĂ©rens qui vont. fprmer,çe qu’on 
-appeiie 5 le cordon des vaiffeaux DentaiÂŹ 
res. Ce cordon,parcourt le canal qui'efl: 
'creufĂ© dans l’intĂ©rieur des racinĂ©s-, St 
qui fe perd dans le corps, dé la Dent? 
pour y porter la nourriture-* convenable. 
A mefure que ce cordon'approche du 
corps de-la Dent, il efc groffi-parles 
^ailfeaux de la membrane qui revĂȘt-la 



De VArt duDentijĂŻe. ĂŻ j* 

facĂźne, & ces vaiflfeaux font des artĂšres , 
des veines, ’ & des nerfs* Les artùres 
viennent de la carotide externe ; les veiÂŹ 
nes de la jugulaire, & les nerfs de la 
branche maxillaire. 

Ces différentes obfervations font né- 
ceflaires pour diflinguer les Xncifives , 
les-Canines, les grolfes & petites MolaiÂŹ 
res du cotĂ© droit, d’avec celles du cĂŽtĂ© 
gauche ainfĂź que pour difcerner au 
coup d’Ɠiflorfquelles font ĂŽtĂ©es,Ă  quelÂŹ 
le mĂąchoire elles appartiennent, & la 
place. qu’elles occupoient. De cette fa¬ 
çon on peut dĂ©mĂȘler toutes les Dents 
d’une - mĂąchoire dĂ©placĂ©es & confonÂŹ 
dues enfemble , reconnoütre l’endroit 
d’oĂč elles- font forties, & affigner leur 
pofltion naturĂȘlle, fans avoir befoin de 
les confronter avec les alvéoles. La né- 
ceffitĂ© de pouvoir s’affurer, Ă  la feule inf 
peĂ©liqn .d’une Dent ifolĂ©e & hors de la 
bouche , de fa véritable pofition, le fait 
fentir en bien des rencontres. Il y a de 
petites Molaires fĂčpĂ©rieures prefque enÂŹ 
tiĂšrement uniformes, de forte que lorf-; 
qu’il s’agit de remettre une de ces Dents 
aprĂšs qu’elle efl plombĂ©e, on pourroit 
la changer de face, ce qui rendroit fa 



iĂŻ 4 De VArt du DentijĂźe. 
replantation trĂšs-difficile & quelquefois 
impoffible. Un fait arrivé récemment va 
prouver de quelle importance il efl de 
bien connoĂźtre les Dents. 

Un Malade fouffroit beaucoup d’une 
petite Molaire fupérieure. Il alla trouver 
un homme qui lui ayant caffé fa Dent, 
pour lui faire croire que fon opération 
. étoit bien faite , lui rendit une peti- 
I te Molaire inférieure. Quelques jours 
; aprĂšs, le Malade qui fouffroit toujours , 
me vint voir. J’examinai fa bouche, & je 
■ ~ n’y trouvai aucune Dent gĂątĂ©e. Com- 
I me celle qui lui manquoit étoit caffée 
fort avant, la racine ne s’appercevoit 
l plus. Je dis donc au Malade quil lui 
| étoit furement refié quelque portion de 
| racine.; il fbutint que non, & pour me 
| convaincre, il me montra la Dent qu'il 
j gardoit. Je reconnus au premier coup 
| «rƓil, que cette Dent n’étoit pas la fien- 
% ne, mais une Dent de la mùchoire infé 
rieure. Le Malade un peu furpris me 
crut ; je lui Îtai les débris de fa raci 
ne } &c il fut guéri. 

Les foffes alvéolaires font féparées les 
unes des autres par des lames ou des esÂŹ 
pÚces de cloifons plus ou moins épaiffes. 



De l' Art du Dentifle . ĂŻ$ 

fĂ©lon la nature des Dents qui s’y logent. 
Dans la jeuneffe,ces cloifons font plus po- 
reufes, plus flexibles, & plus élaftiques ; 
elles font arrofées par un fuc nourricier 
qui les rend flexibles. Ces lames offeu- 
fes, Ă  un certain Ăąge , deviennent, comÂŹ 
me tous les os, plus compares; ainfl les 
cellules fe rétréciffent, & toutes ces par-, 
ties ont par conféquent moins de reffort. 
La figure de chaque alvéole eft toujours, 
proportionnée à la forme de la racine' 
qu’il reçoit & qui femble lui fervir de- 
moule. A mefure que la Dent -s’élĂšve , 
elle laiffe au-deffous d’elle un vuide con- 
fidĂ©rable Ă  l’endroit oĂč elle s’eft oflĂźfiĂ©e, 
& ce vuide eff rempli en partie par les 
racines, à mefure qu’elles fe forment, î% 
s’y ajufle pour fertir la Dent. Ces raci¬ 
nes , en fe formant & en s’allongeant; 
viennent plus ou moins droites & plus- 
ou moins écartées, fuivant que la Dent 
a fait plus ou moins de dilatation vers le 
fond de l’alvĂ©ole, ou que les racines elÂŹ 
les-mĂȘmes en Ă©cartent plus ou moins les 
parois offeux. Elles font crochues Ă  leurs 
extrémités, difformes , inégales, lorf- 
qu’en s’allongeant elles ont trouvĂ© de la 
rĂ©fiĂ»ance au fond de l’alvĂ©ole, ĂŽc que 



'l 6 De V Art du DenĂčjle. 
d’autre part l’alvĂ©ole ne s’ouvre ou nĂ« 
s’écarte pas aifĂ©ment, pour ĂȘtre encore 
trop comprimĂ© par l’extrĂ©mitĂ© du corps 
de la Dent, dans letems mĂȘme qu’elle 
fe leve. Si alors le fuc offeux fe porte 
abondamment dans l’intĂ©rieur de la raciÂŹ 
ne pour la former, cette racine devient 
ondée ou crochue, a fon extrémité plus 
groffe & faite comme une efpĂšce de 
bouton ; ce qui a donné lieu à quelques 
Dentiftes de penfer, que c’étoit un nouÂŹ 
veau germe qui, en voulant s’olüifier, 
s’attachoit Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la racine. Il 
efl aifĂ© de voir qu’ils fe trompent, puisÂŹ 
qu’on ne trouve pas plus de duretĂ© dans 
cet endroit qu’au relie de la racine, & 
qu’on n’y remarque point non plus au¬ 
cune trace d’émail. Ne feroĂźt-ce point 
l’effet du fuc nourricier qui fe porte vers ' 
l’extrĂ©mitĂ© de la racine pour la prolonÂŹ 
ger , & qui trouve de la réfillance dans 
le fond de l’alvĂ©ole d’une part, & de/ 
l’autre dans la rencontre des Dents de 
la mùchoire oppofée f 

Les Dents Molaires, dĂšs que leur 
Corps qui efl d’un plus gros volume elf 
formĂ©, font dans l’alvĂ©ole une dilataÂŹ 
tion confidérable, qui donne aux raci 
nes 



De VArt du Bentijfe. , i 7 , 

fies la libertĂ© de s’écarter & de s’éten- * 
dre ; mais quand l’alvĂ©ole ne peut aifĂ©- 
ment ĂȘtre ouvert par la couronne de Ăźa 
Dent qui fort & lui réfifte trop, les 
racines alors s’écartent, & l’on en trouÂŹ 
ve quelquefois de plus écartées entre el-= 
les que le corps de la Dent n’a de volu¬ 
me. Si la Dent étant parvenue au ni 
veau de fes voilines , efl comprimée 
dans le ferrement des mĂąchoires par 
quelque Dent oppoiee, celle-lĂ  ne pouÂŹ 
vant plus s’allonger, la racine, à mefur-e 
qu’elle s’accroüt, fe replie, de vient cro¬ 
chue, fe grofült, &, comme on l’a dit 3 , 
il fe forme à fon extrémité une efpÚce de 
bouton produit tant par l’abondance du 
fuc offeux qui s’y porte, que parla rĂ©fifo 
tance de. l’alvĂ©ole &. des Dents oppc~. 
fées. ' 

Le Périofle qui fe forme & fe prolon 
ge avec les racines, eft commun à l’al¬ 
véole., dont la contraction le compri 
me. Il s’émincit , & quelquefois fe def- 
- fĂ©che au.point.que les parois.dei’alvĂ©o— 

~ le. fo trouvent adhérans. à la racine ,.ce 
: qui fait qu’en Ôtant la Dent, on enieve 
quelque, portion de l’alvĂ©ole, qui fetrour- 
..ve ainfß. fou. dé. avec la. racine». > 

Tome I, B. 



i8 De V Art du DentiJIe. 

Les alvéoles de certaines Dents font 
beaucoup plus épais que les autres. On 
peut les diftinguer en alvéole interne & 
en alvéole externe. Celui de la derniere 
groffe Molaire d’en bas a trùs-fouvent 
le plus d’épaiffeur par rapport Ă  l’apo- 
phyfe coronoĂŻde ; ce qui rend quelqueÂŹ 
fois cette Dent difficile Ă  ĂŽter, parce 
qu’elle n’eft fortie qu’à moitiĂ©, s’étant 
trouvée génée par cette apophyfe & par 
la Dent voiline, qui ont fait courber fes 
racines, & incliner la Dent du cÎté de 
la langue. L’alvĂ©ole externe de la deuÂŹ 
xiÚme groffieM olaire eft auffi plus épais & 
plus fort que celui de la premiĂšre greffe; 
auffi prĂȘte-t-il moins quand il eft queftion 
d’îter laDent qu’il enchaffie. L’alvĂ©ole 
de la premiĂšre groffe Molaire eft commuÂŹ 
nĂ©ment le moins Ă©pais des trois; ainft l’on 
a moins dé peine à Îter cette Dent qui eft 
■ plantĂ©e dans le milieu du corps de la 
mĂąchoire , fans ĂȘtre plus inclinĂ©e d’un 
‱'cĂŽtĂ© que d’un autre. Les petites MolaiÂŹ 
res s’îtent encore plus facilement, par¬ 
ce que leur alvéole eft encore plus min 
ce vers la joue, & qu’elles n’ont jamais 
qu’une racine. Les alvĂ©oles des Canines 
«nt plus d’épaiffeur que ceux des petites 



De l'Art du Dentifle. 10 
Molaires ; la racine en efi: plus groflĂȘ , & 
ordinairement plus longue , quelqueÂŹ 
fois mĂȘme ces Dents en ont deux, ce 
qui fait qu’elles font plus difficiles à îter 
à certains fujets. Enfin les alvéoles des 
quatre Incifives font plus minces que 
tous ceux des Dents précédentes. Aufli 
ĂȘes Incifives font-elles plus fufceptibles 
d’ébranlement, & par confĂ©quent plus 
faciles à Îter. Voilà pour les alvéoles in 
férieurs.. 

Les alvéolesSupérieurs ont aufli deux* 
faces, une interne, St l’autre externe.: 
L’alvĂ©ole externe de la premiĂšre grofle 
Molaire eft plus épais que ceux des deux 
autres grofles, & celui de la fécondé eft 
aufli plus fort que l’alvĂ©ole de la dernie- 
re Dent, qui eft ordinairement panché 
vers la joue. Les petites Molaires ont 
les alvéoles moins forts que ceux des 
Canines ; & les plus foibles de tous font 
les alvĂ©oles des Incifives. L’alvĂ©ole inÂŹ 
terne de toutes ces Dents eft Ă  peu prĂšs 
d’égale Ă©paiffeur,. Ă  moins qu’une Dent 
mal fĂźtuĂ©e ne fĂš porte plus d’un cĂŽtĂ© que 
d’un autre ; car alors elle eft plus oĂč- 
moins Ă©paifle fur quelqu’une de fĂšs 
deux faces. Ces petites ©bfervations 



'Hî De l’Art du Demi fie. 
ne doivent pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©es, lorfqu’il 
eft queftion d’îter une Dent. 

A mefure qu’on perd des Dents, les 
foffes alvéolaires s'effacent en trÚs-peu 
de tems ; enforte qu’il n’eft pas poffible 
d’en reconnaütre aucune trace > pourvu 
nĂ©anmoins qu’en ĂŽtant ces Dents on. 
n’ait pas autrefois fracturĂ© quelque porÂŹ 
tion d’alvĂ©olĂ© : car dans ce cas , quoique 
les foffes foient remplies & bien ofüi— 
fiées, la mùchoire eft moins épaiffe & 
moins unie. 

Lorfqu’on a l’une des deux mñchoi¬ 
res dégarnie de quelque Dent, la Dent 
de la mùchoire oppofée qui répond pré- 
cifément à la breche, ne trouvant plus 
rien qui la borne, ne manque pas de s’ai» 
longer par la contraction de fbn alvéo 
le. Or,Ăźe vuide que la racine laiife au 
'fond de cet alvéole, fe trouve peu-à peu 
rempli & oflifié. 

Lorfqu’on vient d’îter une Dent bien 
eonfolidĂ©e par l’alvĂ©ole, les bords ou les 
extrĂ©mitĂ©s de ce vafe offeux, oĂč font 
contenues les racines Sc celles des cloi- 
fons intermédiaires, font fenfibles pen 
dant quelques jours.. La gencive ne fe 
réunit, que quand les afperités de tou- 



De VArt du DentijĂźe. S -1 

tes ces parties fe trouvent détruites, 8c 
les parois fuffifamment rapprochés. On- 
ne peut manger fur cette gencive , que 
quand le'fond du. baffin eft entiĂšrement 
rempli &. bien ofßßfié. 

Dans les Vieillards - , & dans toutes 
les perfonnes - dont' les Dents tombent 
.par ébranlement, & par le défaut de 
l’alvĂ©ole , la gencive eft rĂ©unie en moins 
de C 24 heures , 8c la mĂąchoire eft aftĂ i C- 
fĂ©e, mince, & prefque tranchante. Qu’on 
'examine une perfonne qui aura perdu 
plufteurs Dents par ébranlement, & qui 
pendant fa jeunelfe en aura fait ĂŽter quelÂŹ 
ques autres, parcequ’elles Ă©toient gù 
tĂ©es, ou qu’elles lui caufoient delĂ  douÂŹ 
leur, on trouvera, dans cet endroit, la 
mùchoire plus épaifife & plus élevée, 
.qu’aux endroits oĂč les Dents n’înt Ă©tĂ© 
détruites que par leur ébranlement fuc- 
cefiif. 

Un Ecrivain récent a cru, que les 
Dents n’étaient pas chaftees au-dehors 
.parla contraction de l’alvĂ©ole. Pour le 
prouver , il foutientqu’on .n’a qu’à pref 
1er & appuyer fur la Dent qui fe trouve 
, allongée, elle rentrera fur le champ & 
.fe mettra au niveau de. fes voifines. Le 



Ăą 2 De VAn du Dentifle ; 

fait efl vrai:'mais cela n’arrive, quĂȘ 
quand l’alvĂ©ole efl dĂ©truit par une fup-- 
puration qui fe fait aflez communément 
dans la gencive, & autour de la raciÂŹ 
ne. Car alors la Dent deftituĂ©e d’appui 
ne tient plus qu’à quelques filets de la 
gencive, ou Ă  une petite portion de 
l’alvĂ©ole qui n’a pas encore Ă©tĂ© dĂ©truit 
par la fuppuration, & cela par le moyen 
de la membrane qui leur efl commune. 
Cette Dent ayant trĂšs-peu de foutien, 
s’allonge par fon propre poids, fi c’eft 
Ă  la mĂąchoire fupĂ©rĂźeure, & fi c’efl: Ă  
l’infĂ©rieure, par le gonflement & l’enÂŹ 
gorgement de la membrane ou de la 
gencive. Or il efl: aifé de comprendre, 
que fi l’on appuie fur l’extrĂ©mitĂ© de la 
Dent, elle rentrera dans fon trou & 
fe trouvera à peu prÚs égale à fes voi 1 * 
fines, fur tout fi la Dent oppofée fe ren 
contre dire élément vis-à-vis ; mais dÚs 
qu’on celle d’appuyer fur cette Dent,’ 
elle s’allonge & dĂ©borde les autres. Ces 
fortes de Dents en général font fort in 
commodes , & on efl fouvent obligé de 
les ĂŽter. Si on porte une fonde entre la 
racine de la Dent & la gencive, on ne 
trouve point ou l’on trouve peu d’al- 



De l?Art du Üentifte. 2$ 
\?éole. Toute la circonférence de la ra 
cine jufqu à fon extrémité, en eft prei> 
que totalement dénuée; cette racine efl 
nue & n’a plus aucune adhĂ©rence avec 
la gencive. C’efl: dans ce cas que la gen¬ 
cive en recouvre la plus grande partie » 
mais fans s’y adapter jamais. Ainlll’ex¬ 
périence nous fait voir que les Dents: 
s’allongent,fur-tout quand il n’y en a pas: 
à la mùchoire oppofée dont la réfiftan- 
ce puilfe empĂȘcher leur prolongement» 
Dùs-là donc il n’efl pas toujours polfiy 
ble de faire rentrer une Dent dans fon 
alvĂ©ole en prenant deflĂčs, & de la faire 
revenir au niveau des autres. Au refte* 
quoique les. Dents allongées excédent;: 
les autres, lorfque cet allongement proÂŹ 
vient de la contraction de l’alvĂ©ole, elles 
ne lailfent pas que d’ĂȘtre alfez fermes & 
de durer aflfez long-tems, parce qu’à me» 
fure que l’alvĂ©ole chaffe une Dent, elle 
en eft étroitement ferrée ; la figure py 
ramidale de la racine & l’élafticitĂ© de 
l’alvĂ©ole, contribuent beaucoup au refi=i 
ferrement. Et nous le répétons encore a 
Ă  mefure que la racine fort de l’alvĂ©ole 9 
le vuide qu’elle lailfe dans le fond le 
trouve rempli & oiĂźifiĂ© ? ce qui l’empĂȘ-j 



'24 De VArt du DentijĂŻe. 
che par confĂ©quent d’y rentrer. ConfirÂŹ 
mons ceci par une obfervation. 

Il y a cinq ou fix ans que MademoĂź- 
felle * * * demeurant Ă  Paris ,- rue Saint 
Thomas du Louvre, s’étcit fait racoĂŒr- 
cir Ă  Rouen j par un D en tille, deux In- 
cilives de la mùchoire inférieure ,' qui 
débordÎient beaucoup 'leurs"' vÎifines, 
parce qu’elle avoit’perdu depuis long- 
tems lesdeux grandes InÚifivesde la mù 
choire fupérieure. Au mois: de Novem 
bre 175 " 3 ? je les lui limai de nouveau 
de plus d’une demie ligne , pour les ren¬ 
dre égales aux autres. Or je puis alfûrer 
qu’on auroit eu beau appuyer fur ces 
deux Dents , qu’on ne les auroit pas 
fait rentrer de l’épaiffeur d’une feuille 
du plus fin papier, car elles font trĂšs- 
fermes & trĂšs - folides. Je confeillai Ă  
cette perfonne de faire mettre deux 
Dents pofliches Ă  la place de celles qui 
lui manquoient : elle ne voulut point 
fuivre mon avis, & je lui pronolliquai 
la perte des deux Dents limées-; ce- qui 
ne manquera pas d’arriver par fuccefiion 
detems, parceque cesdeux Dents s’al¬ 
longeront toujours par les raifons que 
|’ai marquĂ©es. On voit tous les jours de 



De VArt du Dentijle. Üj* 
Ă«es Dents allongĂ©es, & je n’ai jamais 
vu qu’on pĂ»t les faire rentrer, en apÂŹ 
puyant defiiis, que dans le cas oĂč l’al- 
yéole efi détruit. 

Quoique le nombre des Dents foit 
pour l’ordinaire fixĂ© Ă  vingt-huit ou 
trente-deux, il y a des perfonnes qui 
en ont 3 6 . J’ai nettoyĂ© les Dents Ă  un. 
Prieur logeant alors rue Guerin-Boif- 
-feau, chez Madame Bodajfe , lequel 
avoir quatorze Molaires Ă  la mĂąchoire 
lupérieure, fçavoir , fept de de chaque 
cÎté; de façon que la pénultiÚme & la 
derniÚre étoient doublées vers la joue. 

MademoifÚllé Dufort , de Lyon, vint 
en 17)i Ă  Paris, pour faire accommoÂŹ 
der Ôc arranger fes Dents qui Ă©toient 
doublées. Je lui Îtai deux Canines , 8c 
■deux petites Incifives qui lui Ă©toient veÂŹ 
nues de fiircroüt à l’ñge de dix-huit ans 
Ă  la mĂąchoire fuperieure. Ces Dents 
‱furnumĂ©raires la dĂ©figuroient Ă  un tel 
point, qu’elle n’ofoit ouvrir les levres. 
Auffi-tĂŽt que ces quatre Dents furent 
retranchées, elle eut les Dents trÚs-bien 
8 c mĂȘme fort jolies ; car il lui en relia 
feize Ă  chaque mĂąchoire. 

On voit quelquefois Ă  plufieurs per- 
Tome L G 



’h6 De VArt du Dentijüe ; 
fonnes dont toutes les Dents ont for* 
ties, une Dent de furcroĂźt qui fe plaÂŹ 
ce derriĂšre les deux grandes Incifives, 
ou entr’elles, lorfqu’elles font Ă©cartĂ©es. 
Cette Incifive furnuméraire a peu de vo 
lume ; elle eft ronde & pointue comme 
une Canine. Quand elle caufe de la difÂŹ 
formitĂ© ? ou qu’elle gĂȘne la prononciaÂŹ 
tion , il ne faut pas héfiter à la retran 
cher» 


§. IL 

De la formation de Vaccroijfement 
des Dents. 

L À maniùre dont les Dents fe 
forment & s’accroilfent, eft une 
merveille de la nature digne de toute 
l’attention des Phyftciens. Il eft curieux 
d’en confidĂ©rer les progrĂšs, depuis le 
premier développement du germe 5 juf* 
qu’à ce que le corps de la Dent s’élĂšve 
de l’alvĂ©ole, & forte au-dehors. Dans 
la formation des Dents, la Nature fuit 
un ordre particulier qui paroßt déroger 
gux loix établies pour la plupart de fes 





productions. Le corps de la Dent fe 
forme avant fa bafe, appellée impropre 
ment Racine ; il commence mĂȘme Ă  fe 
former par fa partie extérieure la plus 
Ă©loignĂ©e de cette bafe, & d’abord il 
prend tout le volume, ou toute la grof- 
feur qu’il doit avoir. A mefure que le 
yolume extérieur de la Dent grofßit, il 
eft recouvert par l’émail qui s’étend fur 
toute fa furface en mĂȘme-tems que l’inÂŹ 
térieur fe remplit. On fçait que toutes 
les parties offeufes, avant leur offifica- 
tion j commencent par ĂȘtre membraneĂč- 
fĂšs : le germe des Dents fuit la mĂȘme 
loi. Ce germe efi enveloppe par une 
membrane véliculaire qui prend. naif- 
fance de celles des gencives. En augÂŹ 
mentant de volume, il écarte & dilate 
la loge offeufe dans laquelle il efi; renÂŹ 
fermĂ© ; & Ă  mefiire qu’il s’ofime, fa memÂŹ 
brane s’épaifilt, s’étend , 8 c s’attache forÂŹ 
tement tant'Ă  fa bafe qĂŒâ€™Ă  la racine qui 
fuccéde. Les couches de la Dent qui 
fe forment & qui s’oflifient les premiù¬ 
res , font les couches extérieures du 
corps fpongieux. Aufix-tît qu’il y en a 
deux ou trois l’une fur l’autre, il fe dĂ©- 
pofe un fuc cffeux fur l’extĂ©rieur du 
C ij 


corps de la Dent, qui fuit Ă  peu prĂšs le 
mĂȘme ordre & les mĂȘmes progrĂšs d’of- 
fification que ce corps fpongieux. Ce 
fuc oflfeux qui eft contenu dans les celÂŹ 
lules de la membrane dont le germe eft 
environné, eft apporté par cette mem 
brane: c’eft de-là, qu’il vient couvrir 
peu Ă  peu le corps de la Dent, oĂč il fe 
durcit Ă  mefure que l’intĂ©rieur de cette 
Dent fe remplit de. nouvelles couches. 
Ainfi lorfque la Dent a pris fa confidenÂŹ 
ce, toute fa furface eft revĂȘtue d’une 
forte de croûte offeufe diftinguée tant 
par fa dureté que par fa blancheur & 
par fon poli, de tous les autres os du 
corps. Cette croĂ»te folide eft L’Email . 
Le fuc dont il eft formé, avant fon ofßifi- 
cation, n’a rien qui reffemble à une fubf- 
tance membraneufe : mais il fe filtre peu 
à peu par le tiffu des cellules, & fe ré 
pand fur tout le corps fpongieux, à me» 
fure que la Dent s’offifie. La matiùre de 
l’émail en fe formant, n’eft donc qu’une 
efpĂšce de pĂąte molle qui acquiert infen- 
fiblement de la confidence, 8 c qui deÂŹ 
vient enfin une vraie lame offeufe, fi 
dure 8 c fi compadle, qu’on l’a crue long¬ 
eras incombuftible y vieille erreur qu’un 



De P Ar t du DerttijĂźe. 2.$> 
peu d’attention a dĂ©truite. 

Ceux qui voudront vérifier cette Phy* 
fiologie de l’Email, n’ont qu’à exami- 
^ ner des mñchoires de jeunes BƓufs oà 
- H relie des Dents de lait Ă  tomber. Il 
faut les prendre dans le tems que les 
fécondés Dents ne font que commencer 
às’ofiüfier; on reconnoütra dans cetexa^ 
men l’opĂ©ration de la nature, & plus at* 
fĂ©mentque fur des mĂąchoires a’Enfans. 

Quand le corps de la Dent eft consÂŹ 
truit , & qu’elle a toutes fes proportions , 
fa bafe, ou, comme on dit, fes racines 
fe forment de la mĂȘme maniĂšre. AinfĂź 
la racine en fe formant, prend d’abord 
le volume qu’elle doit avoir, & à me- 
fure qu’elle fe fortifie, ou que fon inté 
rieur fe remplit, elle s’allonge infenfi- 
blement, jufqu’à ce qu’elle ait acquis la 
longueur convenable» L’extrĂ©mitĂ© de 
cette racine fe bouche alors en confer- 
vant néanmoins un pafiage libre aux 
vaiffeaux qui aboutiiToient au germe, 
& qui vont maintenant occuper la caÂŹ 
vité de la racine pour fe perdre dans 
le corps de la Dent. D’un autre cĂŽtĂ©, la 
membrane de la Dent fe prolonge fur. 



30 DeV'Art du Dentijle. 

cette racine, l’enveloppe , & y devient - 

adhérente. 

Pendant que la racine s’allonge & 
fe perfectionne au fond de l’alvĂ©ole, la 
Dent s’élĂšve vers la gencive pour fortir 
au-dehors. Elle commence par écarter 
les parois de l’alvĂ©ole : parvenue au bord 
de cette loge offeufe, la Dent, ouvre 
d’abord la membrane dont elle efl en¬ 
core envoloppée, puis celle qui bouche 
-l’entrĂ©e dĂ© l’alvĂ©ole, & enfuite la genÂŹ 
cive. Alors elle fe découvre peu à peu, 
& fort tout-Ă -fait dehors, Ă  mefure que 
la racine en s’allongeant, la chalfe ou 
la repouflfe. Mais que devient cette memÂŹ 
brane d’oĂč la Dent s’eff dĂ©veloppéÚ en 
la divifant ? Elle refie dans l’alvĂ©ole & 
devient commune Ă  cette partie & Ă  la 
racine. Il faut obferver ici qu’à mefure 
<jue la Dent s’avance vers la gencive , 
les parois de l’alvĂ©ole s’allongent & s’é- 
paiffiffent en mĂȘme-tems, pour recouÂŹ 
vrir entiĂšrement la racine. La mĂȘme 
oeconomie fe remarque pour les MoÂŹ 
laires qui ont plufieurs racines. PenÂŹ 
dant que ces racines fe forment, il fe faÂŹ 
brique des cloifons & des cellules defti- 
nées à les loger féparément. Les Dents 



De VArt du Berttijßé* 3 ïß 
qui n’ont qu’une feule racine, en fortant 
de l’alvĂ©ole oĂč elles fe font formĂ©es > 
y laiffentleur moule, c’eft-à-dire, l’em- 
preinte de la place qu’elles occupoient. 
Or ce moule s’efface en partie, & eii 
refferrant fon volume, s’adapte à celui 
de la racine pour la fertir &c la confo- 
lider. 


§. IIL 

De la fortie des Dentsl 

L es Dents percent ordĂŻnairerneftC 
Ă  cinq, Ă  fix, ou Ă  fept mois, quelÂŹ 
quefois plutĂŽt, quelquefois plus tard 3 
félon que les enfans font plus ou moins' 
forts. On en voit à qui les Dents né 
paroiffent qu’à l’ñge d’un an , ou de : 
quinze mois, de rien ne varie plus que 
le tems de leur fortie. Les Canines ne 
percent alfez fouyent qu’aptùs les Mo¬ 
laires , & plutÎt à la mùchoire fupérieu- 
re qu’à celle d’en bas ; mais pour l’ordi¬ 
naire la premiÚre Dent paroßt à la mù 
choire inférieure & au-devant de 1 % 
bouche, Ă  fix ou Ă  huit mois. Peu de jours 







32 De VArt duDentifle. 
aprĂšs lafortie de cette Dental en paroĂźf 
une autre à cÎté, & ces deux premiÚres 
Dents font appellées Incifives. Les deux 
grandes Incifives fortent Ă  la mĂąchoire 
fupérieure, peu de tems aprÚs celles de 
lamachoire inférieure, & à peu de jours 
l’une de l’autre. Il perce enfuite à la mñ¬ 
choire inférieure deux autres Incifives, 
Ă . cĂŽtĂ© des premiĂšres, l’une Ă  droite > 
l’autre à gauche, & deux à la mñchoire 
fupérieure, à cÎté des deux grandes In 
cifives. Ces huit Incifives font difiin- 
guées en quatre fupérieures , & en qua 
tre infĂ©rieures. A l’ñge d’onze mois ,ou 
d'un an, les deux Canines commencent 
à paroßtre à la mùchoire inférieure, & 
percent toutes deux prefque dans le 
mĂȘme tems. Trois femaines ou un mois 
aprùs, paroiffent ( & d’ordinaire enfem- 
hle) les deux Canines de la mĂąchoire 
d’en-haut. Ces derniùres > à leur fortie > 
caufent prefque toujours plus de douÂŹ 
leur & d’accidens que les Dents qui ont 
paru avant elles. 

Il perce enfuite d’autres Dents plus 
fortes, appellées Alolaires de lait. Les: 
deux premiĂšres fortent Ă  quatorze ou 
quinze mois à la mùchoire inférieure » 



TDeVArt du Dentifle. 33 
chacune à cÎté de celles dont nous ve 
nons de parler. Peu de jours aprĂšs, il en 
perce encore deux femblables à la mù 
choire iupĂ©rieure. A l’ñge d’environ 
deux ans, il en paroĂźt quatre nouvelÂŹ 
les, deux à la mùchoire inférieure, & 
deux à la Iupérieure. Ces huit Dents font 
appellĂ©es Molaires. L’Enfant parvenu Ă  
cet Ăąge, a chaque mĂąchoire garnie de 
dix Dents, que l’on appelle Dents de lait : 
il relie dans cet état jufqu ? a cinq ou lix 
fins. A cet Ăąge, il lui perce quatre nouÂŹ 
velles Dents ; deux en haut & deux en 
bas, & toutes rangées à cÎté de celles 
qui ont paru les dernieres. Il en vient 
quatre autres à l’ñge de onze ou douze 
ans , & quatre autres encore Ă  dix-huit 
pu vingt. Ces douze Dents font appelÂŹ 
lées grojfes Molaires ; on nomme com 
munément les quatre derniÚres, Dents 
de fagejfe. Quelquefois ces mĂȘmes Dents 
ne paroiffent qu’à vingt-cinq ou trente 
ans, quelquefois plus tard, & mĂȘme jaÂŹ 
mais. Quand toutes les Dents font deÂŹ 
hors, chaque mĂąchoire efl; garnie defei- 
ze Dents, qui font le nombre de trente- 
deux* 



54 De VArt du DentijĂźe . 


§. IV. 


De j accidens qui précédent & qui accom\ 
pognent ĂŻofortie des Dents. 


P endant que la Dent fe forme 8c 
s’accroüt ? que fon corps en grof- 
fiflant Ă©carte les parois de l’alvĂ©ole , 
qu’elle comprime & divife la membrane 
du germe , & que la racine , en s’allon¬ 
geant, l’oblige de'percer la gencive, 
l’Enfant Ă©prouve des douleurs plus ou 
moins vives qui caufent fouvent des acÂŹ 
cidens trĂšs-dangereux. Lc-rfque la Dent 
efl: parvenue Ă  la membrane, qui ferme 
l’alvĂ©olĂ©, cette membrane, ainfi que lĂ  
gencive, efi cÎnfidérablement diflendue 
par l’écartement de cet alvĂ©ole. La prĂ©- 
fence de la Dent irrite les fibres nerveu- 
fes qui s’y diftribuent ; elle les picotte 
& les dĂ©chire, jufqu’à ce qu’elle foit enÂŹ 
tiÚrement à découvert. 

Or les- accidens qui réfuftent de ces ' 
picottemens & déchiremens, font plus 
©u moins confidérables, félon les Dents 
qui les produifent & la conftitution de 
FEnfant,. La fortie des Molaires 8c deç 



De V Art du Dentifte. 

Canines, eft communément fuivie de 
beaucoup plus d’accidens que celle des 
Incifives. On voit des Enfans dont les 
Dents germent, & s’oflifient prefque 
toutes à la fois. Ainli le feul écartement 
qu’elles font aux parois des alvĂ©oles, & 
la dilatation des membranes qui les enveÂŹ 
loppent, occafionnent des accidens qui 
deviennent quelquefois mortels. Toutes 
les Dents, à la vérité, ne caufent pas les 
mĂȘmes dĂ©fordres, foit en germant, foit 
Ă  leur fortie : mais on ne voit que trop 
d’exemplùs des maux qui accompagnent 
la fortie des Canines & des Molaires. 
Ainli nous commencerons par examiner 
la nailfance de ces deux fortes de Dents. 

Les Dents Canines ont l’extrĂ©mitĂ© de 
leurs corps terminée en pointe moufle » 
le milieu efl: trois fois plus gros, & reÂŹ 
préfente une efpÚce de cÎne. Lorfque 
cette pointe moufle , aprÚs avoir divifé 
la membrane qui l’enveloppe , efl par¬ 
venue Ă  celle qui ferme l’alvĂ©ole, comÂŹ 
me elle ne fçauroit promptement percer 
la derniere , elle la comprime & la dif 
tendbeaucoup.De-là l’inflammation qui 
s’y forme & qui caufe des douleurs trùs- 
aigues. Ces douleurs fubfiflent aufE 



5 6 De VArt du Dentijßë . 
long-rems que la pointe moulfe des Cahfc 
nés eft à divifer ces deux membranes ; ce 
quelle fait prefque imperceptiblement, 
en les amincilïànt peu à peu. Or l’ouver¬ 
ture que fait cette pointe, & qui s’ag- 
grandit Ă  mefure que la Dent s’élĂšve, 
n’eft jamais alfez large pour laiffer paffer 
le corps dé la Dent, qui eft plus gros 
que fa pointe: car cette ouverture eft 
comme un bourrelet qui tient la gencive 
tendue, & les déchiremens que le corps 
de la Dent fait, Ă  mefure qu’elle s’élĂšve, 
ne la relĂąchent point alfez pour calmer 
les vives douleurs que l’irritation, le pi-' 
cottement, & la compreffion caufont aux 
fibres nerveufes qui s’y diftribuent. Ces 
défordres qui fubfiltent quelquefois juf- 
qu’à la fortie entiùre de la Dent Canine , 
ne font que les moindres accidens dont 
elle peut ĂȘtre accompagnĂ©e. Il en fur- 
vient quelquefois de li funeftes, qu’ils 
font fuivis d’une prompte mort. Com¬ 
bien en effet voit-on d’Enfans à qui ces 
mĂȘmes Dents caufent des eonvullions 
qui les emportent en peu de jours, ce 
qui n’arrive pourtant qu’aux PlĂ©thoriÂŹ 
ques ! Combien d’autres à qui ces Dents 
percent avec une telle lenteur, que leuç 



DeVjirt ĂąuDentĂźfle. 37 
jointe comprime long-tems la gencive, 
fans pouvoir l’ouvrir! Cette lenteur fait 
que la gencive s’enflamme & fe gonfle 
Ă  meflxre que la Dent s’élĂšve, ce qui 
caufe bien des maux à l’Enfant. Il fe for¬ 
me quelquefois dans fa bouche quantité 
d’Aphtes ou de petits ulcùres qui fouvent 
gagnent le gofier, l’oefophage, & la tra¬ 
chĂ©e-artĂšre ; les amygdales s’enflent enÂŹ 
core au point que le gonflement dégé 
néré en abfcÚs. Pendant tout ce défor- 
dre , l’Enfant a une fiùvre trùs-violente 
& des convulfions dont les fuites font 
quelquefois mortelles. Pour prévenir ces 
accidens, dĂšs que la pointe de la Dent 
Canine à percé, il faut couper en deux 
endroits la bride circulaire ou le bourreÂŹ 
let que le corps de la Dent fait en Portant. 
La mĂȘme opĂ©ration devient nĂ©ceflaire > 
quand la pointe de cette Dent , avant 
que de percer la membrane de l’alvĂ©ole 
& la gencive, foit par fĂ  lenteur Ă  pouf 
fer, foit par la plĂ©thore de l’Enfant, oc- 
cafionne de pareils défordres; il faut 
aufli dans ces circonftances découvrir 
au plutĂŽt la pointe de la Dent par une 
incifion cruciale. 

Les Dents Molaires ordinairement 



8 De VArt du'DentĂźJfe . 

n’ont pas tant de peine Ă  percer que leĂȘ 
Canines : mais pourtant, dans les preÂŹ 
miers jours, elles caufent des douleurs 
aigues & d’autres accidens, mĂȘme avant 
que d^élever la gencive ; & voici pour 
quoi. Comme elles font ordinairement 
d’un gros volume, l’écartement de l’alÂŹ 
véole & la tendon du période font en 
proportion de leur groffeur, ce qui proÂŹ 
duit beaucoup de mal. Mais auffi, pour 
peu que ces Dents pouffent, comme elÂŹ 
les font d’une forme quarrĂ©e & qu’elÂŹ 
les ont plulieurs éminences, la Dent 
comprime la gencive & la diftend dans 
tous les points, jufqu’à ce qu’elle l’ait 
entiùrement- rompue , & qu’elle fe foit 
ouvert un palfage qui fait bien-tĂŽt fuc- 
cĂ©der le calme.D’un autre cĂŽtĂ©, la forÂŹ 
me & le volume de cette Dent abrĂšge 
les douleurs; parce que l’amincilfement 
& la didenlion, tant de la gencive que 
de la membrane de l’alvĂ©ole, font que 
la Dent, étant une fois arrivée là, a moins 
d’efforts à faire pour les divifer,& qu’ain- 
fi l’irritation dure moins. Le moyen de 
faire ceflfer tous les accidens qu’elle eau* 
fe, e£l de débrider ces deux parties, ( le 



De V Art lu Bentifle: 5 ^ 

|)érßofte & la gencive ) par quelques lé 
gĂšres inciflons. 

La fortie des Inciflves efl: la moin? 
pénible de toutes : cependant comme 
ces Dents fĂš terminent en une efpĂšce de 
tranchant qui efl fouvent en forme de 
fcie, quelquefois leur extrémité picotte 
la gencive &c fait quelque mal. Mais la 
douleur qu’elle caufe efl; courte , parce 
qu’elle divife la membrane beaucoup 
plus aifément que les autres Dents, &C 
qu’elle fait une ouverture affez grande 
pour permettre Ă  tout le corps de la 
Dent de fortir fans rien déchirer, ni 
produire d’inflammation. Quandla poin¬ 
te des Inciflves caufe par hazard quelÂŹ 
que accident, on y a bien-tÎt remédié 
par une inciflon à la petite élévation 
qu’elle fait appercevoir en pouffant. 

Pour prévenir les accidens qui ac 
compagnent la fortie des Dents, il ne 
s’agit que de trouver les moyens de les 
faire percer le plus promptement qu’il 
efl; poflible, &c d’aider à propos la Na¬ 
ture. J’ai obfervĂ© que l’ufage du Hochet, 
Ă©toit plus pernicieux qu’utile aux En- 
fans, 8 c que les Ă©molliens qu’on employĂ©, 
pour relĂącher les gencives, n’étoient 



ĂŻ|0 De l'Art da DentiJIe 
pas fort nécelfaires. 

Le Hochet qu’on donne aux Enfans * 
& que plufieurs Auteurs confeillent, a 
des inconvéniens manifeftes. Lorfque 
la Dent s’eft Ă©levĂ©e jufqu’à comprimer 
la gencive , elle y excite une forte dé- 
mangeaifon. L’Enfant, pour fe foulager, 
porte le hochet Ă  fa bouche , le ferre, le 
mord, & comprime ainfi la partie qui 
produit la démangéaifon. Les compref 
ilons rĂ©itĂ©rĂ©es que cet inftrument d’une 
part, & la Dent. de l’autre, font à la 
gencive, y occafionnent un gonflement, 
& quelquefois une inflammation, fuivie 
'de trÚs-grands déibrdres. 

Le Hochet feroit d’un excellent ufa- 
ge, fi l’Enfant en le ferrant & en le mor¬ 
dant, pouvoit contribuer Ă  faire divifer 
la gencive. Mais comme les extrémités 
des Dents n’ont pas toutes une figure 
propre Ă  faciliter cette divifion, le hoÂŹ 
chet ne fert Ă©videmment qu’à durcir la 
.Gencive. 

Les Dents Incifives, qui par leur exÂŹ 
trémité tranchante, par Giflent le plus 
accélérer la divifion de la gencive, lorfi 
gu’elle efl: ferrĂ©e & comprimĂ©e par le 
hochet f 



De V Art du Déntijße. 41' 

feochec j ne font pas une divifion affez 
nette ni affez exacte. Les fibres qui n’ont 
ÇÛ ĂȘtre dĂźvifĂ©es/ont autant de brides qui 
s’enflamment par. la contufion que le ho¬ 
chet y a faite, & qui font fubfifter la 
douleur. Si l’ufage du hochet.nuit plus 
-qu’il ne-fùrt à la fortie des Incifives, il 
en provient, à plus forte raifon, d’autres 
inconvéniens dans la fortie des Canines 
dont-l’extrĂ©mitĂ© efl obtufe, St dans ceh 
le des Molaires dont la furface eit large- 
&.armée de plufßeurs pointes moufles. 

Les Ă©molliens qu’on employĂ©, pour 
faciliter la divifion de la gencive, font 
trĂšs-rarement efficaces. On ne fĂ uroit 
difconvenir qu’ils ne foient propres à 
relñcher la membrane & qu’ils ne di¬ 
minuent en effet les douleurs que cau- 
fe fa tenfion : mais le peu de relĂącheÂŹ 
ment qu’ils produifent, retarde la divi¬ 
fion de la gencive, & la Dent s’élevant 
de jour en jour, Ă  mefure que fa racine 
s’allonge, efl: une caufe. toujours fub- 
fiftante de l’engorgement des vaifleaux 
dans toutes les parties qu’elle compri¬ 
me de plus en plus. La gencive, conti^ 
nue donc.de s’enflammer & de produis 
je les mĂȘmes acçidens, fi on ne travailla 
Tomé L D 


'42 De VÀrt du Dentijïe. 
a les détourner, par des moyens plus- 
prompts & plus furs. 

r ’ Le Remede qui m’a paru le plus pro¬ 
pre pour prévenir ces accidens, efl le 
Jus de Citron . Cette liqueur, par fon aciÂŹ 
dité & fa vertu aftringente , donne du. 
reffort aux fibres de la gencive, fans y 
caufer d’inflammation ; de façon que les 
fibres qui la compofent fe caffent, Ă me- 
fure que la Dent pouffe au-dehors. La 
maniùre d’employer le Citron, efl; de 
tremper le doigt dans fon jus & d’en 
frotter la gencive, aux endroits oĂč les 
Dents paroiflent difpofées à percer, juf- 
■ qu’à ce que la divifüon des chairs foit 
faite. Il faut, pour cet effet, donner beauÂŹ 
coup d’attention à la bouche des En- 
fans , lorfque leurs Dents font en train 
de percer. Les lignes qui le font con- 
noütre font, lorfque l’Enfant commen¬ 
ce à baver, qu’il fent un prurit ou une 
dĂ©mangeaifbn Ă  la bouche, qu’enfin on 
remarque à la gencive une élévation & 
un point blanc, qui ne fubfiftent que par 
la préfence de la Dent qui commen 
ce à la comprimer. C’efl alors qu’ofi 
a recours au jus de Citron que beauÂŹ 
coup cL’expĂ©riences m’ont dĂ©montrĂ© ĂȘtre. 



De VArt du Deniijle. 43 
préférable à tous les autres remÚdes. 

En effet , les émolliens relùchent la 
gencive tendue, diminuent l 5 inflammaÂŹ 
tion , &. calment les douleurs pour le 
moment ; mais ils ne détruifent pas la 
caufe de l’inflammation & de la tendon, 
ou ne font qu’en retarder les fuites. Que; 
fait au contraire le jus de Citron? ComÂŹ 
me c’efl un bon rĂ©folutii> & qu’en mĂȘÂŹ 
me tems il efl: incifif (propriétés trÚs- 
convenables dans un cas comme celui- 
ci, oĂč le fluide efl; arrĂȘtĂ© par la double; 
compreflĂźon de la Dent & de la memÂŹ 
brane extérieure , fur les vaifleaux de la 
gencive ), le jus de Citron, en pénétrant^ 
lĂ  membrane qui par fit tenfion pourroitc 
faire une efpĂšce d’étranglement Ă  la gen- 
cive qu’elle recouvre , dĂ©truit bien-tĂŽt 
cette membrane. Il agit enfuite efficace*- 
ment fur la gencive mĂȘme , en facilitant : 
la rupture de fies fibres. 

Les hyperfàrcûfÚs ou fonguofités SÚ 
les Aphtes ne tiennent pas long-tems 
contre cet acide & lĂ  gencive, par fort; 
moyen, eftdivifée promptement ; ce; 
qui fait cefler le mal. à fa fburce, &ac— 
cĂ©lere l’apparition de la Dent. MM». 



'44 De VArt du DentĂŻjĂŻe ; 

Fauchard Sc Bunon confeillent,pourdfe 
truire les aphtes ou petits ulcĂšres,lâ€™ĂŒfage 
de plufieurs caufliques, tels, que Fefprit: 
de vitriol, ceux de fel & de fouffre , & 
d’autres du mĂȘme genre. On ne peut nier- 
que-ces violens acides n’operent puif~ 
famment cet effet; mais quoiqu’on ne: 
faffe qu’en toucher lĂ©gĂšrement avec un 
pinceau ces petits ulcĂšres, ne peut-il 
pas s’en glifïùr des particules dans l’eÇ- 
tomach avec la fàlive, fur-tout lorfq.u’il 
y a de ces ulcÚres- à détruire, vers, le- 
gofier ? Or , comme les Enfans avalent: 
tout &nefçavent pas expectorer, quel 
ravage nepeut pas faire dans, leur-effo- 
mach un pareil acide ! -L’avantage du 
fus de..Citron, eflde n’ĂȘtre pas moin's 
efficace -, pour la guérifbn des ' aphtes , 
Tans faire craindre, aucun de ces incon-*'. 
.vĂ©niens. Quelquefois les remĂšdes qu’on 
employé, pour faciliter ladivifßon de la*, 
gencive- Sc calmer les accidens , font 
fans effet, parce que la Dent n’agit en- ; 
dore que fur fa propre membrane , 6 c. 
qu’elle n’eft pas parvenue au point d’ac- 
er-oiflĂšment nĂ©cefĂŻĂ ire pour pouvoir dü— 
vifer celle qui bouche i’oiiverture de 
l’alvĂ©ole» AufĂźi fouvent il arrive qu’une 



De VArt du Dentifte* 45? 
Dent y plus- de trois mois avant que de 
paraĂźtre , caufe des convulfions dange- 
renfes.Le moyen d’y remĂ©dier prompteÂŹ 
ment , efl de faire une incifion cruciale * 
non-feulement Ă  la gencive. & Ă  la memÂŹ 
brane qui ferme l’alvĂ©ole, mais encore 
à celle qui enveloppe la Dent : c’efl prin¬ 
cipalement cette derniere qu’il efl im¬ 
portant de bien divifer, pour mettre: 
Ă  nud l’extrĂ©mitĂ© de laDeht. Il efl mĂȘÂŹ 
me bon d’emporter les angles ou lam¬ 
beaux de lĂ  gencive , pour en empĂȘcher: 
la réunion 8 c prévenir de nouvelles- 
douleurs, quand la Dent l’ouvrira une. 
deuxiĂšme fois. Par ce moyen les con- 
yulfions 8 c les autres accidens fe diffi- 
peront promptement... 

La mĂȘme opĂ©ration doit fe faire, quand 
la Dent à percé fa propre membrane ,, 
& qu’elle irrite celle qui fe.trouve fous, 
ĂŻa gencive, ou la gencive mĂȘme. Lorf- 
qu’il furvient des convulfions, quoique 
la gencive ne foit pas encore bien.éle 
vée. par la préfence de.la Dent,.il faut 
fans hĂ©fxter l’ouvrir, comme il vient d’ĂȘÂŹ 
tre dit , pour faire ceffer les accidens, &' 
emporter de mĂȘme les angles, fĂź on juÂŹ 
ge, que la gencive puiife fe réunir. Quand: 


r <$6 De VArt du DentĂźfte. 
ßa préfence de la Dent, en arrivant a 0 
gencive, eaufe ainfi quelque défordre^ 
il ne faut point attendre qu’elle divifes 
©u qu’elle irrite davantage ces parties-; 
fĂšnfibles, mais aller d’abord Ă  l’opĂ©ra^ 
don, & mettre la Dent à découvert. 

Les Dents', à certains Ênfans , font; 
quelquefois trĂšs - long - tems' Ă  s’élever 
Hors de l’alvĂ©ole, ce qui peut occafion- 
n'er la réunion de la gencive, & faire re 
venir les mĂȘmes accidens. Dans ce cas,- 
je crois qu’il vaut mieux emporter la- 
gencive, pour dĂ©couvrir l’extrĂ©mitĂ© de: 
là Dent; & l’on n’a pas à craindre que; 
les lambeaux reproduifent de nouveau-; 
les mĂȘmes douleurs qu’auparavant, fur- 
tout lorfque la Dent pouffe lentement.! 
AprÚs cette petite opération, il con 
vient d’employer les Ă©molliens & de les 
appliquer for les parties divifées : le jus 
de Citron n’eft pas propre alors. 

Il arrive, encore quelquefois que les 
Dents des Enfan s forts & robufies p oui? - 
fent prefque toutes Ă  la fois , 8 c que 
leur accroiffement eft fi prompt, qu’il 
produit plufieurs accidens. Lorfque ces 
Dents qui percent en foule font parveÂŹ 
nues au point de divifer, ou les mena# 



De ÎAn du Denrifüed 'qf 

Bran es ou- la gencive, Ă  mefure que les: 
Dents s’élĂšvent, l’Enfant a fouvent des: 
convulfions violentes qui le font- périr 
en peu de jours, £ l’on n’y apporte le 
plus prompt remede. ; e’eft-à-dire, £ 
l’on ne fait, comme on a dit, une in-*- 
cifion cruciale fur la gencive, pour metÂŹ 
tre la Dent à découvert. Il eft impor 
tant fur-tout de bien divifer les parties' 
membraneufes. 

Quand les incifions font faites, &quë 
les parties font bien dĂ©bridĂ©es, c’eft enÂŹ 
core le cas d’employer les Ă©molliens 3 
6 c non le jus de Citron. Il eft bon alors 
de frotter légÚrement les gencives de 
l’Enfant avec du miel de Narbonne: on 
trempe pour cet effet le doigt dans le 
miel, & de quart d’heure en quart d’heu¬ 
re, on le porte fur la gencive malade. Si 
l’Enfant Ă©toit replet & avoir la fiĂšvre un 
peu fort , il faudrait lui tirer du bras 
une demie palette de fang. Quand il a le 
ventre dur & tendu, il faut lui donner 
des lavemens Ă©molliens & anodins qu’on 
rendra , s’il eft nĂ©ceffaire , purgatifs 
avec le miel mercuriel. 

Comme fes Dents pouffont rapide- 
ment,en peu de jours, elles fe trouveront 
par cette conduite, toutes découvertes $ 


De VArt du Dentijte. . 
fans donner aux gencives divifees ll 
tems de fe réunir, quoique les lambeaux 
m’ayent pas Ă©tĂ© emportĂ©s. 

Tous les accidens qui viennent d’ĂȘtre 
détaillés font plus ou moins graves, i°. 
Suivant la complĂ©xion de l’Enfant. 2°. 
Selon que la fortie des Dents eft ou 
prompte oulente. 3 Suivantque le lait 
de la Nourrice eft doux, ou s’altĂ©rĂ© 
dans la bouche Ă©chauffĂ©e de l’Enfant.. 
4^°. Suivant le. régime que la Nourrice 
lui fait ĂŽbferver. 

On conçoit, par ce que j’ai dit,, qĂŒa 
les Dents, avant que d’ĂȘtre parvenues 
Ă  la-gencive, peuvent produire bien des 
maux & mĂȘme faire p'Ă©rir l’Enfant. Il 
faut fur-tout bien de l’attention pour 
les. Dents Molaires : car comme ces 
Dents font une fois plus groffes que celÂŹ 
les .qui les remplacent à un certain ùge» 
à mefure qu’elles s’ofülfient, leur valu-, 
me fait Ă©carter confidĂ©rablement l’alÂŹ 
véole. De plus, lorfque. la racine à fon 
tour fe forme Sc s’allonge, ce qui fait 
Ă©lever la Dent, l’alvĂ©ole s’élargit peu Ă  
peu du cÎté de la,gencive.; ainfi. la memfe 
brané qui couvre la Dent, fe trouve- 
confidérablement diftendue & compri- 



De l’Art duDentifle. 
fnĂ©e par l’écartement de l’alvĂ©ole d’une 
part, & d’un autre cĂŽtĂ©, par l’extrĂ©miÂŹ 
té de la Dent qui la divifÚ. Or tout ce 
ci ne le fait point fans occafionner beauÂŹ 
coup de douleur, & mĂȘme fans entraߏ 
ner plufieurs accidens, for-tout aux En- 
fans pléthoriques. Ce font toutes ces cir- 
confiances qui, comme on a dĂźt, caufent 
quelquefois, plus de trois mois avant que 
les Dents percent, des convulfions dan- 
gereufes, ou du moins le dévoyement ; 
ce qui fait dire aux Nourrices,lorfqu’el- 
les trouvent du lait grumelé dans les ex- 
crĂ©mens de l’Enfant, que [es Dents gerÂŹ 
ment. C’eft donc ici le cas de prefcrire 
à la Nourrice la façon dont elle doit gou 
verner l’Enfant. Ce rĂ©gime confifte prinÂŹ 
cipalement Ă  ne point le furcharger de 
lait, c’eft-à-dire, à l’allaiter moins fou- 
vent , 8 c Ă  lui donner moins de bouillie. 
Si l’Enfant eft trop rĂ©plet, il faut purger 
la Nourrice, & teni/TĂš ventre libre Ă  
l’Enfant, en lui donnant tous les jours 
de légers lavemens adouciffans. 

On remarquera que les Enfans déli-* 
cats, dont les Dents ont moins de voluÂŹ 
me & pouffent lentement, font moins 
fojets à ces accidens, mais que chez euç 
Âoms h E 



!$6 Ve V Art du Dentijle. 
les mĂȘmes Dents Ă©tant parvenues aux 
gencives, en amùnent d’autres que nous 
avons déjà décrits» - 


- §. v. 

'De la Chute des Dents de lait, & de leur 
remplacement. 

A l’A ge de fix ou fept ans, les 
ĂŻncifives, les Canines, 6c les MoÂŹ 
laires de lait, tombent Ă  peu prĂšs dans 
le mĂȘme ordre qu’elles font venues, & 
font remplacĂ©es par le mĂȘme nombre 
de Dents plus fortes 6c plus belles. 
Tant que ces Dents ne font pas ébran 
lées 6c prÚs de leur chute , elles ont des 
racines prefque auffi fortes 6c aufiĂź dures 
que les fĂ©condĂ©s ; mais lorfqu’elles font 
vacillantes, en les ĂŽtant, on les trouve 
£àns racines, 6c les fécondes ordinaire 
ment ne- tardent guĂšres Ă  paroĂźtre. Les 
fentimens font partagés fur 1a; caufo qujt 
peut détruire ces racines. 

M, Bunon , dans fon EJfai fur les. Ma « 
ladies des Dents 6c dans les ObfervarÂŹ 
iions qui font fußvi> établit, comme un 






Ve V Art iu Dentifte* -yf 
fait ßnconteftable, une hypothÚfe ingé- 
nieufe fur les racines des Dents de lait. 
Il prĂ©tend qu’elles font dĂ©truites par 
l’extrĂ©mitĂ© du corps de la Dent nouÂŹ 
velle , dont le frottement ufe & détruit 
la premiùre. Il eft vrai qu’au premier 
coup d’Ɠil on croit toucher la chofe au 
doigt, & qu’on eft tentĂ© d’adopter un 
lyftĂšme affez vraifemblable. Mais, pour 
s’en dĂ©tacher bien-tĂŽt, il ne faut qu’exaÂŹ 
miner fans prévention différentes mù 
choires fraĂźches oĂč les fĂ©condĂ©s Dents 
commençqient Ă  s’offifier , & oĂč les 
Dents de lait fubfiftent, foit dans leur 
état defolidité, foit ébranlées déjà plus 
ou moins_par celles qui dévoient leur 
fuecéder. On verra que la féconde Dent, 
Ă  mefure qu’elle s’élĂšve, refte envelopÂŹ 
pĂ©e dans fa membrane, jufqu’a ce qu’elÂŹ 
le foit prĂȘte Ă  for tir de fon alvĂ©ole ; en- 
forte que cette membrane eft entre elle 
Sc la racine de la premiĂšre Dent. Cette 
racine cependant le trouve détruite , & 
ne donne pas à la fécondé le tems de 
l’atteindre. De plus, on apperçoit en¬ 
tre la premiĂšre & l’extrĂ©mitĂ© de la 
Dent nouvelle, une petite diftance, qui 
fait voir clairement que cette racine eft 



y 2 De VArt du DentifĂźe 

détruite par quelque autre caufe , qué 
par le frottement d’une autre Dent. On 
remarque mĂȘme aux environs de l’enÂŹ 
droit oĂč cette racine fe confume des parÂŹ 
ties molles 8c charnues qui la rongent; 
ce qui me fait conjeéfurer que ces par 
ties contiennent alors des fucs Ăącres qui 
produifent cet effet. Mais, foit qu’il ait 
quelque autre caufe , foit que l’accroit 
fement de la nouvelle Dent fuffife pour 
la deftruĂ©lion de ces racines, l’effet eft 
certain, 8c je l’ai obfervĂ© bien des fois. 
J’ai encore trouvĂ© que,quand la fĂ©condĂ© 
Dent prend une mauvaife direélion , 8c 
ne rencontre pas la racine de la Dent de 
lait, cette racine ne fe détruit pas moins!; 
de forte qu’en îtant la Dent de lait pour 
faire place Ă  la nouvelle ., la premiĂšre eft 
prefque fans racine, ou la portion qui 
en refte eft remplie de pointes 8c d’i¬ 
nĂ©galitĂ©s , au lieu d’ĂȘtre liffe 8c polie , 
comme elle devroit l’ĂȘtre, fi elle Ă©toit 
dĂ©truite par le frottement 8c par la prĂȘt 
fion de la Dent» Un fait récent va com? 
firmer cette obfervation. 

Une Demoifelle d’environ 16 ans 
vint me confulter il y a quelques jours, 
gu fujet d’une Peut Çanine .fupĂ©rieure 



De lArt du DentijlĂȘ. yf 
«qui perçoit depuis fix femaines, au haut 
de la gencive. Je fus d’avis qu’il falloit 
lui Îter la Canine de lait qui branloit déjà 
beaucoup. Cette Dent Îtée > elle fe trou 
va prefque (ans racine ; & Ă  la trĂšs-petite 
portion qui en reftoit, il y avoir plufieurs 
pointes ou afpérités qui faifoient dire à la 
perfonne, dont elleétoit accompagnée , 
que la racine y étoit encore, enforte que 
j’eus de la peine à lui perfuader le con¬ 
traire. ' 

Il ne faut donc point attribuer la 
deflruction des racines dont les Dents de 
lait font dépouillées 3 au mécanifme ima 
giné par M. Bunon ; & quelle que puifc 
le ĂȘtre la caule d’un effet qu’on ne peut 
révoquer en doute, il eft certain que 
l’expĂ©rience eĂŒ contraire Ă  ce mĂ©canifÂŹ 
me. On voit quelquefois des Dents de 
lait, tomber d’elles-mĂȘmes fans racines,, 
quoiqu’elles ne foient jamais remplacĂ©es 
par d’autres Dents, ou que les fĂ©condĂ©s 
Dents ne viennent que bien des années 
aprĂšs la chiite des premiĂšres. Combien 
aulßi de Dents de lait fubfifïenr ébran 
lĂ©es plus ou moins jufqu’à un certain Ăągel 
Or quand ces Dents de lait viennent Ă  
tomber , quoiqu’elles ne foiĂ©nt poing 


5*4 DĂŠ V 4 rt du JDenĂźijle. 
remplacées par de fécondés Dents, on ' 
ne leur trouve point de racines ; elles 
ont donc été détruites par toute autre 
caufe que par le frottement. Si les nouÂŹ 
velles Dents contribuent Ă  leur deftruc- 
tion oĂč l’accĂ©lĂ©rĂ© nt , c’eft peut-ĂȘtre, 
comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, que par leur ac- 
croiifement les fucs qui engorgent, 
ou qui environnent ces mĂȘmes racines, 
acquiérent une ùcreté allez forte pour 
les confumer. 

Quand les Dents de lait ne font point 
remplacées par les fécondés Dents, elles 
fubfĂźftent plufieurs annĂ©es, fĂčivant les 
difpcfitions de l’humeur qui agit fur les 
racines. On voit mĂȘme des perfonnes de 
40 & de yo ans, avoir encore des Dents 
de lait. Il y a donc bien de l’apparence, 
que c’eft une humeur quelconque qui 
en détruit les racines ; puifque celles des 
Dents renouvellées, qui font beaucoup 
plus dures & plus compactes, fe trouÂŹ 
vent fbuvent détruites & rongées elles- 
mĂȘmes : ce qui arrive principalement aux 
Dents ébranlées. 



De V Art du DentijĂźe . Ăżj* 



§. VI. 


Des marques qui font dijlinguer tes Dents 
de lait, ÂŁ avec celles qui font renou - 
vellées ; £r des précautions quil faut 
prendre, quand on Újl obligé dé Îter les 
premiÚres, pour ménager Vemplace* 
ment des fécondés, 

O N sçait que les Dents de lait 
commencent Ă  fe renouveler Ă  fĂźx 
ou fept ans, & que ce renouvellement: 
eft accompli à l’ñge d’environ 14 ou 15*; 
ans. Il y a cependant des perfonnes qui 
eonfervent quelques-unes de ces Dents * 
jufqu’à un Ăąge plus avancĂ©. Pluiieurs 
chĂŽfes les font diftinguer parfaitement 
d’avec les autres. i°. Elles font plus lif- 
fĂšs & plus polies, mais moins blanches, 
ou d’un blanc bleuñtre, & elles font 
toujours moins longues que celles qui 
les remplacent. Lés premiÚres Canines y 
font moins greffes & moins pointues que 
les fécondés. Les premiÚres Molaires 
font au contraire plus greffes & moins 
longues que celles qui leur foccédent. 



r <6 De VÂrt du Dentifüe. 

L’extrĂ©mitĂ© de celles de lait efl encoÂŹ 
re plus Me & plus rafe que les fécon 
dés , qui font garnies de deux pointes. 
2 °. Plus on avance en ùge, plus les 
Dents de lait perdent de leur folidité Îc 
de leur blancheur ; parce que leurs raciÂŹ 
nes diminuant chaque jour de volume, 
le corps de la Dent s’altĂšre de mĂȘme. 

On n’a que trop d’exemples des in- 
■convĂ©niens arrivĂ©s par de funeftes me* 
prifes qui ont fait facrifier des fécondés 
Dents, pour des Dents de lait. 

Le fils de Madame Dupuis , MarÂŹ 
chande de Modes, rue Saint Honoré, 
étant en penfion en campagne, avoir 
les deux grandes Inciftves renouvellées 
depuis peu de tems. Un Chirurgien de 
l’endroit, à qui ces Dents parurent trop 
larges, & qui les croyoit Dents de lait, 
confeilla aux perfonnes chargées de la 
conduite de cet Enfant, de les faire ĂŽter, 
faute de fçavoir que les fécondés Dents 
font beaucoup plus larges que les preÂŹ 
miĂšres. Il fut malheureufement fi bien 
Ă©coutĂ©, qu’on le laiffa le maĂźtre de faire 
tout ce qu’il jugeroit Ă  propos. L’opé 
ration fuivit de prĂšs le confeil : les Incifr- 
.yes furent Îtées, & depuis le jeune hom~ 



De V Art du DenĂŒ/ĂźeĂš 57 
frie efl privé des deux Dents les plus 
apparentes , fans nulle efpérance que la 
nature répare cette perte. 

Une Demoifelle de ma connoiffancé 
a perdu de mĂȘme les deux grandes In- 
cifßves qui étoient renouvellées depuis 
peu, par l’ignorance d’un Dentifle qui 
ne fçavoit pas diftinguer les Dents de 
lait d’avec les Dents fecondaires. Ce 
Dentifle fçut perfuader auxparens qu’il 
falloit ĂŽter ces Incifives que leur largeur 
rendoit difformes , pour les faire remÂŹ 
placer par de plus belles, & ils confen- 
tirent à l’extra&ion. La Demoifelle n’a- 
voit alors que huit ans & demi ç mais 
comme, au lieu de Dents de lait, c’é- 
toient des Dents renouvellées, elle en 
efl privée pour jamais, & elle a recours 
aux artificielles. Il faut avouer cepenÂŹ 
dant qu’il y a des exemples de fĂ©condes 
Dents renouvellĂ©es. J’ai vu, entre auÂŹ 
tres , une Canine fe renouveller jufqu’à 
trois fois, & voici un fait récent dont je 
fuis témoin. 

Un Clerc de M. le Doyen„ Notaire i 
voulut fe faire ĂŽter une Dent.qui le fai- 
fok beaucoup foufïrir. Ilavoit déjà per 
du trois Molaires du mĂȘme cĂŽtĂ©, 6 c i| 



y S Ve VArt du DentijĂŻe. 

ne reçoit plus par conféquent à cettÚ 
mĂąchoire que la premiĂšre petite MoÂŹ 
laire , avec la troiißéme & derniere des 
groffes, appelléÚs Dents de fagejfe. Le 
Malade, ĂągĂ© d’environ trente-cinq ans* 
foutenoit que c’étoit cette derniere qui 
lui caufoit toute la douleur. Je l’exami¬ 
nai , & en la fondant je reconnus qu’el¬ 
le n’étoit point cariĂ©e ; mais je la trouÂŹ 
vai branlante. J’îtai cette Dent, & il en 
parut deffous une féconde. Il y a quel 
ques autres exemples de fécondés Denté 
fenoĂŒvellĂ©es : mais ce font des cas qu’on 
peut regarder comme une forte de phé 
nomĂšne j & il ne faut jamais s’y attendre» 
Quand une fois les Incilives, les CaÂŹ 
nines , & les petites Molaires font re- 
nouvellées , ainli que quand on a palfé 
l’ñge du renouvellement, s’il relie quel¬ 
ques Dents de lait en bel ordre > pourvu 
que les autres Dents foient de mĂȘme? 
il ne faut jamais ĂŽtĂ©r les premiĂšres „ parÂŹ 
ce qu’elles n’empĂȘchent point les fĂ©conÂŹ 
des de venir & de fortir dans leur te ms» 
En un mot, il ne faut ĂŽter ni les Dents 
de lait, ni celles qui fe font renouvel- 
ßées , ni les groffes Molaires qui ne vien 
nent qu’une fois >; & qui ne fe renouf 



De VArt du Dentifte. g g 

Vellent guĂšres que dans des cas affez raÂŹ 
res, parce qu’il ne faut point compte? 
fur des faveurs dont la nature eft ordiÂŹ 
nairement fort avare. 

Lorfqu’il s’agit d’îter une Dent de 
lait qui ne branle pas, & dont la raciÂŹ 
ne n’eft point encore dĂ©truite, on ne 
fçauroit apporter trop de précaution, 
pour ménager le vaiflfeau ou la boete 
olfeulÚ dans laquelle eft enchaflfée la ra 
cine, parce quelle doit encore fervir Ă  
envelopper la racine de la Dent qui 
remplace la premiÚre. Cette précaution 
eft d’autant plus nĂ©ceflaire, que fi on 
emporte quelque portion de l’alvĂ©ole» 
il n’eft pas poflible que la D enrnouvel¬ 
le qui fuccéde à celle de lait, ( fur- 
tout fi elle n’a qu’une racine ) foit aufli 
folide qu’elle devroit l’ĂȘtre. Car comme 
toute déperdition de fubfiance un peu 
confidérable ne fe répare jamais bien » 
Ăźl arrive qu’en dĂ©labrant l’alvĂ©ole, la 
Dent qu’il renferme eft plus iujette Ă  s’é 
branler ; & comme d’ailleurs elle n’eft 
point exactement enveloppée par le con 
tour de l’alvĂ©ole, elle eft dĂźfpofĂ©e Ă  per* 
cer par l’endroit du dĂ©chirement qui fa% 
le moins de réfiftance. 



tfo De Dentifte. 

Lorfqu’on îte une Dent de lait qui 
Ăźi’eft point Ă©branlĂ©e, le moyen de ne 
point déchirer ni emporter la moin 
dre portion de l’alvĂ©ole, c’eft de faiÂŹ 
re l’extraĂ©tion avec des pinces droites. 
Quand Tinftrument a pincé la Dent, il 
faut faire plufieurs mouvemens de droite 
à gauche, pour défunir par ces ébran- 
lemens rĂ©itĂ©rĂ©s les portions d’alvĂ©ole 
qui pourroient ĂȘtre adhĂ©rantes Ă  la raÂŹ 
cine de la Dent. Avec cette précaution 
on vient facilement à bout d’îter les 
Dents de lait, fans que l’alvĂ©ole ni la 
membrane qui renferme la deuxiĂšme 
Dent, en foufirent aucune atteinte. 

Quand les Dents de lait tombent 
d’elfes - mĂȘmes , ou lorfqu’étant Ă©branÂŹ 
lées & vacillantes on les Îte avec les 
doigts ou avec l’inftrument , on les 
trouve dĂ©pourvĂ»es de racines, ou n’en 
ayant prefque plus, & on ne doit pas 
craindre alors de dĂ©truire l’alvĂ©oĂźe.Mai? 
combien de cas oĂč il efl: indifpenfable 
d’îter certaines Dents de lait qui nĂ© 
-font point ébranlées ! comme, par exem 
ple, lorfqu’il s’agit de faire place à une 
nouvelle Dent qui vient à cÎté de la 
Dent de lait & tout Ă  fait hors de rang * 



De VArt du DentijĂŻe. Si 

faute d’un affez grand efpace ; ou bien 
parce que les Dents de lait caufent de 
la douleur, qu’elles font gĂątĂ©es, ou donÂŹ 
nent lieu de craindre qu’elles n’altĂ©rent 
les Dents voifines qui fe renouvellent. 
Dans tous ces cas, l’extraĂ©iion des Dents 
de lait eft abfolument nĂ©celfaire, & c’efl: 
alors qu’il faut fĂ© fervir des prĂ©cautions 
que je recommande. Cependant, fi aprĂšs 
des mouvemens bien dirigés de gau 
che à droite, on avoir emporté quelque 
portion de l’alvĂ©ole, cette dĂ©perdition 
n’empĂȘcheroit point la fĂ©conde Dent de 
paroßtre, parce que fon germe étant fé- 
paré par une petite cloifon ou une lame 
offeufe de là racine de la Dent qu’on a 
extirpée, & ayant des vaiffeaux parti 
culiers deflinés à lui porter la nourritu 
re convenable, la Dent ne s’en forme 
pas moins. Mais par ce qui vient d’ĂȘtre 
remarquĂ©, on ne doit pas ĂȘtre furpris 
de ce qu’elle n’efü: janaais aufüi ferme 
ni aufĂźi droite que quand l’alvĂ©ole n’a 
point Ă©tĂ© endommagĂ©. C’efl encore une 
nĂ©ceffitĂ© d’oter les Dents de lait gĂątĂ©es , 
parce qu’elles pourroient intĂ©reffer le 
germe des fécondés Dents,par les mala 
dies qu’elles oçcafipnnent Ă  l’alvĂ©ole^ 



%>2 De VArt du Dehtijle. 
ou Ă  la gencive, & par les fluxions ou 
autres accidens qui peuvent s’enfuivre; 
il ne faudroit donc pas attendre qu’elles 
fuflent ébranlées. 

Je fuis fort éloigné de croire ce que 
dit M. Fauchard : Q_uen ĂŽtant une Dent 
de lait, on peut endommager le germe de 
la fĂ©condĂ© Dent . La thĂ©orie & l’expé 
rience m’ont au contraire convaincu, 
que l’extraĂ©lion d’une premiĂšre Dent 
qui a encore toute fa racine,. ( quand on 
emporteroit mĂȘme une portion de l’alÂŹ 
véole , ) ne fait aucun tort à la fécondé 
Dent, & ne peut l’empĂȘcher de paroĂź- 
tre. En effet, l’alvĂ©ole de la Dent de 
lait, quoique devant fervir à la fécondé 
Dent, n’a encore rien de commun avec 
elle, non plus que les vaiifeaux de la 
premiÚre Dent, dont la racine eftfépa- 
rée de celle qui naßt par une cloifon of- 
feufù. De plus, dùs l’ñge de quatre ans, 
le corps des Dents fĂšeondaires, & fur- 
toĂŒr celui des Incifives ( quoiqu/elĂźes ne 
paroiffent guĂšres avant fix ans) eff presÂŹ 
que entiĂšrement oflĂźfiĂ©; Ainfi, lorfqu’on 
a ÔtĂ© une Dent de lait, s’il n’en vient 
pas une fĂ©conde, c’eft que le germe de 
celle-ci a été détruit par une maladie 



De VArt du Dmtiflel 6ÂŁ 

étrangÚre à la premiÚre Dent, quelle 
qu’elle foit, ou que la nature, quelque¬ 
fois pr 9 digue de germes., n’aura produit 
que le premier. Quand la fécondé Dent 
eû tellement formée que fa racine com 
mence à s’allonger , elle n’a vifible- 
ment rien à craindre de l’extraction de 
la Dent de lait. On peut donc en touÂŹ 
tes circonflances ĂŽter de ces premiĂšres 
Dents, lors mĂȘme qu’elles ne font point 
ébranlées,. fans que cette opération puifi 
fe nuire Ă l’avĂ©nement des fĂ©condes. CeÂŹ 
pendant, pour ĂŽter des Dents de lait , il 
faut avoir des raifons valables : car quand 
on en ĂŽte plufieurs de fuite, fans atten-, 
dre qu’elles foient Ă©branlĂ©es, les fecon^ 
desne s’arrangent pas fi bien,parce qu’el¬ 
les trouvent plus de place qu’il ne leur 
en faut; ce qui n’arrive point, quand on 
les îte à mefure qu’elles fe renouvel-- 
lent, ou qu’elles gĂȘnent les Dents voi-. 
fines & les empĂȘchent de fe bien plaÂŹ 
cer, parce qu’alors elles ne prennent 
exaĂ©lĂ©ment que la place qu’elles doivent 
occuper. 



$4 De Vjért du Dent [fie. 


§. VII. 

Du défbrdre y ou dérangement des Dents j 
de* moyens de le prévenir , ou de le 
réparer dans Venfance. 

O N v o i T tous les jours des per* 
formes dont les Dents d’ailleurs 
alfez belles , font li mal en ordre , 
qu’elles les dĂ©figurent, & qu’elles ne 
peuvent ouvrir la bouche fans faire 
appercevoir cette difformité. Ces Dents 
ibnt toutes les unes fur les autres; les 
extrémités de celles-ci font tournées 
vers le palais , & les extrémités des 
autres vers la levre qu’elles repouffent 
en dehors. Outre le défagrement qui 
réfußte de ce. défordre quand on parle 
ou qu’on rit, la prononciation n’efi: 
point libre , la langue efl: gĂȘnĂ©e, & la 
maftication difficile. De plus, ces Dents 
trop ramaffées ou trop ferrées fe gù 
tent aifĂ©ment & s’ébranlent de mĂȘme» 
parce qu’elles ne font point plantĂ©es 
allez profondĂ©ment dans l’épailfeur de 
la mùchoire ; ce qui dégarnit les al 
véoles 



D e V Ar t du DentijĂźe. 6f 
GeĂŽles du cĂŽtĂ© oĂč la Dent fe porte , &. 
fait qu’on a beaucoup de-peine à les 
nétoyer. Ce défordre provient. tou 
jours du peu d’étendue de la mù 
choire, dont le contour ne fe trouve; 
point proportionné au volume des fé 
condĂ©s Dents. J’ai dĂ©jĂ  remarquĂ© } ce; 
me fémble, que parmi les Dents re~ 
nouvelléesi les grandes & les petites In-' 
ciiivesainfĂź que les Canines, font touÂŹ 
jours plus larges que celles de lait : il 
n’y a donc que les. Molaires qui vien-- 
nent remplacer celles-ci qui font d’un; 
tiers environ moins larges. Cette dif— 
proportion entre les premiĂšres & les; 
fécondes Dents , fait, que les nouvelles* 
Incifives fe trouvent gĂȘnĂ©es par celles: 
de lait qui ne font point encore ébran 
lĂ©es, & qu’elles chevauchent l’une fur’ 
l’autre , mĂȘme en s’oflĂźfiant au fond de. 
l’alvĂ©ole : ainfĂź elleafe trouvent preffĂ©es; 
& ferrées, comme nous venons de le: 
,dire. La différence du volume de ces* 
deux fortes de Dents, produit un autre- 
effet aifé à comprendre. Les fécondés; 
Dents étant offifßées, & leurs racines-; 
s ? allongeaht ,- leur fortie: fe. fait fans', 
qu’elles rencontrent, les racines des-; 

Tome. L F 





r 66 De V Art du Demi fie: 

Dents de lait , parce qu’elles rie le 
trouvent point vis-Ă -vis de ces racines ; 
elles font donc obligées de percer à 
cÎté des premiÚres Dents foit en de 
dans foit en dehors. C’eft-là proba¬ 
blement la vraie caufe de leur mauvais 
arrangement, que quelques Auteurs 
attribuent trĂšs mal-Ă -propos, ce me 
femble, aux racines des Dents de lait, 
dont laréfiftance & la dureté font , fé 
lon eux, déjetter les fécondés Dents.Le 
remede à cet inconvénient qui eft h 
commun, eft donc d’îter non-feule¬ 
ment toutes les Dents de lait qui gĂȘnent 
de embarralfent celles - lĂ  , mais encoÂŹ 
re de chaque cÎté la premiÚre petite 
Molaire.'Les nouvelles Dents par ce 
moyen fe placeront convenablement, 
Scfe rangeront d’elles mĂȘmes au niveau 
.des autres. 

Il eft évident que la mùchoire croßt 
dt augmente de volume jufqu’à un 
certain Ăąge, comme toutes les autres 
parties du corps. Mais lorfque les Dents 
£bnt toutes olßifiées , elles ne peuvent 
croĂźtre que par les racines ; ainfi elles 
trouvent plus d’elpace & s’arrangent 
naturellement. Cependant on eft oblit 



Jje VArt du Dentijle. 67 

gé quelquefois , pour faire place à une 
Canine qui prend une mĂŒuvaife direcÂŹ 
tion & pour la mettre en libertĂ©, d’î- 
ter,- comme j’ai dit, la petite Molaire qui 
l’avoifine ; & il faut toujours îter cette 
petite Molaire préférablement à la Cani 
ne, à moins qu’on n’ait de fortes raifons' 
pour faire autrement. On en a plu- 
fieurs pour conferver la derniere. i°J> 
En ménageant la Canine, elle fe met 
tra d’elle-mĂȘme en bel ordre , & bouÂŹ 
cher ap arfĂ ite ment la- brĂȘcne.2 0 . Elle; 
efl d’un plus grand ornement que la 
petite Molaire , & d ; ailleurs étant trÚs- 
forte elle devient un appui pour les 
IncĂźilves , pendant le mouvement des- 
ßßiachbires & dans la mafiication* 5V 
E’abfence de -cette Dent fait un effet 
dĂ©fagrĂ©abĂźe, fur-tout lorfqu’on voit Ă V 
fa place une petite Molaire dont le 
corps efl épais & garni de deux poin-7 
tes ; au lieu que la-Canine qui a le corps 
plus long & une- feule pointe, quadre 
beaucoup mieux avec l’Incifive fa voi-r 
fine. Enfin les petites Molaires font plus* 
Sujettes Ă  fĂš gĂąter que les Canines.-VoiÂŹ 
la plus de raifons qu’il n’en faut, pour 
ça pas îter la Canine auffi-tùt qu-’elfo* 



68 De VArt du Dentifte ; 
eft dĂ©rangĂ©e , comme elle l’eft afĂŻeSÉ 
fouvent, pour laifiĂšr fubfifier la petite 
Molaire. Il eft au relie fort aifé de ré 
tablir cette Canine, dans l’ordre oĂč elle 
doit ĂȘtre , foit pour Fagr-Ă©ment , foit 
pour la nécéflßté de fes fonctions. La, 
direĂ©lion d’un fimple fil lui fait remplir, 
la place de la petite Molaire , fans laifi , 
fer appercevoir aucun vuide.. 

Les Dents viennent encore mal ranÂŹ 
gĂ©es , parce qu’on nĂ©glige de leur; 
donner la place convenable, Ă  mefare 
qu’elles fortent , en îtant celles de 
lait qui les gĂȘnent.. En effet, lorfqu’à-. 
mefĂčre que les Incifives fe. renouvelÂŹ 
lent , on a foin d’îter celles de laie 
qui ne font que les embarraffer & ocÂŹ 
cuper une place inutile,, ces Incifives; 
en s’allongeant s’arrangent d’elles mĂȘÂŹ 
mes , & r,empliflfent Ă  la fin le vuide-, 
qu’ont laiffĂ© les Dents de lait qui en, 
font Îtées., Si une. Canine fe renouvelle, 
avant une. petite Molaire, celle-lĂ  ne. 
trouve plus de place, à moins qu’on: 
n’îte la Molaire ; ainfi elle percera hors* 
de rang : mais fi on la met Ă  fon aife y 
en facrifiant celle-ci , elle fe placera 
d’eUe-mĂȘme^ en occupant Ă  la.vĂ©ritĂ© une 



De V An du Denriftez " 6 $ 

partie de la place qu’a laiffĂ©e fa vĂŽifine.- 
Quand la petite Malaire le renouvelle 
fi elle n’a point affez de terrein, il faut, 
ĂŽter la derniere Molaire de: lait , & 
alors elle trouve Ă  fe bien placer. Lorf- 
que cette derniere Ă  fon tour vient aufli 
Ă fe renouveller , comme elle eft beauÂŹ 
coup plus étroite que fa devanciÚre, & 
que d’un autre cĂŽtĂ© la mĂąchoire ne 
laiffe pas que de s’étendre pendant tout 
ce renouvellement ,' elle trouve ordiÂŹ 
nairement allez de. place.;, mais fi elle-. 
n’en avoit pas fiiffifamment, & que la: 
premiĂšre groffe Molaire, venue depuis; 
l’ñge de fix oufept ans fe trouvĂąt gĂątĂ©e 
il faudroit l’îter, fans attendre mĂȘme- 
que les - petites Molaires fuffent renou- 
vellées. Si cette premiÚre groffe Mo 
laire n’étoit point gĂątĂ©e, & que la 
fĂ©condĂ© qui vient Ă  l’ñge d’environ 13 
ans,, fe gĂątĂąt peu de tenus aprĂšs ĂȘtre 
percée , comme cela peut arriver, il 
faudroit Îter cette fécondé. Molaire , 
Sc la petite.Molaire, en fe plaçant bien , 
pouf&roit dans la brĂšche la premier^, 
groffe Molaire. Enfin fi aucune des 
groffes Molaires ne fe trouvoit gùtée , 
Sc que les petites Molaires s’étant r.e— 



7<3 De VArt du DentijĂźe; 
nouvelles avant les Canines, comme 
le cas arrive fouvent, la Canine la plus, 
proche n’eĂ»t pas affez de place, il fauÂŹ 
drait lui en procurer, en ĂŽtant la preÂŹ 
miĂšre petite Molaire. 

Ainfi , pour procurer un bel ordre 
aux Dents , il fuffiroit que le Dentifte ; 
chargĂ© de gouverner la bouche d’un 
Enfant, le prüt dùs l’ñge de fept ans , 
(c’eft le tems oĂč les Dents commenÂŹ 
cent à fe renouveller ) jufqu’à 14 oit 
TJ ans, & qu’il eĂ»t foin de la viiiter 
feulement tous les trois mois. En ob^- 
fervant ce que j’ai marquĂ© il feroit 
en état de donner un bel arrangement 
aux Dents , Sc l’on Ă©viterait d’env-t 
ployer les fils , les plaques & les au-, 
trĂšs inftrumens qui fervent Ă  les re- 
drelfer: moyens bien plus douloureux 
& plus fatiguans que- la {Impie extracÂŹ 
tion des Dents qui nuifent à l’arrange- ; 
ment des autres. Les Dents une fois 
bien arrangées & mifes à leur aife , ne 
fe gĂąteraient pas dans leurs interflices, 
comme elles font fouvent Ibrfqu’élles 
font trop ferrées les unes contre les 
autres. Car il faut obferver que , pen-- 
dant le ferrement des deux MĂąchoires f 



De V Art du Dentifle* ’j t\ 

les Dents trop rapprochées fe frottent 
& fe preffent Ă  un tel point, que par 
i’affaiflfement des fibres offeufes , le flui¬ 
de efl arrĂȘtĂ© dans leurs interflices s fur- 
tout à la mùchoire fupérieure ou le 
retour du fang fe fait moins aifement 
qu’à la mĂąchoire infĂ©rieure, parce que 
les Dents de celles-ci, ont leurs raciÂŹ 
nes dans un fens oppofe. Ajoutons Ă  
cet inconvénient les dßverfes impref- 
fions de l’air 5 & celles des alimens: 
froids ou chauds qui frappent diver- 
fement ces petits corps offeux déjà trÚs- 
fenflbles, & y caufent des obftruélions» 
On peut remarquer Ă  cette occafioiĂŻ 
que les Incifives de la mùchoire infé 
rieure 3 quoique ordinairement plus 
ferrées que celles de la mùchoire fupé 
rieure , ne fe gñtent que rarement ÔC 
feulement quand la falive efl viciée, ou 
quand if s’y attache un limon acide qui 
les mine infĂšnfiblement ; ce qui prouve 
que i’aclion de l’air & celle des alime'ns 
contribue beaucoup à la * carie des In— 
cifives d’en-haut qui fe trouvent trop 
preffées. En effet tous les Praticiens 
peuvent remarquer, que de trois per- 
fonnes dont les Incifives fupérieuref 


*72 De VÂrt du DentiflĂ©. 
fofit trop ferrĂ©es Ă» on n’y remĂ©die f 
propos , il- y en aura du moins une 
'qui perdra par la carie une partie de 
ces quatre Dents au lieu que fur cent 
perfonnes Ă  peine en verra-t-on une 
feule dont l'es Incilives inférieures, quoi 
qu’encore plus prelfĂ©es que celles.d’en- 
iiaut, fe gĂątent par cette caufe. Les 
impreffions de l’air & des. alimens fur 
les fncilives fe manifeftent au premier . 
coup d’Ɠil, lorfqu’on leur a laifle faire 
‱des progrùs. Toutes les perfonnes dont 
ia levre fupérieure effc fort élevée, & 
qui en ouvrant tant foit peu la bouche 
mettent leurs Tncifives à découvert, 
les ont quelquefois gùtées à leur fur- 
face antérieure , mais plus rarement 
qu’à leurs parties latĂ©rales. . On voit aufli 
les jeunes gens bien plus fujets" ; Ă  la 
carie jufqu’à un certain ñge ; mais il y 
en a plus d’une raifon. Leurs Dents font 
creufes en-dedans, le cordon en eÆ 
fort gros , & le fĂąng y afflue fi abonÂŹ 
damment, que quand il fe trouve ral- 
lenti ou coagulé par lÚs impreffions de 
Pair & lĂȘ lĂ©jour des alimens, il s’arrĂȘÂŹ 
te dans l’ëndroit de la Dent oĂč lesfibres 
Îffleufesr font le plus affailfées. : Son fé- 
jouç 



De VArt du Dentifüe. ■ 73 

pur produit alors la carie : elle fait 
plus ou moins de progrÚs, félon le vice 
des liqueurs , luivant que la falive efr 
ùcre & chargée de Tels corrofifs, ou 
fuivant que le limon qui fie dépofe dans 
la carie ^ plus ou moins d’aciditĂ© , & 
le dégré de corruption des alimens qui 
ont féjourné dans les interftices ou 
dans les cavités'des Dents. 

De toutes les Dents en général, les 
greffes Molaires ordinairement font les 
plus fujettes à la carie ,'parce qu’elles 
ont plus de volume, parce qu’à pro¬ 
portion- le fang s’y porte avec plus 
d’abondance & s’y embarraffe aifĂ©ment, 
parce que d’ailleurs elles ne font pas 
entiùrement à l’abri des impreffions du 
froid & du chaud, enfin Ă  eaufe des-ef- 
forts qu’elles font obligĂ©es de faire,pour 
moudre & pour broyer les folides qui 
réfiflent aux autres Dents. Cependant, 
Ă  un certain Ăąge, les Molaires font moins 
fufceptrbles de carie, parce que leur caÂŹ 
nal & leurs vaiffeaux fe rétréciffent alors 
peu à peu, & que dans la piûp2rt des 
yieillards ils font totalement offifßés. 

Plaçons ici une réflexion, que nous 
Ăźi’aurons peut-ĂȘtre pas lieu de mettre ail— 
Tome L jG: 



74 De VArt du DentifĂźe, 
leurs dans le mĂȘme jour. L’émail dont 
Ăźa natĂŒre s’eftplûàmunir & Ă  orner les 
Dents, fertĂ  les fortifier fans doute, & 
les rend par conféquent plus propres à 
Ăźa maftication; mais il n’empĂȘche point 
que les Dents ne foient, de tous les os du 
corps humain, les plus fujets a fe corÂŹ 
rompre. Il ne les garantit point d’abord 
des impreflions du froid & du chaud, 
auffi fenfibles qu’inĂ©vitables. Or,puifque 
tous les os étant découverts & dénués 
de leur pĂ©riode , fe delfĂ©chent & s’ex-. 
folient en trĂšs-peu de tems, doit-on 
ĂȘtre furpris que les Dents qui> quoique 
revĂȘtues d’émail, font continuellement 
expofĂ©es Ă  l’avion de l’air & des ali- 
mens, foient fi fufceptibles de carie.' 

Je reviens aux principes, & je dis , 
que rien n’efl: moins Ă  nĂ©gliger en tout 
état que la bouche des Enfans. Veut-on 
leur conferver les Dents faines & dans 
un bel ordre ? Il faut qu’un habile Den- 
Ăźifte examine attentivement les progrĂšs 
de la Dentition, & qu’il la conduife. Il 
reconnoĂźtra la difpofition des mĂąchoires, 
dans le tems que les Dents fe renouvelÂŹ 
lent. Par l’étendue des mĂąchoires, & par 
le volume des Dents, il jugera de Paça 



De l'Art du Dentifle. y f 

rangement que celles-ci peuvent prenÂŹ 
dre , &il dirigera cet arrangement , foit 
en ĂŽtant les Dents de lait, qui pourÂŹ 
voient nuire aux fĂ©condĂ©s Dents,foit mĂȘÂŹ 
me en îtant, s’il le faut, quelqu’une des 
Dents renouvellĂ©es. S’il paroĂźt que les 
nouvelles Dents ayent une place conve- 
nable,le Dentifle alors ne touchera point 
Ă  la bouche : parceque les Dents de lait 
tomberont d’elles-mĂȘmes, ou,lorfqu’el- 
les feront fuffifamment ébranlées , la 
moindre perfonne & l’Enfant-lui-mĂȘÂŹ 
me pourront les ĂŽter avec un fil, fans 
avoir befoin du Dentifle. Cependant il 
ne fera pas moins néceffaire que de tems 
en tems celui-ci vifite la bouche du jeuÂŹ 
ne homme, pour s’affurer de ce qui s’y 
paffera, & qu’il faive tous les change- 
mens qui s’y feront, pour remĂ©dier aux 
petits défordres qui pourroient arriver 
dans le renouvellement. 

Bien des gens, pour fe difpenfer de 
ces foins, allùguent l’exemple de quel¬ 
ques perfonnes dont les Dents font trĂšs- 
bien arrangées, fans que jamais dans 
leur enfance on y ait fait la moindre atÂŹ 
tention. 

Nous convenons que routes les fbiij 
G ij 



*j 6 ,De VArt du DefitijĂźe ; 
que la mñchoire d’un Enfant aura une 
étendue fuffifante,& que les Dents de lait 
‱ ne nuiront point à celles qui viennent les 
remplacer, on pourra jouir du mĂȘme t 
avantage. Mais pour un petit nombre 
de perfonnes , chez qui la nature a tout 
fait, combien n’en voit-on pas d’autres 
qui, pour avoir négligé les foins du Dem 
tifte, ont les Dents li difformes ĂŽc Ă» 
mal en ordre, qu’elles n’ofent.rire ou¬ 
vertement , ni prefque parier en com->- 
pagnie ü Aprùs tout, le mal n’eft pas 
fans remede, comme on le verra par la, 
fuite. 



De F Art du DentijĂźe* 


n 

CHAPITRE SECOND, 

Des différentes Maladies qui attaquent 
& détruifent la fubflance des Dents « 
De leurs caufes internes &* externes* 
Des moyens de les prévenir. Des re~ 
medes généraux £r particuliers* 

L es Dents font attaquées de 
différentes maiadies qui entraßnent 
leur deftruĂ©lion, fi l’on n’y apporte de 
prompts remedes. Les principales font , 
i°. VErojßon qui les rend difformes, & 
qui les affeĂ©te foulent dans le tems qu’elÂŹ 
les s’offifient, ou qu’elles font nouvel-», 
lementoffifiées. On peut regarder celle- 
ci comme la-premiÚre. 2°. La Carie, 
fléau beliruéleur, qui attaque .principa 
lement les Dents que l’érofion a dĂ©jĂ  
maltraitées. Cette maladie mine, ronge 
& confumeles meilleures Dents,de telle 
forte qu’elles tombent par petits mor¬ 
ceaux toutes pourries, ou en maffe plus 
confidĂ©rable. Souvent lorfqu’on. y pen- 
G xi] 



7§ ÏÏeVdrt duDentifle* 
fe Ăźe moins, Ăźe plus petit effort fuffit 
pour brifer une Dent cariée. 3 0 . Les 
Dents font encore fujettes à fe fraéfurer, 
lorfqu’elles s’ufent & fe dĂ©truifent les 
unes les autres par leur frottement dans 
la rencontre des deux mĂąchoires , ce 
qui fait une déperdition ' de fubflance 
abfolument irrĂ©parable. Elles s’agacent 
aufii plus ou moins, fuivant qu’elles font 
ufĂ©es & dĂ©nuĂ©es d’émail, ou que cet 
émail étant trop mince, lailfe pénétrer 
dans la fubflance de la Dent les fucs des 
alimens acides qui agilfent fur les nerfs 
Dentaires. D’autres caufùs encore les 
agacent, comme une lymphe acide, cerÂŹ 
tains corps durs ou pierreux qui fe glif- 
lent quelquefois fous les Dents parmi 
les alimens qu’elles broyent ck qui les 
font luxer, fĂȘler, Ă©clater, & les coups 3 
les chĂ»tes , les efforts, ou d’autres acci- 
dens. Il faut ajouter à ces caufes qui éxi- 
gent de prompts remedes, l’engorge¬ 
ment du cordon des vaiffeaux, & celui 
du pĂ©riode interne ou externe, d’oĂč 
fenfuit prefque toujours un phlegmon , 
qui fe termine par fuppuration, oĂč par 
réfolution, quand le malade ne fait pas 
©ter fa Dent. Il y a plufieurs autres 



De VJrt Ăąu DeiitĂźjie* 
maladies qui n’intĂ©reffent que la blan-* 
cheur des Dents, mais qui ne doivent 
point ĂȘtre nĂ©gligĂ©es : nous en traiterons 
dans la fuite. L’ordre naturel nous pref- 
c'rit de commencer par l’examen des 
maladies qui les détruifent, & chacune 
fera l’objet d’un article particulier» 

S- ĂŻ- 

De l’Erofion, de la difformitĂ© des Dents * 
Gr des maladies qui laproduifent . 

T es Maladies qui font fur les 
JLu Dents l’effet qu’on appelle Erojïon 9 
parce qu’elles femblent ĂȘtre rongĂ©es & 
comme piquées par les vers, & qui cùu» 
fent leur difformité, font le Rakitis , le 
fcorbut } les fiĂšvres malignes,la rougeole, 
la petite vérole, & en général toute ma 
ladie oĂč la qualitĂ© des fluides efl: vidĂ©e» 
Toutes ces maladies qui peut-ĂȘtre diffeÂŹ 
rent plus par le nom que par la caufe 
6 c par les effets, font plus ou moins 
d’imprefüion fur les Dents, fuivant qu’el¬ 
les font plus ou moins avancées ; ce qui. 
veut dire, que plus elles font tendres i 
Q iv 





'SĂŽ De lAr , du DentĂŻfke* 

Πßlus elles en font fufceptibles. Lorfqué 
es Dents ont pris une certaine confif- 
tence , elles font exemtes de ces impref- 
jfions ; mais quand elles font peu formées. 
6c tendres, elles s’en reflfentent telle¬ 
ment , qu’elles font d’ordinaire inĂ©gaÂŹ 
les , raboteufes, jaunes, livides ou noiÂŹ 
res. Les Molaires ont leur extrémité 
toute couverte d’afpĂ©ritĂ©s ; les Canines 
l’ont fort pointue; les Incilives l’ont 
trÚs-mince, & compofée de plufieurs 
pointes en forme de fcie. Or,, quand les 
Dents commencent Ă  s’élever & Ă  for- 
tir de l’alvĂ©ole, ou qu’elles atteignent 
la gencive, la partie la premiÚre formée 
6c la plus dure n’efl point fujette, ou 
l’eft peu Ă  toutes ces altĂ©rations^ ainfi 
l’érolion n’attaque que les Dents qui 
font nouvellement offifßées, < 3 c qui n’ont 
pas la dureté nécefßaire pour réliller à 
lĂšs impreiĂŻions. Lorfque la maladie, fur- 
yient dans le tems mĂȘme que la Dent 
achevĂ© de s’ofllfier & de fe former , Ta 
portion qui n’a pas acquis toute fa con-ï 
iiftence , en efl encore plus mal-traitée, 
& manque d’émail. Si la maladie celfe 
alors & que les fluides deviennent d’urne 
bonne qualité, le relie delà Dent quife 



JDt VArt du Dentifle. ĂŻĂŻ f 

forme aprÚs la maladie, eft dans fon état 
naturel; l’émail en eft blanc & poli vers 
■la racine/tandis que l’extrĂ©mitĂ© fupĂ©- 
rieure eft prefque toujours dĂ©nuĂ©e d’é 
mail , ou que fon émail eft livide, & 
criblé de petits trous jaunes & noirs qui 
font paroĂźtre la Dent de'deux couleurs 
différentes. * 

Le Rakitis , & la langueur, dans le 
tems que les germes des Dents fe dé 
veloppent & s’oflifient, font qu’elles 
fe forment & pouffent trĂšs-lentement, 
qu’elles font encore trùs - contrefaites 
& prefque entiĂšrement dĂ©nuĂ©es d’é 
mail. Quand les afreétions fcorbutiques 
furviennent, avant que les Dents foient 
tout-à-fait offifiées , ou dans le tems 
qu’elles font encore enveloppĂ©es dans 
leur fàc qui contient une humeur écu- 
meufĂš, les Dents en font fort maltraiÂŹ 
tĂ©es. L’émail qui fe /orme alors & qui 
n’a point encore acquis à beaucoup prùs 
fa confiftence, eft fouvent détruit ou 
fort altérés. 

Les Enfans affligés du Rakitis , ou 
comme le peuple les appelle, les Enfans 
noués , dont les Dents fÚ forment pen 
dant cette maladie, ont les racines des 



<52 De VArt du DentijĂźe. 

Dents moins perfeétionnées, plus cours 
tes, inégales & boffuées ; mais il faut 
obferver qu’elles ne font jamais Ă©rofĂ©es 
ni picquetĂ©es d’aucun trou. Il arrive le 
plus fouvent néanmoins que les germes 
de leurs Dents ne parviennent point Ă  
maturitĂ©, c’eĂźt-Ă -dire, que leurs Dents 
viennent trĂšs-courtes, parce que les raÂŹ 
cines ne s’allongent pas allez pour en 
bien faire fortir le corps. Il arrive aufli 
dans les affections fcorbutiques qui font 
portées à un certain dégré, que plu 
sieurs germes en font détruits ; ce qui 
fait que certaines Dents ne fe renouvelÂŹ 
lent point. Ces affeétions produifent en 
core quelquefois la carie dans les alÂŹ 
véoles. 

M. Tenon , Chirurgien gagnant mar- 
fcrife Ă  l’HĂŽpital GĂ©nĂ©ral, m’a fait voir 
plulieurs mĂąchoires d’Enfans,oĂč les gerÂŹ 
mes étoient détruits, & les alvéoles ca 
riĂ©s. J’ai de plus remarquĂ© dans un grand 
nombre d’autres mñchoires qu’il m’a 
montrĂ©es , que l’érofion n’affeĂ©toit la 
Dent, que quand elle s’oflifioit pendant 
la maladie, ou lorfqu’elle Ă©toit encore 
molle, l’émail n’ayant pas eu le tems de 
prendre la confidence né ceffaire^ce qui 



De lArt du Dentijle. 
arrive quand la Dent eft: encore dans 
fon enveloppe ; car plus elle eft prĂȘte Ă  
fortir, moins elle eft fujette Ă  i’érofion. 
Telles font les obfervations que M. TeÂŹ 
non & moi avons faites fur différentes 
mñchoires d’Enfans morts du fcorbut,ou 
du rakitis. Nous avons trouvé dans plu- 
fïeurs des Dents qui commençoient à fÚ 
former , fort maltraitĂ©es par l’érofion. 
La Dent la moins avancée étoit fi con 
trefaite, qu’elle n’avoit prefque pas figu¬ 
re de Dent. Celles quil’étoient d’avanÂŹ 
tage , Ă©toient moins marquĂ©es d’érofion 
vers leurs extrémités, mais beaucoup 
plus vers le collet qui n’étoit pas encoÂŹ 
re formé. Enfin les Dents dont le corps 
étoit parvenu au bord des alvéoles, 8c 
dont les racines étoient un peu longues P 
n’en Ă©toient prefque point affeĂ©lĂ©es, fi 
ce n’eft un peu vers le collet & à la ra¬ 
cine qui avoit déjà quelques inégalités» 
Dans les fiĂšvres malignes, dans la 
rougeole, dans la petite vérole , & au 
tres maladies de l’Enfance, oĂč il y a de 
la malignitĂ©, l’érofion n’affecfe ordinaiÂŹ 
rement que la portion de la Dent qui eft 
nouvellement oilifiĂ©e, & qui n’eft pas 
encore en état de réfifter à fÚs impref- 



^4 Eg VAtt du DentiJIĂȘ. 
lions. Si le corps de la Dent eft entié-J 
rement ofĂźifiĂ©, fans qu’il y ait mĂȘme un 
commencement de racine, l’extrĂ©mitĂ© 
de la Dent n’eft point, ou n’eft que trùs- 
peu affeété, tandis que vers la racine 
elle eft tout-à-fait érofée. Quand la ra 
cine commence Ă  fe former, & l’extré 
mité de la Dent à fortin cette extrémité 
eft garantie d’érofion, tandis que vers 
la racine la mĂȘme Dent en eft marquĂ©e 
plus ou moins,fuivant la force de la maÂŹ 
ladie. Si le corps de la Dent eft prefque 
hors de Falvéole, & que Ion extrémité 
commence à paroütre., la Dent alors n’a 
que de légÚres taches vers le collet ou 
vers la racine, fans ĂȘtre Ă©rofĂ©e. FeuM, 
Bunon , qui, dans fon Ejfai fur Us Ma - 
ladies des Dents s’eft fort Ă©tendu fur 
YEroJĂźon, eft d’un fentiment diffĂ©rent 
du mien, mais que je ne puis adopter. 
Au moins eft-il contraire Ă  l’expĂ©rienÂŹ 
ce , quoique ce foit fur l’expĂ©rience que 
l’Auteur veuille s’appuyer, parce qu’ap- 
paremment il n’a pas fait affez attention 
à certaines chofes. D’ailleurs, il y a dans 
fon Livre quelques contradictions fur 
çette matiÚre. On en jugera par le Tex 
te que je vais fidĂšlement rapporter* 4 



T)& VArt du Dentijle .' 

’m Les Dents ou l’éroflon s’attache le 
» plus, Hit M. Bunort , font les quatre . 
» premiÚres groffes Molaires, & les In-; 

* cifives tant de l’une que de l’autre ma- 
» choire. Les Canines & les autres grof 
» fes Molaires n’en -font guĂšres atteint- 
» tes j que quand les maladies qui la pro- 
» duifent furviennent peu detems avant 
» leur fortie ; & en ce cas , elles en font 
» feules atteintes, ce qui eft aflfez rare, 

» Les petites Molaires en font aufßi ra- 
» rement atteintes, ou bien plus légÚre-, 
» ment, parce que l’humeur n’y fait que 
» trĂšs-peu d’impreffĂźon ; cela fe dĂ©mon- 
Âź tre par l’état oĂč fe trouvent les Dents 
» dans leurs alvéoles & dans leurs di- 
» vers açcroiffemens, avant leur fortie 
» hors des gencives. J’ai toujours re- 
ss marqué que les moins avancées étant 
» plus enfoncées dans leurs alvéoles qui 
» fe trouvent remplis par lesracnnes des 
‹» Dents de lait, cette difpofltion empĂȘ- 
» choit l’humeur d’atteindre la fĂ©condĂ© 
sĂź Dent. Il n’en efl: pas de mĂȘme des 
» Dents qui font plus avancĂ©es & prĂȘtes 
a* à paroütre: lorfque celles de lait n’ont 
» bien-tÎt plus de racine, la couronne 
Ă© de la nouvelle Dent qui efl: plus 



26 De V Art du Dentifle « 

» vĂ©e, & plus Ă  la portĂ©e de l’humeur,' 
v> fe découvre en partie, fuivant que les 
» racines des premiÚres Dents font plei- 
» nĂ©s ou ufĂ©es, & que FĂącretĂ© de l’hu- 
■r> meur a lieu de s’infinuer & d’attein- 
» dre cette nouvelle Dent par la partie 
*> émaillée ;ce qui fe fait toujours à pro- 
^ portion de la force & de la folidité de 
» cette mĂȘme portion de la Dent. Mais 
» les racines n’en font jamais atteintes ; 
» ce qui prouve, Ă  ce qu’il me femble, 
que l’humeur qui produit l’érofionne 
» pĂ©nĂ©tre pas jufqu’aux alvĂ©oles, s 
Ainfi s’exprime M. Bunon à la page 
pp. & fuivantes. Voici maintenant une 
contradiction bien marquée que je ren 
contre à la page 66. « Si par exemple 
¼ ces maladies > continue l’Auteur > 
» fonderaient à trois ou quatre ans y 
9 ’ les Incifüves & les premiùres greffes 
» MelaiPss font fortement atteintes d’é- 
» rofion j les Canines beaucoup moins 
» & les petites Molaires fort rarement. 
» Si la maladie au contraire furvient 
» entre 4 . p. & 6. ans, les Incifßves > 
» les Canines, & les premiÚres groffes 
» Molaires font Ă©galement frappĂ©es d’é- 
9 rofßon | mais elle les pénétré moins 9 



De l’Art du Dentifie. S^j 
b & n 5 en dĂ©truit pas tant l’émail, qu’el-; 

» le fait d’ordinaire dans le premier: 

» ùge. » 

On fçait qu’à l’ñge de trois ou qua¬ 
tre ans, les fécondés Dents font bien 
éloignées de paroßtre 5 & de fortir de 
leurs alvéoles, ainli que les premiÚres 
groffes Molaires. C’eft donc certaine¬ 
ment Ă  cet Ăąge que les Dents font , 
comme je l’ai düt, encore affez tendres 
pour ĂȘtre frappĂ©es d’érofion ; voilĂ  ce 
que dit auffi M. Bunon. Mais il fe conÂŹ 
tredit manuellement, lorfqu’il ajoute : 
que l’humeur n’affecle les Dents, qu’au- 
tant qu’elles font prĂȘtes Ă  paroĂźtre , & 
qu’elle ne doit pas pĂ©nĂ©trer dans l’alÂŹ 
vĂ©ole. A l’ñge de trois ou quatre ans , 
les fécondés Dents ne font point en 
core forties , pour ainfĂź dire , de leur 
coque ; la cloifon olfeufe qui fépare la 
racine de la premiùre Dent d’avec le 
corps de la fĂ©condĂ©. n’ell mĂȘme pas 
encore détruite : à plus forte raifon la 
racine de cette fécondé Dent fublifle- 
t’elle. Cependant c’efl: à cet ñge-là que 
ces Dents font plus communément 
maltraitĂ©es par l’érolĂźon, qu’à celui de 
ĂŒx ou fept ans, comme il en convient. 



SS De VArt du Dentifle. 
lui mĂȘme. Quand cette maladie arrive 
Ă  trois ou quatre ans , les petites MoÂŹ 
laires qui ne paroiffent d’ordinaire qu’à 
douze ou Ă  quatorze , font dans le jnĂȘ- 
me cas que les fécondés greffes Mo 
laires qui paroiffent auffi Ă  peu prĂšs 
dans le mĂȘme tems ; l’érofion ne les 
affecte point, parce qu’elles n’ont pas 
encore commencĂ© Ă  s’offifier. Mais fi 
l’extrĂ©mitĂ© de leur couronne eft offfiĂ©e 
en partie, comme elle l’eft à cinq ou 
fix ans, cette partie aura certainement 
de fortes marques d’érofion , tandis 
que le relie de la Dent formé depuis la 
maladie en fera exempt. Par la* mĂȘme 
raifon, fi la maladie furvient quelque 
tems avant leur fortie , elles n’en feront 
point affrétées , comme le prétend M. 
Bunon. A l’égard des racines qu’il dit 
n’ĂȘtre jamais atteintes d’éroiion , je 
conviens qu’elles ne font point pico¬ 
tées comme le corps des Dents , mais 
on les trouve fouvent contrefaites & 
toutes tortues, ce qui certainement eft 
l’effet de FĂ©rĂŽfiĂŽn ; & ce qui prouve 
que quand les racines viennent Ă  fe 
former pendant les maladies qui la 
caufent, elles en font plus ou moins malÂŹ 
traitées ? 



De V Art du Üentijfe. §9 
traitĂ©es, fuivant que l’humeur eft acide. 

. Dans le rakiris , & dans les fortes 
affections fcorbutiques , les alvéoles 
font beaucoup plus délicats & plus 
fpongieux qu’ils ne le font naturelle¬ 
ment ; ils fe carient mĂȘme dans les 
fcorbutiques. Ainft M. Bunon pareĂźt fe 
.tromper , lorfqu’il croit que l’humeur 
ne pĂ©nĂ©tre point dans les alvĂ©oles. OĂč 
la faifoit-il donc rĂ©fider ? C’étoit appaÂŹ 
remment dans les gencives j & non pas 
dans le période qui rapide les alvéoles^ 
car ils n’auroient pu s’en garantir. Or 
comment concevoir qu’une Dent puiffe 
. ĂȘtre affeĂ©tĂ©e d’érofton: vers fon extré— 
.mité,-quand elle a, fuivant fe s prin 
cipes , prefque détruit la racine- de la 
premiĂšre Dent:.,. fans que le relie de; 
cette racine, dont, la Dent eft prĂȘte Ă  
tomber, & l’alvĂ©ole mĂȘme n’en foient 
pas atteints plutÎt, que la fécondé Dent ? 
Concluons de. tout ceci, que les racines,'; 
&les alvĂ©oles ne font maltraitĂ©s del’éro- 
iion que dans lerakitis & dans le s.affecÂŹ 
tions feorbutiques. Je penfe.de. plus, que; 
la partie émaillée, des Dents ne reçoit les 
-jatteintes de l’érofton qu’autant. qu’elle ; 
eft encore enveloppĂ©e, dans fa ment— 
Tome L EL 



<pĂŽ De VArt du DentĂźfĂźe. 
brane , laquelle , jufqu’à ce.quelemai! 
fcit formé, contient une humeur mu- 
cilagineufe. Moins la Dent eft formée, 
plus cette humeur mueilagineufe eft 
abondante. Or la maladie venant à l’ai¬ 
grir , elle dĂ©truit par fon aciditĂ© l’émail 
encore tendre; & ainft plus la Dent eft 
avancée,plus elle eft en état de réfuter à 
fes impreffions. Si un enfant depuis fept 
mois jufqu’à dix , eft attaquĂ© de quelÂŹ 
qu’une des‘maladies dont j’ai parlĂ© , les 
Canines & les Molaires de lait feront 
atteintes d’érofion , fuivant qu’elles feÂŹ 
ront plus avancées: tandis que les Incifß- 
ves en feront exemptes , bu trĂšs-peu 
marquées , ft elles paroiflent quelque 
Ăźems aprĂšs la maladie. 

Les Enfans qui apportent au monde 
quelques affeélions fcorbutiques ou vé 
nériennes , ont dans leurs fluides le 
germe de toutes les maladies qui détrui- 
fent les Dents. Mais quand on y a reÂŹ 
mĂ©diĂ© de bonne heure, il n’y a que les 
. Dents de lait d’aflÚétĂ©es. Cn en garant 
rira les fĂ©condĂ©s, toutes les fois qu’il ne 
furviendra pas d’autres maladies capa¬ 
bles de les altérer, avant qu elles ayenß 
leur conftftence. 



De V Art du Dentifte. '$i\ 

Ce qui fait que les Enfans fe nouent, 
c’eft d’abord le vice des fluides prove¬ 
nant du pere ou de la mere, & quel-< 
quefois de la nourrice ; mais le rakitis 
a plufieurs autres caufes. i°. Un lait 
trop Ă©pais & qui ne peut paffer qu’avec* 
peine dans les couloirs. 2 °. Un lait 
trop ferĂȘux qui , n’ayant pas affez de 
confidence, fait un fuc nourricier trop 
foible } d’oĂč rĂ©fulte une produĂ©lion lan- 
guiffante , un accroiffement ^imparfait 
& lent de toutes les parties" offeufes.- 
3 °. Des bouillies trop épaiffes & mal 
faites , qui en furchargeant un efto- 
mach foible lui caufent une indigeftioiĂŻ 
continuelle , ou ne produifent qu’un 
mauvais chyle capable de former des 
obftrucHons dans toute l’habitude de 
l’Enfant. De pareils alimens , au lieu 
d’ĂȘtre propres Ă  dĂ©velopper & Ă  nourÂŹ 
rir les parties offeufes, en retardent fen- 
fiblement les progrĂšs & en altĂšrent le 
tiffu ; 8c c’efl ainfi que les Enfans de-4 
viennent difformes & contrefaits. Leurs 
os s’amolliflent, fù plient y fe recour¬ 
bent , en mĂȘme tems- que leurs vifceres 
s’obflruent, 6c le mal influe prefque- 



5?2 De Y'Art da DentĂŻjĂźe ; 
toujours fur toute leur conformation } 
tant extĂ©rieure qu’intĂ©rieure. 

. Le rakitis- provient encore d’un mau¬ 
vais fevrage , d’un air trop greffier 
ou mal fain , des accidens occafionnés 
par les efforts douloureux que les Dents 
font en perçant, & des vers dont les 
Ênfans font plus ou moins tourmentĂ©s. 
Les affeéiions fcorbutiques ont à peu 
prĂšs les mĂȘmes caufes. 

A l’égard .de la rougeole 5 & de la 
petite vérole,, ces maladies font eau- 
fées foit par les vices des liqueurs, foit. 
par les relies de la portion la moins 
pure du fang menltruel 5 qui elt retenu 
chez la Mere pendant fa groffieffie, & 
quia fervi de nourriture à l’Enfant dans, 
fon premier hofpice 5 foit enfin par 1 e. 
mauvais air ou par la contagion fim- 
plement» 

« Ces diverfĂšs maladies n’alïÚélent pas 
toujours Ă©galement les Dents d’éro- 
lion , quoique par leur molleffie elles en 
foient fufceptibles. Mais en général 3 
iorfqu’elles n’ont fait fur les Dents que 
;de lĂ©gĂšres imprefiions , c’ell qu’elles 
put été peu confidétables > ou peu ma*i 



De l* Art du DentijĂźe. 
lignes, foit par l’effet des remedes que 
.d’habiles gens ont adminifirĂ©s, foit par 
les difpofitions du fujet. 

Pour empĂȘcher qu’un Enfant venu 
au monde bien conftitué ne fe noue , 
& prĂ©ferverfes Dents d’érofion, il faut 
-lui donner une bonne nourrice qui ait 
un lait doux , coulant, abondant, ni 
trop épais ni trop fluide. Elle doit de 
fon cÎté contribuer à la bonne qualité 
de fon lait, en évitant tout ce qui peut 
l’altĂ©rer,. foit dans l’ufage des alimens , 
-foit dans lĂ  conduite. Il faut furtout 
qu’elle foit attentive à ne point fur char¬ 
ger de lait fon Enfant. Elle lui en donÂŹ 
nera peu Ă  la fois & fouvent. Elle attenÂŹ 
dra un certain Ăąge, pour le mettre Ă  la 
bouillie, la fera toujours allez legere , 
& l’adminiflrera fobrement.. EUe aura 
la mĂȘme attention- au fevrage : elle ne 
lui donnera avec fa bouillie que de bon 
potage, & point de fruits, quels qu’ils 
Ibient , point de légumes,»ni de vian 
de. Elle aura foin de,le. tenir en bon 
air , & de lui faire prendre un peu 
d’exercice. 

Mais pour s’afüurer encore mieux de 
Ja bonne, conftitution d’un Enfant , ii 



jp4 r De ZLfrt du Dentijiel 
faut en confier le foin à un Médecin ex 
périmenté , ou à un habile Chirurgien, 
Le Praticien chargé de veiller à la con- 
fervation de l’Enfant, jettera les fonde» 
mens d’une bonne Dentition, foit.par 
la falubritĂ© du rĂ©gime qu’il lui fera ob- 
ferver, foit par l’ufàge de quelques re~ 
medes innocens qu’il fçaura lui faire à 
propos ; & par ce moyen on prévien 
dra les accidens prefque inféparables de 
la naiflance & de la fortie des Dents. 

La mĂȘme conduite fervira Ă  faire Ă©viÂŹ 
ter la produéiion des vers qui déro 
bent à l’Enfant la portion du chyle le 
plus pur } & lÚs affeétions fcorbutiques. 
On pourra mĂȘme parvenir Ă  rendre 
moins funeftes aux Dents les attaques 
de la rougeole ou de la petite vérole. 
Du moinsyfi elles furviennent dans l’en¬ 
fance, tous les foins que l’on aura pris 
pour y préparer le fujet, les rendront 
d’une qualitĂ© moins maligne, & elles 
feront peu d’impreflion fur les Dents. 
Au lurplus, jamais les Dents ne font 
affeélées par la petite vérole , lorf- 
qu’elle efi: d’une qualitĂ© bĂ©nigne, quand 
elle furviendroit Ă  un Ăąge oĂč la mĂȘme 
maladie,lorfqu’elle eft maligne, les ait©? 



De VArt du DentifĂźz* pf 
rĂ« ordinairement beaucoup. S’il eft 
donc vrai qu’on ait toujours une petite 
vĂ©role bĂ©nigne par le moyen de 1 ’Ino- 
ëulation , on peut inoculer les Enfans s 
fans craindre que les Dents qui font 
encore à venir en foient érofées^ 


§. IL 
De la. Carie . 

L 'a dureté des Dents fembleroßt 
devoir les rendre moins fufcepti- 
blés des maladies qui attaquent particu 
liérement les corps oflfeux : cependant 
on voit que ces petits os font les plusr. 
fujets Ă  fe carier, & la raifon en eft fen- 
fible. Leur tiflu eft bien plus ferré que 
celui des autres os : leurs vaiffeaux par; 
confĂ©quent font plus Ă  l’étroit; de-là» 
il s’y forme plus aifĂ©ment des embarras 
&des obftruĂ©lions, fur-tout quand l’im.-* 
prelßion du froid y eft portée à un cer-« 
tain point, ou que les fibres offeufĂš? 
s’affaiiTent par quelque effort que cefoit» 
Si les fucs que charient les vaiffeaius 
Dentaires font trop Ă©pais, ils s’arrĂȘtent^ 




T)e t Art du VentifĂźe': 

& fe corrompant par leur féjour, ils a£* 
feélent bien-tÎt la Dent. Si ces lues fe 
trouvent eux-mĂȘmes affeĂ©lĂ©s de' quelÂŹ 
que vice, la Dent en efl plutÎt gùtée, 
fuivant le concours des . impreflions exÂŹ 
tĂ©rieures , ou fuivant que la Dent mĂȘme 
en s’organifant & en s’oflifiant, s’eft 
trouvĂ©e plus mal conftituĂ©e. Le‘s Dents 
des perlbnnes qui ont été nouées, ou 
qui ont eu quelque maladie confidéra- 
Me, dans le tems que ces Dents n’a- 
voient pas encore allez de confidence ,‱ 
non-feulement font difformes & remÂŹ 
plies d’alpĂ©ritĂ©s Ă  leur furface, mais fe. 
gĂątent encore ordinairement peu de 
tems aprùs leur fortie : c’eft à quoi les 
groffes. Molaires font le. plus fujettes. 1 
On ne peut affigner d’autres caufes à la- 
carie de ces Dents-lĂ , que la maladie 
furvenue pendant quelles s’offifioient. 

Lorfqu’une Dent fe. gñte, la parallùle 
du cÎtéoppofé fe gùte auffi prefque tou 
jours peu de tems aprĂšs dans le mĂȘme 
endroit & avec la mĂȘme fymmĂ©terie. 
Cette, efpĂšce de fympatie me paroĂźt 
avoir une caufe trĂšs-naturelle & fort 
ÂŁmple. Comme toqtes les^Dents paralÂŹ 
lùles. s’offifient d’ordinaire enfemble, & 
fui vent- 



De?Art du DentijĂźe, P7 
fuivent les mĂȘmes/progrĂšs , elles font 
fufceptibles des mĂȘmes imprelßßons exÂŹ 
tĂ©rieures 8c des mĂȘmes engorgemens : 
ainli, pendant FofGfication, le principe 
de la maladie commun aux Dents du 
meme ordre s’ed portĂ© aux mĂȘmes enÂŹ 
droits. C’ed pour cela que, quand une 
Dent ed marquée de quelque tache jau 
ne ou noire, la Dent pareille de l’autre 
cĂŽtĂ© a le plus fouvent la mĂȘme marÂŹ 
que , placĂ©e fymĂ©triquement de la mĂȘÂŹ 
me façon. La racine des Dents, tant 
qu’elle ed couverte ou garantie par le 
pĂ©riode, par l’alvĂ©ole, & par la genciÂŹ 
ve , ne fe gñte jamais. Lorfqu’au con¬ 
traire elle efl dĂ©nuĂ©e de quelqu’une de 
ces parties, en quelque endroit que ce 
foit, de façon que les impredions exté 
rieures } le froid 8c le chaud } puiflent y. 
pénétrer, elle fe gùte aifément par-là. 
Il en efl de mĂȘme, quand il fe fait quelÂŹ 
que phlegmon au période, ou un épan 
chement des liqĂ»eurs dans l’alvĂ©ole : le 
vice de l’humeur 8c l’aciditĂ© des fucs 
rongent & détruifÚnt cette racine dans 
la partie oĂč fĂ©jojurne l’humeur. Quand 
une Dent iÚ trouve minée par la carie 3 
les racines qui redent fe minent audi peut 
Tome J. I 



5>S De VArt du Dentifte. 

Ă  peu,Ă mefure qu’elles fe dĂ©couvrent Si 
qu’elles font plus expofĂ©es aux impref- 
fions du dehors. J’ai parlĂ© de la nĂ©cef- 
fitĂ© d’arranger les Dents , d’avoir foin 
qu’elles ne foient pas trop preffĂ©es & 
de les mettre Ă  l’aĂźfe, pour empĂȘcher 
qu’elles ne fe gñtent, foit par l’engorge- 
ment, du fluide qui y abonde,foit par les 
Ăźmpreflions diffĂ©rentes qu’elles peuvent 
recevoir extérieurement, foit enfin par 
leur preflion réciproque dans le ferre 
ment des deux mñchoires. J’ai fait obfer- 
ver que de toutes nos parties ofĂźeufes, 
les Dents font les feules qui foient 
découvertes & dénuées de périofte ; 
mais qu’aufli la nature a pourvĂ» Ă  leur 
cOnfervation, en les couvrant d’émail. 
Ce revĂȘtement n’empĂȘche pas qu’il ne 
fĂš fafle des obftruciions dans le corps 
fpongieux des Dents , que ce corps ne 
fedĂ©compofe &ne fe mollifie, ce qu’il 
fait toujours vers la table externe fous 
Fémail, qu i eft la partie la plus fufcepti- 
ble des Impreflions extérieures. Le mal 
en attaquant la furface pĂ©nĂ©tre dans l’inÂŹ 
térieur de la Dent, de façon que la carie 
Ă©tant parvenue Ă  dĂ©truire l’émail, on ap- 
perçoit fouvent tout d’un coup un trou 



De V Art du Dentifte. pp 
confidérable à une Dent dont la ruine 
eft inĂ©vitable. Mais doit-on s’étonner 
que les Dents fe gùtent fi fréquemment 
& fi vite, lorfqu’on vient Ă  confidĂ©rer, 
comme je l’ai dĂ©jĂ  fait remarquer, que 
tous les autres os du corps étant dénués 
de leur pĂ©riode & Ă  dĂ©couvert s’exfoÂŹ 
lient en trĂšs-peu de jours. ' 

La carie provient d’une infinitĂ© d’au- !‱ 
trĂšs caufes internes & externes. Les eau- S 
fes internes les plus communes , font l’ex- f 
cĂšs dans le boire & dans le manger. Pu- | 
fage des alimens qui font un chyle trop } 
Ă©pais ou trop abondant, l’excĂšs du fom- I 
meil & des veilles, une vie trop féden- f 
taire ou trop agitée, enfin toutes les pafi f 
fions capables d’altĂ©rer la digeflion, | 

d’aigrir ou d’épaifĂźir la maffe du fang , 1 

de produire des obflruĂ©lions, d’inter- | 
rompre les fécrétions & les excrétions f 
qui doivent fe faire tous les jours, & \ 

d’opĂ©rer d’autres dĂ©fordres dans l’Ɠco- ! 
no mie animale. Les Dents des Pituiteux j 
& des Pléthoriques, font aufßi fort fujet- j 

tes Ă  fe gĂąter, & s’ébranlent facilement. 

Les femmes, pendant leur groffeffe, font 
plus expofées à avoir les Dents affeétées 
qu’en tout autre Ă©tat, par l’abondance 



!ï ûo De VArt du Dentijle. 

du fang qui eft alors retenu chez elles ? 
lorfqu’elles celfent d’ĂȘtre rĂ©glĂ©es. Les 
Dents fe gĂątent aulĂŻi trĂšs-fouvent ou 
s’ébranlent par les frĂ©quentes fluxions 
qui fe jettent fur les gencives. 

Les caufes externes qui altĂšrent & 
qui enfin dégradent les Dents, font en 
trĂšs-grand nombre. Les plus ordinai- 
’ res, font l’ufage d’alimens trop froids 
ou trop chauds ; les diverfes imprefĂźions 
de l’air ; tous les efibrts qu’on fait faire 
aux Dents & qui en affaiffent les fibres, 
ou en font fouvent éclater le corps ; les 
vapeurs de l’eftomach & des poumons 
qui, en s’élevant, forment un limon fu- 
tiefte aux Dents ; les reftes des alimens 
qui féjournent dans leurs interftices, & 
qui s’y corrompent. Il eft encorĂ« trĂšs- 
nuifible aux Dents de trop fe dégarnir 
j la tĂȘte & de s’expofer au ferein, ainfi 
| que de dormir la tĂȘte nuĂ« : de-lĂ  pro- 
f viennent bien dea fluxions. D’autre 
| part, les ingrédiens dont on ufe*pour 
f fe conferver les Dents, leur font quelÂŹ 
quefois trĂšs-contraires. Il en eft de mĂȘÂŹ 
me de quelques remedes qu’on employĂ© 
pour en calmer la douleur; tels que l’en- 
: cens , l’eau-forte, & pareils cauftiçmes 




De VArt du DentijĂźe. lot 
qui gñtent toutes les Dents qu’ils tou¬ 
chent; ce qui fait voir combien il efl imÂŹ 
portant de n’y point faire de remedes 
qui ne foient bien connus ou prefcrits 
par un Dentifte expĂ©rimentĂ©. L’ufage 
exceiĂŻĂźf des fucreries, contribue aufĂźi Ă  la 
deftrucHon des Dents. Cet accident eff 
prefqu’inĂ©vitable Ă  toutes les perfonnes 
qui manient ou travaillent les métaux, 
comme le cuivre, le vif-argent, &le 
plomb, parce qu’il s’en dĂ©tache toujours 
des particules arfénicales & corrofives 
qui s’attachent aux Dents. Enfin le peu 
de foin qu’on a de fa bouche, & la nĂ©? 
gligence à nettoyer, ainfi qu’à faire de 
tems en tems vifiter fes Dents, caufent 
infenfiblement leur dégradation. 


§. III. 

Des moyens de prévenir ta Carie , au 

tres maladies des Dents . 

T outes les perfonnes qui font 
chargées de la conduite des En- 
fans , ne peuvent les accoûtumer de trop 
bonne heure à fÚ nettoyer tous les jour§ 

1 ĂŒi 





102 De VArt du Dentifte . 
la bouche. C’eft une pratique de pro¬ 
preté,dont dépend le bon état des Dents, 
<k qui produit de grands biens. Tous 
ceux qui ont Ă©crit fur les Dents , n’ont 
pas manqué de la prefcrire : ainfi je 
pourrois me difpenfer de répéter ce 
.qu’ils ont dit. Mais comme mon objet 
eft de rendre mon Ouvrage utile Ă  tout le 
monde, je ne dois rien nĂ©gliger d’effen- 
.tiel fur la matiùre que je traite, afin qu’au 
moins les perfonnes qui feront quelque 
«fage de mon Livre,ne foient point obli-. 
gées de chercher ailleurs une inftruction 
aufli fimple qu’elle efl; nĂ©ceffaire. 

Il faut donc, chaque jour, en fe leÂŹ 
vant , commencer par enlever avec le 
tuyau de plume, tout ce qui peut s’ĂȘtre 
arrĂȘtĂ© dans les interftices des Dents, 
■enfuite grater fa langue, &paffer dans 
fa bouche une petite éponge trempée 
dans de l’eau tiĂšde, oĂč l’on aura mis 
trois ou quatre gouttes de quelque eau 
balfamique. On porte cette éponge fur 
les gencives, en appuyant un peu, & 
on la ramene à plufieurs reprifes jufqu’a 
l’extrĂ©mitĂ© des Dents en-dedans & en- 
dehors de chaque mùchoire. Cette opé 
ration fe fait fiiccefĂźivement fur toutes, 



De VArt du Dentijüe. ÏQ% 
les Dents, & on retrempe de tems en 
tems l’éponge dans l’eau. Par ce moyen , 
on fait fortir le limon qui s’eft introduit 
fous les gencives & dans les intervalles 
des Dents. Si, aprĂšs y avoir paffĂ© l’é 
ponge, il y reftoit encore du limon , on 
l’emporte aifĂ©ment avec la pointe ou le 
gros bout du cĂŒredent. La propretĂ© deÂŹ 
mande encore quelque foin aprĂšs le reÂŹ 
pas. C’eft l’affaire du cĂŒredent de reÂŹ 
chercher les reffes de la maflication qui 
peuvent ĂȘtre entre les Dents. On les 
effuye bien enfuite avec une ferviette * 
& oroffe rince la bouche avec de l’eau 
tiĂšde. Cet ufage, qu’il eft aifĂ© de conÂŹ 
vertir en habitude, doit n’ĂȘtre jamais 
négligé.. 

Quelques p erfonnes s’imaginent que 
Ăźe cĂŒredent & l’éponge, font capables 
de déchauffer les Dents. Rien de plus 
innocent, au contraire, & d’un ufage 
plus indifpenfable : car on aura beau le 
rincer la bouche, ou s’effuyer les Dents, 
on ne fera pas fortir le limon qui s’en¬ 
gage & s’amaffe dans leurs interllices. 
Or, les particules de limon que l’eau n’a 
point dĂ©tachĂ©es s’attachent aux Dents 
vers la racine, s’y durciffent & compris 



104 De VArt du Uentijie. 

ment les gencives. A mefure que l’a¬ 
mas s’augmente, il les engorge & les 
dĂ©truit. C’eft alors que les Dents fe dé 
chauffent , & bien-tĂŽt s’ébranlent. De 
plus, quand ce limon eft acide, il pé 
nĂ©tre & ronge la Dent mĂȘme. Enfin, le 
féjour du limon Îte la fraßcheur de la 
bouche, & lui donne tĂŽt ou tard une 
mauvaifù odeur. D’autres perfonnes 
ont pour principe, qu’il eft dangereux 
de faire faigner les gencives; mais le 
danger n’eft Ă©vident , que quand on 
nĂ©glige de le faire. Car lorfqu’elles font 
furchargées. de fang, fon féjoty: feuß 
peut lui faire contracter un vice capable 
de gĂąter les Dents , ou du moins de les 
déchauffer & de les ébranler. Il eft donc 
à propos de les dégorger avec un cure- 
dent de plume bien délié & une épon 
ge fine, afin que les petits vaiffeaux que 
la plénitude obftruoit, reprennent leur. 
tonus & leur reffort.* 

Les perfonnes replùtes font d’ordi¬ 
naire les plus fujettes Ă  avoir les genÂŹ 
cives engorgées ; elles doivent donc 
avoir l’attention de les faire faigner de 
tems en tems. Il en eft de mĂȘme des 
perfonnes ùgées: leurs gencives donp 



De Ćž Art du DentijĂźe. ĂŻĂŽj* 
dépend fur-tout la confervation de leurs 
Dents, font prefque toujours fur charÂŹ 
gées de fang, parce que les liqueurs ont 
perdu de leur fluidité naturelle, & que 
la contraction des artùres fe fait d’autant 
plus difficilement que leurs parois étant 
plus épais & moins élaftiques ils contri 
buent encore Ă  ralentir la circulation ; 
ainfi c’efi pour eux une nĂ©ceffitĂ© d’évaÂŹ 
cuer le fuperflu du fang qui croupit dans 
leurs gencives. Une attention que tous 
les Dentiftes.doivent encore recommanÂŹ 
der, eA de ne jamais fe rincer la bouche 
avec de l’eau trop froide, ou d’y faire' 
fuccĂ©der tout d’un coup rien de trop 
chaud , foit alimens,foit boĂźfĂźbns ; parce 
que ces deux extrémités y caufent tou 
jours du dĂ©fordre, l’une en rarĂ©fiant ĂŽc 
en dilatant, l’autre en coagulant les li¬ 
queurs qui circulent dans les vaifleaux 
dentaires. 

On doit ĂȘtre fort rĂ©fervĂ© dans l’ufa- 
ge des fucreries, quelles qu’elles foient, 
& lorfqu’on en a mangĂ©, pour enlever 
le lue vifqueux qui s’attache aux Dents 
& dont l’aciditĂ© les gĂąte, il faut fe bien 
rincer la bouche avec de l’eau tiùde. 

Il faut abfolument s’abfienir de calfe2 



10.6 De T Art du Dentijle. 

avec les Dents les fruits durs & tout 
çe qui a de la réfiflance, comme noix, 
noifettes, ou noyaux, à peine d’en affaif- 
fer les fibres oĂŒeufes, d’y occafionner 
des éclats & conféquemment la carie, 
en un mot, de s’ĂȘxpofer Ă  les fĂȘler, Ă  les 
cafler mĂȘme, ou du moins Ă  les Ă©branÂŹ 
ler & Ă  les luxer. 

Il n’efl: pas moins dangereux d’em¬ 
ployer indiftinéiement toutes les dro 
gues que débitent tes Charlatans, fous 
les noms d ’Opiats, de Corail en poudre , 
de liqueurs Amifcotbutiqu.es , Balfami- 
ques, & autres. Ces drogues, dont les 
diftributeurs vantent ordinairement la 
vertu, foit pour ĂŽter la douleur des 
Dents 8 c les empĂȘcher de fe gĂąter, ou 
de fe dé chauffer j foit pour faire recroߏ 
tre les gencive§, détrußfent immanqua 
blement Ă  la fin les unes & les autres. 
Ainfi l’on ne doit abfolumùnt fe fervir 
que des Opßats, préfervatifs, 8 c autres 
remedes compofés & appliqués à pro 
pos par un bon Dentifte. 

Il y a d’ailleurs, pour Ă©viter la perte 
©u l’altĂ©ration des Dents, certaines pré 
cautions dont on ne peut trop inculquer' 
tufage.Il s’agit 1°. de ne point s’expo- 



De VArt du Dentifie. 107 
1er j en fortant d’un lieu chaud, à un air 
trop froid, fans fe bien garnir la tĂȘte. 
Quelques perfonnes portent du coton 
dans les oreilles, & s’en trouvent bien. 
2°. De ne pas s’expofer non plus au fe- 
rein , de ne pas dormir la tĂȘte nue, d’é 
viter les vents-coulis, & les lieux huÂŹ 
mides ou marécageux. Pa? cette atten 
tion fur foi-mĂȘme, on Ă©vitera bien des 
fluxions , dont la plûpart proviennent 
de quelqu’une de ces caufes. Paflbns aux 
moyens de prévenir, ou de détruire les 
caufes internes qui gĂątent les Dents. 

La premiĂšre chofe Ă  obferver pour 
la conlervation des Dents, ainfl que 
pour la fanté du corps', eft un bon régi 
me. De la fobrïété , des alimens fains 
8 c de facile digeftion, font la bafe de ce 
rĂ©gime. C’efl la maflication qui prĂ©pare 
la digeftion des alimens , il faut donc 
les bien moudre 8 c les bien broyer avant 
la dĂ©glutition, afin qu’il s’en forme un 
chyle doux, fluide , & qui paffe fans 
embarras dans le fang, pour nourrir 8 c 
vivifier toutes les parties du corps; car 
quand les alimens ne font pas fuffifam- 
ment broyĂ©s dans la bouche, l’eftomach: 
ne fcauroit les cuire ni les digérer ai£é~ 



ioS De V Art du Dentifle. 
men. Si d’un autre cĂŽtĂ© on le furchar- 
ge , & fi on lui donne des alimens de 
difficile digeftion, le chyle qui en réful- 
te eft groffier, épais, chargé plus ou 
moins d’acides, & devient par contĂ©- 
quent la fource de différentés maladies. 
Or les Dents ne tardent pas à s’en refi 
fentir, foit ÂŁar la corruption du fluide 
qui circule dans leurs vaiffeaux , foit 
par l’effet des vapeurs qui s’élĂšvent de 
l’eftomach Sc des poumons , foit par 
l’ñcretĂ© de la pituite , ou par' la vifco- 
lité de la falive : toutes difpofitions vi 
cie ufe s dont fe forme un limon acide 
-qui gùte & ébranle les Dents. Le moyen 
de les éviter, efl: de faire un exercice 
modéré, de ne point ni trop veiller 
ni trop dormir, de tempérer fes paf- 
■fions , de ne point ufer avec excùs de 
laitage , de légumes , ni de viandes 
ou de poiflons faiiés, parce que ces for 
tes d’alimens ne produifent pas un bon 
chyle. 

Ceux qui le trouvent attaqués de 
quelque affÚcfion fcorbutique ou véné 
rienne, doivent promptement travailler 
à la détruire, & ne point différer à fe 
mettre entre les mains d’habiles gens.. 



DeVArt du Dentifte,' io<? 

Sont on ne manque point Ă  Paris. Les 
perfonnes ou répletes ou cacochymes, 
ne doivent point non plus négliger les 
remedes généraux que leur prefcrira la 
nature de leurs difpofltions. Ils auront 
recours au Dentifte, lorfqu’il s’agira de 
dégorger leurs gencives, pour les dé- 
barrafler du lĂ ng fuperflu ou de la lim- 
phe acide qui peut altérer les Dents. La* 
faignée ell; aufli de tems en tems nécef- 
faire aux femmes enceintes, tant pour la 
confervation de leur fruit, que pour leur 
faire fupporter plus aifément le fardeau 
de la grolfefle, & pour empĂȘcher que 
le lĂ ng menftruel qui fe trouve retenu 
chez elles ne le porte aux Dents, ne les 
gñte, & n’y produife de vives douleurs, 
comme il arrive ordinairement. Les femÂŹ 
mes qui ceflent d’ĂȘtre rĂ©glĂ©es, Ă©tant parÂŹ 
venues à ce tems critique, doivent aulßß 
fe faire faigner & purger de tems en 
tems, pour empĂȘcher que le fang ne le 
porte abondamment aux gencives, & 
-qu’en les gonflant il n’y caufe des flu¬ 
xions & mĂȘme la carie, ou qu’il ne les 
faflÚ périr par le feul ébranlement. 
Quand,malgré tous ces foins & le ré 
gime le plus exaél, certaines perfonnes 



no De l'Art duDentiJĂźe. 
dont l’eftomach ne fait qu’imparfaite^ 
ment fes fondions & dont la fanté eft fort 
chancelante, ont les Dents en mauvais 
état, ou lorfque pour ne pas vouloir 
.s’affujettir Ă  aucun rĂ©gime, ni prendre 
la moindre précaution, ( ce qui eft en 
core plus ordinaire ) le dĂ©fordre qu’on 
pouvoit Ă©viter s’ÿ eft mis ? il n’y a plus 
qu’un moyen pour les conferver , & 
c’eft d’y faire apporter un prompt re- 
mede, avant que la carie ne découvre 
le canal de la Dent. Car pour peu qu’on 
néglige cette maladie , elle fait des pro 
grĂšs fi rapĂźdes,qu’aprĂšs avoir caufĂ© bien 
des maux , la Dent périt fouvent fans 
reflource. Si l’on pouvoit en ĂȘtre quitte 
pour la perte d’une Dent, on fe trou- 
veroit trop heureux : mais fouvent une 
Dent gùtée gùte fa voifine, & le mal 
n’en refte pas-là ; il fe communique de 
proche en proche , & pour une Dent 
qu’on a nĂ©gligĂ©e, on s’expolĂš Ă  en perÂŹ 
dre plufieĂŒrs. Je ne parle point des ac- 
cidens qui peuvent s’enfuivre , des flu¬ 
xions fi douloureufes & quelquefois fi 
opiniĂątres , des abfcĂšs qui fe forment 
dans la bouche, & qui percent en deÂŹ 
hors en lailfant fur le vifage des cica- 



De T Art du Dentifte * i ii 

trßces ou des marques défagréables. 
On. ne voit que trop de perfonnes ainfĂź 
défigurées par des dépÎts que des Dents 
cariĂ©es ont produits. Ce n’eft-lĂ  que la 
moindre partie du défordre que la carie, 
des Dents peut caufer , lorfque la main 
du Dentifte n’a point arrĂȘtĂ© le mal dans 
fa naiffance. 

Les Dents fe gĂątent de deux ma- f 
nĂźeres , de l’intĂ©rieur : Ă  l’extĂ©rieur, 8c J 
de l’extĂ©rieur Ă  l’intĂ©rieur. La carie qui f 
commence par affecter l’émail » eft pro- f 
duite par quelque caufe externe : on I 
s’en appercevra foi-mĂȘme , fi c’eft quel- \ 
que Dent apparente que la carie ait 
attaquĂ©e en d’autres endroits que dans 
les parties latĂ©rales. Si c’eft une Dent 
reculée au fond de la bouche, en ne 
Fappercevra pas aifement, fi ce n’eft 
quand la maladie aura fait des progrĂšs 
confidĂ©rables. Il en fera de mĂȘme, fi la 
Dent eft cariée dans les interftices: on 
ne découvrira le mal, que quand il aura 
Fait beaucoup de ravage , ou qu’il fe 
rendra bien fenfible. Si la carie s’eft 
portĂ©e de l’intĂ©rieur Ă  l’extĂ©rieur, on ne 
s’en appefçoit gueres que,lorfqu’au mo¬ 
ment qu’on y penfe le moins ? il fe fait 



ĂŻ 1 2 'De, VArt du DetitijĂźe. 
tout d’un coup à la Dent, foit en man¬ 
geant, Toit Ă  toute autre occafion , un 
trou fort vifible, ou lorfque le mal proÂŹ 
duit des douleurs trĂšs-vives, fans que 
le malade ou qui que ce foit, excepté les 
gens de l’Art, puilfe en connoütre ou 
en remarquer la caufe. Or pour arrĂȘter 
les progrĂšs de cette maladie, avant 
qu’elle ait pĂ©nĂ©trĂ© jufqu’au canal de la 
Dent & qu’elle ne s’annonce cruelle¬ 
ment par de violentes douleurs, il faut 
la main du Dentifte. On fent dĂšs-lĂ , 
combien il eft néceffaire de faire vifiter 
fa bouche au moins deux ou trois fois 
par an. Si le Dentifte aprĂšs avoir bien 
examinĂ© toutes les Dents l’une aprĂšs 
l’autre, n’en trouve point de gĂątĂ©e , il 
s’en tiendrñ-là ; mais s’il apperçoit la 
moindre trace de carie , il y remédie 
fur le champ , ou en l’enlevant avec la 
lime, lorfqu’elle n’a fait qu’effleurer la 
Dent, ou quand elle a creufé, en plom 
bant , aprÚs avoir emporté avec la ru- 
gine toutes les parties cariées. 

Quelquefois il ne fuffit pas d’îter la 
carie d’une Dent qui aprĂšs cette opé 
ration eft encore fenfible 5 niais il faut,, 
tant pour délfecher la carie , que 
pour. 



Del 3 Art du Dentifie. 113 
pour faire ceffer la douleur, appliquer 
une ou deux fois le cautĂšre actuel. On 
plombe enfuite la Dent qui par ce 
moyen efl exempte de fe gĂąter davanÂŹ 
tage ,■ & de caufer de la douleur ; mais 
g’ efl: toujours en y remĂ©diant de bonne 
heure, & avant que le nerf foit décou 
vert. 

Si, aprĂšs n’avoir rien obfervĂ© du ré 
gime & de la conduite que j’ai pref- 
crits pour la confervation des Dents , 
on nĂ©glige encore le fecours de l’Ɠil 
& de la main du Dentifte, ou fi l’on n’y 
a recours que quand la carie efl parÂŹ 
venue au canal, & que le mal ÂŁe fait 
fentir , alors le nerf à découvert fe trou 
ve plus ou moins irrité , fuivant le dé- 
grĂ© d’aciditĂ© de l’humeur viciĂ©e qui s’y 
porte ; ou fuivant que le limon, la falĂŻ- 
ve &les alimens qui y fĂ©journent s’y 
corrompent, pourriffentla Dent &aga-; 
cent plus ou moins ce nerf; ou enfin 
fuivant les impreflions de l’air humide * 
ou de l’air froid qui le pĂ©nĂ©tre. Dans 
les tems humides, les Dents dont le corÂŹ 
don efl: découvert par la carie , font 
bien plus fenfibles que dans les tems 
fecs ; parce qu’alors l’humiditĂ©- fait en-j 
Tome h, JL 



! ĂŻ 14 De VArt du Dentifie. 
fier & racourcit les nerfs,comme les corÂŹ 
des d’un infiniment. Ainfi les Dents 
caufent plus de douleur,' & c’efifpour 
cela que les tems pluvieux nous font 
annoncés un ou deux jours auparavant, 
par 'le concours des malades qui nous 
.viennent en plus grande quantité. 

Lorfqu’cn ne fe trouve point à por¬ 
tĂ©e d’obferver le rĂ©gime que je recomÂŹ 
mande, ni de faire vifiter fa bouche,fi 
une Dent s’eft gĂątĂ©e fans qu’on s’en foit 
apperçu, foit par la difpofition des fucs 
intĂ©rieurs ou extĂ©rieurs qui s’y font porÂŹ 
tés , foit par négligence ou autrement, 
il y a plufieurs moyens pour fe guérir, 
6 c mĂȘme pour la confĂȘrver,pourvĂ» qu’elÂŹ 
le en mĂ©rite la peine, c’efl-Ă -dire, qu’elle 
ne foit point trop gĂątĂ©e, 6 c qu’il n’en 
réfulte aucun autre accident. Ces moyens 
confident à détruire les parties nerveu- 
fes , oĂč efl: le fiĂ©ge de la maladie : on 
parvient Ă  ce but par plufieurs remedes, 
6 c par différentes opérations connues 
des Dentifles. Il y a néanmoins cer-* 
taines Dents plus difficiles à guérir les 
unes que les autres, foit par la multipliÂŹ 
citĂ© ou par l’irrĂ©gularitĂ© des racines & 
du canal, foit par rapport aux difpofh 



De VArt du Bentifte. rry 
tions du fujet, & à la qualité de la lym 
phe plus ou moins viciée. 

Les Incifives & les Canines de la mù 
choire fupérieure forit les plus faciles , 

& les plus promptes à guérir. Les petites 
Molaires Supérieures fe guériflent ordi 
nairement plus aifément que les groftes 
Molaires ; cependant quand elles ont 
deux racines, ou que leur canal eft fort 
applati & prefque feparé en deux, la 
guérifon en devient plus difficile. La 
guérifon des petites Molaires inférieures 
eft plus aifée, vu la forme de leur canal. 
Les Canines qui les avoifĂźnent permetÂŹ 
tent encore aifément de détruire leur 
cordon nerveux. 

Les diffĂ©rens moyens qu’on employĂ©- 
pour détruire les cordons nerveux qui 
font découverts , font les effences 
autrës liqueurs fpiritueufes , le cautere 
aéluel s la rugine & le déplacement de 
la Dent. Quand par quelqu’un de ces 
moyens ou eft parvenu Ă  nettoyer & Ă  
débarrafler exactement la Dent de tou 
tes les particules de carie, qu’elle n’eft 
plus du tout fenfible, que le froid ouĂŻe- 
chaud n’y fait plus aucune impreffion, 
alors cette Dent étant bien plombée,ne & 



il6 De VArt du 'Dentijle. 

gĂąte plus, ne donne aucune odeur, 
fert Ă  la mallication aufĂźi parfaitement 
que les autres. Voici la façon d’opĂ©rer, 
pour parvenir Ă  rendre ces Dents infen- 
fibles. 

Si c’eft quelqu’une des Incifives ou - 
des Canines qui faffe du mal, il faut ré 
parer fuffifamment avec la lime la Dent 
gùtée, & en emporter toute la portion 
marquée de carie avec une rugine platte 
& pointue en forme de bec de perroÂŹ 
quet. Si cette rugine ne fuffit pas pour 
enlever exa élément toute la carie, on 
achevĂ© l’opĂ©ration avec une rugine plus:, 
fine faite en forme d’aleine , mais un 
peu plus courbée vers la pointe. La, 
carie étant bien nettoyée, le canal fe 
trouve Ă  dĂ©couvert, & l’on atteint aile- 
ment le nerf. Alors prenant une rugine 
pointue à trois faces Sc détrempée en. 
partie, on l’introduit le plus avant qu’il 
fe peut dans le canal de la racine, pour, 
en détruire le cordon. Cela fait, on trem-. 
pe du coton dans l’elfence de c an elle, 
ou de gĂ©rofle, ou dans l’efprit de vin * 
'& on l’introduit dans le canal le plus 
avant qu’il eft pofüible. On l’y lailTe pen¬ 
dant quelques jours, 6c on réitéré deux.; 



De VAn du Deniifte. ĂŻif 
feu trois fois la mĂȘme choie, en portant 
au fond du canal la rugine Ă  nud, pout 
achever de détruire les nerfs. Pour ne 
point trop irriter les parties, il faut metÂŹ 
tre entre chaque opération deux ou trois 
jours. Quand dĂšs la premiĂšre fois on: 
peut parvenir Ă  porter la rugine aflez 
profondément pour tortiller, écrafer, ou 
mĂȘme emporter le cordon , l’opĂ©ration 
dans la fuite n’eft plus douloureufe, & 
la Dent malade efl: promptement guérie. 
Mais fi on ne fait que piquer le nerf* 
fbuvent le cordon s’enflamme & caufe : 
de vives douleurs qui quelquefois ne ÂŁe. 
terminent qu’aprùs la fluxion ; d’ailleurs 
le nerf ne meurt pas toujours. Il faut, 
donc en pareil cas , détruire tout-à-fait 
le cordon avec la rugine, ou ayec le 
cautÚre aétuel, ou plus fûrement encore 
en luxant la Dent. Autrement, fi le cas- 
l’exige, il faut en venir à l’extraction. ; 

La rugine dont on fe fert, doit ĂȘtre 
faite d’une pointe fĂ©che d’acier quarrĂ©e, 
telle qu’en ont les Horlogers & les Gra¬ 
veurs. On la détrempe un peu du bout, 
tant pour l’empĂȘcher de cafler dans le 
canal, que pour pouvoir l’affĂ»ter & la 
rendre aufll pointue qu’une groffe aiguil- 



ÏT& De VArt du Demijüe. 
le. Elle doit ĂȘtre affilĂ©e de la longueur 
d’environ deux .tiers de pouce , & à 
trois pans. Il faut que le corps de l’inf- 
trument foit quarrĂ© & long d’environ: 
un demi-pied. On ne fe fert guùre de ■ 
cette rugine, que pour les Dents qui: 
n’ont qu’une feule racine. 

A l’égard des greffes Molaires, quand;, 
leur nerf eft tellement découvert que la 
rugine peut aifément le faifir, il faut: , 
l’emporter & le dĂ©truire s’il eft poffi- 
ble, avec lĂ  rugine, ou avec le cautĂšre 
aĂ©fcuel. S’il n’y a qu’un feul nerf 'appaÂŹ 
rent , ou que ceux des autres racines, 
par la petiteffe des trous qui y conduiÂŹ 
sent, ne puiffent ĂȘtre atteints, alors la 
cure de la Dent ne peut manquer d’ĂȘÂŹ 
tre fort longue. Il en eft de mĂȘme quand 
la carie qui aminé en partie lÚ corps de; 
là Dent, a détruit les extrémités & les: 
ramifications des nerfs ; car alors ces 
nerfs fe retirent au fond du canal des 
racines, & peuvent d’autant moins ĂȘtre 
atteints, que les canaux font fouvent 
fort étroits aux Dents de la mùchoire 
iupérieure, & fort applatis à celles de 
la mĂąchoire infĂ©rieure. A l’égard de celÂŹ 
les-ci pourtant, leur pente naturelle- 



Ve VArt duDentijTe . T iĂż 

fait que les efTen'ces ou les liqueurs s’in- 
finuentplus facilement au fond du caÂŹ 
nal, & détruifent le relie du nerf. 

- Les rugines les plus convenables pour 
les Molaires, font celles qui font faites: 
en aleines, c’efl-Ă -dire, pointues & dé 
liĂ©es. Il faut qu’elles foient plus ou moins: 
courbes, fuivant l’endroit de la Dent 
qui fe trouve affecté. Les fondes qui 
fervent Ă  reconnoĂźtre la. carie des Dents; 
font préférables dans certaines circonf- 
tances, parce qu’étant dĂ©trempĂ©es, on 
leur donne la forme qu’on veut, & que 
ces fondes font d’un cĂŽtĂ© allez plattes 
& allez pointues, pour palfer dans l’in- 
terllice des Dents mĂȘme les plus ferrĂ©es» 
Leur pointe peut encore atteindre les 
nerfs qui occupent les canaux des raciÂŹ 
nes inférieures, & le coté oppofé qui 
eft auffi fort menu vers ion extrémité». 
peut dans certains cas, plus facilement 
que toutes fortes de rugines, aller cherÂŹ 
cher & joindre le nerf dans les racines 
des Dents fupérieures. 

Il faut pour la dellruéfion du nerf» 
par rapport aux différens cas qui fe pré- 
fentent, ĂȘtre pourvu de trois rugines ; la 
premiĂšre faite d’une pointe fĂ©che, de 



r ĂŻ 20 De VArt du DentijĂźe : 

la groffeur d’une forte aiguille Ă  coudr'Ă« 
6 c fiiffifĂ mment dĂ©trempĂ©e pour qu’é 
tant flĂ©xible j elle s’accommode Ă  la for» 
me du canal; la fécondé, dont la pointe 
foit de la grolfeur d’une moyenne aiguil¬ 
le j & la-.troifiérae encore plus fine. On 
en aura par ce moyen, de proportionÂŹ 
nées aux différens diamÚtres des canaux 
oĂč elles doivent ĂȘtre portĂ©es. 

La rugine peut encore fervir Ă  cau- 
ßérifer les Dents, lorfqu’elles font trop; 
fenfibles : on peut la faire rougir, & 
la porter dans le canal feulement une 
ou deux fois le plus avant qu’il eflpof- 
fible. Cette opération ne fera pas moins 
douloureufe , mais la Dent fera plus 
promptement guérie, en obfçrvant de 
bien bourer le fond du canal d’un coton 
imbibĂ© d’effence, ou de quelque efprit. 

Il ne faut pourtant pas fe figurer que 
par ces opĂ©rations diffĂ©rentes, c’eft-Ă - 
dire ,avec le cautÚre ou la rugine en dé» 
truilant le. nerf , on fe trouve guéri dans 
le moment : affez fouvent au contraire * 
il faut s’attendre à fouffrir pendant quel¬ 
ques jours. De plus, la Dent, pendant 
ce tems-lĂ , efl; ordinairement molle. & 
douloureufe, fuivant que la membrane 



Ve l'Art du Dentijle n, 12 f . 

Ăź|ui- tapilfe les parois du canal & le cor-< 
don vers l’extrĂ©mitĂ© de la racine ont Ă©tĂ© 
plus ou moins tourmentĂ©s, ou qu’ils font 
comprimés plus ou moins par le co 
ton, ce qui les fait périr. Le période 
qui recouvre l’alvĂ©ole & la racine s’enÂŹ 
flamme & fe gonfle quelquefois au point 
de produire une fluxion allez" vive : mais 
fi le nerf a été totalement emporté par 
la rugine, ou -brûlé par le cautÚre, le 
Malade eft bien-tÎt guéri. Au relie , ces 
accidens font plus ou moins confldéra- 
bles , & la guérifon de la Dent plus ou 
moins prochaine, fuivant les dilpoli—. 
lions dufujet. 

Quand il y a quelque tems que les 
Dents font mal, qu’on y a fenti des Ă©lan- 
cemens, & qu’on a nĂ©gligĂ© .de recourir 
au Dentifle, dĂšs que la rugine eft intro ÂŹ 
duite, elle fait d’ordinaire Ă©vacuer un 
abfcĂšs qui fe trouve fqit dans le corÂŹ 
don , foit dans le canal, & la matiĂšre de 
cet abfcùs, eft fanguünolente, lorfqu’elle 
n’eft pas aflez cuite. Mais auffi-tît que 
le fluide eft forti, le Malade eft foulagé. 

Si l’abfcĂšs eft bien formĂ©, le cordon 
fe trouve alors ordinairement tout-Ă -fait 
dĂ©truit ; mais s’il n’y a qu’un engorge.-.. 
Tome L t 



De VArt du DentiJIe ; 
rnent & un gonflement 3 on tache Ă  l 5 inÂŁ 
tant de le détruire 3 par le trépan ou par 
le cautĂšre aĂ©tuel qu’on infinue jufqu’au 
fond du canal. Il efl: rare alors qu’on 
foit obligĂ© d’y retoucher de huit ou dix 
jours 5 fl ce n’eft pour plomber la Dent, 
aprĂšs en avoir ĂŽtĂ© le coton. L’évacuaÂŹ 
tion du fluide 3 foit dans le canal 3 foit 
dans les membranes du cordon 3 fe fait 
beaucoup mieux avec la rugine que fai 
dĂ©crite qu’avec une aiguille Ă  coudre 
dĂ©trempĂ©e 3 ou avec un camion fans tĂȘte 
qu’on fait entrer avec une pince dans le 
canal de lĂ  racine 3 comme le confeilie 
M. Fauchard. 

La rugine à pointe féche, fert enco 
re à trépaner une Dent ufée, qui fait 
foupçonner quelque dépÎt dans le ca 
nal, ou quelque embarras dans le corÂŹ 
don. En tournant cet infiniment dans 
les doigts 3 vers fon extrémité quarrée 3 
fa pointe qui efl: enforme de trépan per- 
foratif ou de foret , fe porte à l’endroit 
oĂč le canal fe manifefle 3 par la couleur 
qui le diflinguede la Dent. On parvient 
ainfl promptement au canal 3 & on fait- 
jour au fluide qui l’engorge ou qui s’y 
trouve Ă©panchĂ©; ce qui foulage Ă . l’inft 



De l'Art du DentifĂźe. 123 
tant le Malade. Cet infiniment convient 
beaucoup mieux pour cĂȘtte opĂ©ration:* ' 
qu’un foret montĂ© fur fbn chevalet, qui 
par le moyen d’un archet * perce la 
Dent ou le canal : opération embarra£ 
fante pour le D en tille , & effrayante 
pour le Sujet. Ges fortes de rugines faiÂŹ 
tes en trépan, font encore trÚs-comhao- 
des pour faire une place aux tenons , * 
c’eft-à-dire , pour en aggrandir le ca¬ 
nal , & font préférables à VEquarrijfoir , 
gravĂ© dans l’Ouvrage de M. Fauchard . 
Tom. II. Planche 33. 

Dans une brochure in-12. qui vient 
de paroitre on trouve gravé un ïnïlru- 
meftt , propre , dit-on 3 à trépaner les 
Dents : mais il m’a paru peu utile parles 
incoBvĂ©niens que j’y ai remarquĂ©s. i°. 

‘ Toutel’aĂ©lion de l’Inftrument dĂ©pĂšnd 
du Sujet qui lui donne plus eu moins.dé 
force pour perforer la Dent Malade en 
le mordant ou le ferrant avec la mĂąchoire 
oppofée. Or, pour peu que la Dent foit 
duuloureufe, & mĂȘme aĂŒ moindre agaÂŹ 
cement que relfentira le Malade penÂŹ 
dant l’aĂ©lion- de -PPnllmment-, ' je faille 
à juger s’il continuera d’appuyer, & 
d’en aider l’opĂ©ration. Pour qtrePinftru- 
Tome L * L xj 



J 24 De VArt du VentijĂźe, 
ment pût opérer Ton effet, il faudroit 
que toute fon aĂ©lion dĂ©pendĂźt de l’Opé 
rateur & non des Malades, dont il ne faut 
jamais rien attendre , & qui bien loin de 
contribuer Ă  fe faire le moindre mal,cherÂŹ 
chent tant qu’ils peuvent à fe fouftraire 
au mal le plus inévitable. 2°. On nous 
dit que cet Infiniment efl defliné fur- 
tout pour les Dents Molaires, parce que 
tout autre infinimentfĂ©lon l’Auteur» 
n’eft pas propre Ă  trĂ©paner ces fortes de 
Dents , vu la dureté de leur émail. On 
ajoute, que par fon moyen l’émail & le 
corps de là Dent Molaire font perforés 
trĂšs-promptement. Mais comment un 
DentĂźfle ne fçait-il pas qu’on ne trĂ©pane 
que des Dents ufées & détruites en par 
tie par les Dents oppofées l Comment, 
ignore-t’ül qu’alors non-feulement l’é 
mail de la Dent efl entiÚrement détruit, 
mais que le corps mĂȘme de cette- Dent 
eff tellement altéré, que- toute la dou 
leur ne provient que du nerf qui fe trouÂŹ 
ve'à. jour , ou qui efl irrité, foit par le 
frottement, foit par quelque, autre caufe 
extĂ©rieure d’ou provient un abfcĂšs qui 
Je trouve renfermé -dans le canal. Ainfl 
quand il efl queflion de trépaner une 



De VArt ùuDentiJle. 1±% 
Dent 5 quelle qu’elle fok , ou d’en ou¬ 
vrir le canal pour donner iflue à l’hu¬ 
meur qui produit les accidens. L’opĂ©raÂŹ 
tion eft facile & d’autant plus prompte 
que l’Inftrument a fort peu de trajet à 
faire pour parvenir dans le canal, l’en- 
droit oĂč il faut opĂ©rer fe fait aifĂ©ment 
appercevoir par la couleur différente 
qui fe trouve fur le corps de la Dent 
ufée, qui en cet endroit eft beaucoup 
moins dur, enforte que la moindre ru- 
gine fuffit fouvent pour l’opĂ©ration. Je 
crois donc que l’Inftrument en queftion 
ne peut ĂȘtre d’aucun ufage pour perforer 
les Dents. 

Lorfque la Dent ne fait plus de mal , 
que le cordon en eft détruit , & que le 
canal eft vuidé, il faut garnir exacte 
ment la Dent avec des feuilles d’or ou 
de plomb, & cette Dent fe confervera 
nombre d’annĂ©es. Il arrive cependant 
quelquefois que la Dent, quoique bien 
plombée , devient douloureufÚ. 

C’eft alors le pĂ©riofte quicaufe le mal, 
& non le nerf qui n’exifte plus. Il fur- 
vient mĂȘme affez fouvent la premiĂšre 
année une fluxion plus ou moins con-' 
fidérable, fuivant les difpofitions du Su- 
Liij 



ü 26 De l’Art du Dentifte. 
jet, 6c qui fe termine ordinairement par 
quelque petit- abfcĂšs dans la genoive 3 
mais à la moindre iffue qu’on donne à 
la matiĂšre qui le forme, le malade fe 
trouve guĂ©ri : il ne relie alors qu’un 
petit bouton filtuleux qui va 6 c vient » 
mais qui n’a rien de dangereux, & on 
eft quitte des douleurs de cette Dent, 
Toutes les Dents dont on a détruit 
le nerf font fujettĂšs Ă  produire cet 
effet : cependant iĂź-faut obferver que 
quand, aprÚs la deflruélion des nerfs , 
il fe forme quelque petit dépÎt dans les 
gencives , les Dents font alors ordinaiÂŹ 
rement exemptes de fluxion , au moyen 
du petit bouton rifluleux dont je viens 
de parier. 

Les perfonnes qui ne voudront pas 
fe foumettre à la guérifon de leur Dent 
par la voie de la rugine ou du cautĂšre,& 
qui voudront s’en tenir à l’application 
des effences, pour éviter certaines dou 
leurs paflageres , courent rifque de s’en 
préparer de trÚs-longues , fur-tout aux 
Dents delĂ  mĂąchoire fupĂ©rieure , oĂč par 
leur polit ion l’effence ne peut jamais pé 
nĂ©trer affez profondĂ©ment. Il eft d’ailÂŹ 
leurs incertain de pouvoir les guérir par 



De VArt du Dentifle. Ăź 2.*J 
la fmpĂźe application du remede, parÂŹ 
ce que le nerf eft quelquefois retiré 
vers le fond du canal, & qu’on ne peut 
gueres compter fur F efficacité des effen* 
ces, mĂȘme aux Dents de la mĂąchoire 
inférieure, quoique leur pente naturelle 
favorife l’aĂ©lion des liqueurs. En effet, 
on voit affez fouvent qu’aprùs avoir fait 
ufĂ ge de ces effences pendant fix.mois 
& mĂȘme des annĂ©es entiĂšres, il en faut 
venir Ă  J^extraĂ©Ăœon des Dents. CepenÂŹ 
dant, lbrfqu’on peut gagner un tems fi 
confidérable, on les conferve pour la 
plupart, & on parvient Ă  les plomber 
fans douleur, foit que les nerfs ayent 
Ă©tĂ© dĂ©truits-par l’effence ou par la forÂŹ 
ce du mal , & par les fluxions - quf 
furviennent pendant l’application des 
remedes & qui en gonflant le cordon le 
font affez fouvent pĂ©rir,foit que l’humeur 
acide qui produit les douleurs ait ceffé 
de fe porter aux parties nerveufes ou les 
. ait détruites. Enfin,aprÚs avoir bien fouf- 
fert &. avoir fupporté Je mal avec plus 
ou moins de patience, on fe trouve in- 
fenfiblement guéri ; mais il arrive quel 
quefois , par les difpofitions du fujet, ou 
par la grande aciditĂ© de l’humeur, qu’on. 



‱2 2% De VArt du Dentifte. 
Úft forcé par la violence du mal de 
crifier la Dent. Il faut cependant obfĂšr- 
ver que les eflfences & toutes les liÂŹ 
queurs fpiritueufes étant réfolutives,dans 
üe cas d’inflammation & d’engorgement 
du cordon , elles peuvent les réfoudre & 
les difĂźlper ; ce qui foulage le malade 
pour quelques momens. De plus, les ef- 
fences font un peu caufliques & deffi- 
catives> en forte que fi le nerf efl: déjà 
entamé Cnt-excorié, foit par la rugine, 
foit autrement, elles peuvent mordre 
davantage, 8c le détruire plus prompte 
ment.' Mais il faut que le malade foit 
patient, & puiffe fupporter les douleurs 
trĂšs-vives que fait quelquefois le nerf, 
avant que de périr & en périmant. 

Si les elTences par elles-mĂȘmes ne 
font pas fort efficaces pour la deflruc- 
tion des nerfs, il faut avouer auffi que 
l’opĂ©ration de la rugine & celle du 
cautere ne réuffiffent pas toujours. On 
fçait- que chaque racine a fon nerf, 8 c 
qu’ils viennent tous fe rĂ©unir par deflus 
la voûte de la Dent pour fÚ diftrßbuer 
dans fa fubflance, de façon qu’il peut 
affez fouvent ne s’en trouver qu’un à 
découvert. Or les inflrumens non plus 



De VÂrt du Beiitijle. 12p 
que les eflences ne pouvant agir que fur 
le plus apparent des nerfs & ne faifant 
qu’irriter les autres , la Dent refte long-* 
tems fenfibie, & devient enfin fi douloĂč- 
reufĂš que, pour ĂȘtre guĂ©ri radicalement, 
il faut quelquefois en venir Ă  l’extraĂ©lion. 
C’efl la mĂȘme chofe quand le nerf eft 
irritĂ©, foit par la carie , ou par l’huÂŹ 
meur qui corrode &mine la Dent, foit 
par le féjour de quelques alimens , par 
celui du limon ou de la falive qui s’y 
porte , ou par l’air qui frappe la partie 
dĂ©couverte , foit enfin par l’humeur 
acide qui pĂ©nĂ©tre jufqu’au cordon, & 
qui pique fĂšs parties nerveufĂšs. Toutes 
ces caufes qui produifent de vives douÂŹ 
leurs , rendent la deftruéiion des nerfs 
difficile & quelquefois impratiquable J 
ce qui oblige d’îter la Dent pour tran- 
quillifer le Malade. Cependant, fi cette 
Dent n’efl pas tout-Ă -fait gĂątĂ©e, & fi elle 
peut tenir le plomb, il faut la confĂšr- 
ver, tant pour la maflication qui efl 
une fonĂ©ĂŒon effentielle, que pour emÂŹ 
pĂȘcher les joues de creufer, & prĂ©venir 
la perte des Dents de devant. Car, lorf- 
qu’on eft privĂ© des Molaires, le choc 
des Dents de la mùchoire inférieure fur 



r l%0 De VArt du Dentijle. 
celles d’en-haut, fait qu’elles s’ébranÂŹ 
lent rĂ©ciproquement, & qu’elles s’u- 
fent les unes les autres. En général, on 
ne peut trop s’attacher à chercher tous 
les moyens pofĂźibles d’éviter l’extrac^ 
tion des Dents, quelles qu’elles foient , 
& en quelque Ă©tat qu’elles fe trouvent. 
Si la Dent gùtée eft une Dent de devant, : 
il faut toujours la conferver, en détrui- 
fant les parties nerveufes par tĂŽus les 
moyens dont on a parlé. 

Lorfqu’une ïncifüve ou une Canine eft 
tellement gĂątĂ©e qu’elle en eft noire & 
difforme ,fion eft forcĂ© de l’îter par la 
feule douleur qu’elle produit, fans au¬ 
cune autre maladie Ă  la gencive ou Ă  
l’alvĂ©ole, il faut au moins mĂ©nager lĂ  
racine pour y ajufler une Dent Ă  tenon. 
On doit faire la mĂȘme chofe, lorfqu’ïl ' 
relie une racine dont la Dent s J efl déta 
chĂ©e j foit par l’effet de la carie, foit par 
quelque chute ou autre accident. 

On voit affez fbuvent, comme je l’aü 
dit, qu’aprùs une fluxion violente & un 
dépÎt dans la gencive, produit par une 
Dent gùtée, aufli-tÎt que la matiÚre eft 
évacuée, la Dent ne fait plus aucun mal, 
mais devient de fois Ă  autre un peu mol- 



De VArt du VentifĂźe. 13 JH 
ĂŻe, un peu douloureufe, ce qui ne dure 
pas long-tems, & mĂȘme allez fouvent 
n’empĂȘche point de manger fur cette 
Dent ou fur fa racine. Dans ce cas , il 
faut retrancher avec fa rugine & avec la 
lime, la portion de la Dent ou de la raÂŹ 
cine qui efl affeélée, la féparer de la 
Dent voifine qu’elle gñteroit infaillible¬ 
ment , & la bien plomber. Bien des per- 
fonnes qui ont eu plufieurs Dents caf- 
fées, en ont confervé les racines qui 
leur rendent de bons fervices , & pref- 
que autant que les Dents. Il ne faudrcĂźt 
donc ĂŽter ces racines que quand elles 
font devenues trop douloureufĂšs. Or > 
en ce cas, quand une perfonne veut fe 
faire ĂŽter des Dents, ou feulement des 
racines, parce qu’elles ne font point 
dans fa bouche un effet allez agréable > 
ou dans la crainte qu’elles n’en gñtent 
d’autres, le Dentifte doit lui reprĂ©- 
fenter le tort qu’elle peut fe faire, at¬ 
tendu qu’il y a des moyens pour empĂȘÂŹ 
cher que les racines ou les Dents gùtées 
n’affecient leurs voifünes; outre qu’il y 
a certaines Dents gùtées & certaines ra- 
cines,dont cet effet n’efl point à craindre* 
Enfin , il faut qu’un bon Dentifte 



ĂŻ 32 De V ArfrĂ u DentifĂźe. 
Ăźi’îte les Dents que dans le cas oĂč leur-f 
extra&ion eft abfolument nécefßaire , Sc ' 
aprĂšs avoir mis en ufage tous les reme- 
des différens, toutes les opérations qui 
peuvent en procurer la confervation. 
Quand j’ai infiftĂ© fur l’importance quâ€™ĂŒ 
Ăż a de conferver les Molaires, on doit, 
Ă  plus forte raifon, fentir combien il efl 
utile de conferver les Dents de devant.' 
Ainfi je puis me- diipenfer de m’arrĂȘter 
Ă  celles-ci. 

C’efi ici l’endroit de placer le dĂ©tail 
de l’opĂ©ration que j’ai trouvĂ© la plus sû 
re , la plus facile & la ' plus prompte y 
pour détruire les nerfs des Dents. Je pu 
bliai il y a quelques années, dans une 
lettre, un Précis de cette méthode , que 
je me réfervois de développer dans un 
Ouvrage plus étendu. Je vais remplir 
mon engagement, & décrire mon pro-*- 
cédé, de maniéré que tout Dentifte fera 
en Ă©tat de l’exĂ©cuter avec autant de 
fuccĂšs que je le pratique moi-mĂȘme. 



De VArt du DentijĂźe. . 1 5 J 



§. IV. 

Rupture des parties herveufespar la luxaÂŹ 
tion de la Dent . 


Tl YAplufieurschofes Ă  obferverpour 
JL réuffir dans la rupture des parties ner- 
veufes. 

Il faut reconnoütre d’abord, fi les dou¬ 
leurs que la Dent caufe au malade proÂŹ 
viennent des nerfs qui occupent les caÂŹ 
naux dentaires, comme quand ces nerfs 
fe trouvent Ă  dĂ©couvert par l’effet de la 
carie , ou par quelque éclat confidéra- 
ble de la Dent, ou lorfqu’ils font irritĂ©s 
par le frottement de la Dent oppofée 
. qui aura détruit une partie du corps de 
la Dent malade ou fi , fans que cette 
Dent foit gùtée, ufee, ni relùchée, le 
mal ne vient pas de l’engorgement ou 
de l’irritation qui fe fait quelquefois dans 
le cordon. Car fi la douleur n’eft pro¬ 
duite que par le période, comme il ar 
rive afiez fouvent, l’opĂ©ration que je 
propofe, au lieu de fbulager le malade , 
pourrait augmenter le mal. Pour ne 



ri 34 DĂŠ l'^rt du Dentijlk 
point tomber dans aucune méprife, voi 
ci les lignes difFérens qui feront diftin- 
guer les cas oĂč l’opĂ©ration eft prati- 
quable. 

i°. Lorfqu’une Dent gĂątĂ©e fait du 
mal, li l’imprefiion du froid & du chaud 
la rend plus fenlible, li l’air qui s’y in¬ 
troduit ou la fonde portée dans le canal 
augmente la douleur, il n’y a point alors 
Ă  douter que quelque cordon de nerfs 
qui entre dans la Dent ne 'foit à décou 
vert ; & dans ce cas, l’opĂ©ration ne peut 
manquer de réuflir. 2 °. Lorfque le nerf 
étant découvert & douloureux, la Dent 
fe trouve en mĂȘme-tems relĂąchĂ©e, & 
efl: fort fenlible en la touchant , ou 
dans la rencontre des Dents de la 
mĂąchoire oppofĂ©e, c’elf que le nerf a 
communiqué là fenllbilité au période ex 
terne qui revĂȘt la racine, 8c que l’un & 
l’autre (le pĂ©riode 8c le nerf) font gonÂŹ 
flĂ©s , enflammĂ©s, & quelquefois mĂȘme 
prĂȘts Ă  fuppurĂ©r. L’opĂ©ration alors doit 
le diffĂ©rer jufqu’à ce que cet accident 
foit palfé, 8c que la Dent foit devenue 
folide. On employé pour cet effet la fai- 
gnée, 8c les autres remedes qui nous 
Ibnt connus. Si, aprÚs la faignée 8c les 



De VArt du Deiitifle. i% f 

autres moyens, le malade continuant Ă  
fouffrir ne vouloitpas en attendre l’ef¬ 
fet , ou fi le Dentifte expérimenté pré 
voit que la douleur fe terminera par 
quelque dépÎt confidérable, il faut, pré 
férablement à notre opération, Îter la 
Dent fans différer. On doit aufßi fe bien 
garder de faire cette opération quand 
le Malade a une fluxion confidérable » 
dont il ne veut paslaifler pafferle cours : 
le plus prompt remede en ce cas eft d’î- 
ter la Dent. Au relie,tout ceci n’arrive- 
roit point, fi l’opĂ©ration avoit Ă©tĂ© faite 
à tems, c’eft-à-dire , avant que le nerf 
eût tranfmis le mal aux parties de la 
Dent les plus éloignées. Je crois avoir 
dit qu’il y a des fluxions qui dĂ©truifent 
le cordon nerveux; e’efi encore un cas 
oĂč l’on efi difpenfĂ© de l’opĂ©ration. 

3°. Si une Dent gùtée, mais infÚnfß- 
ble au froid & au chaud, & mĂȘme Ă  
l’imprefüion de la fonde, devient dou- 
loureufe, ( ce qui arrive parce qu’elle efi 
plus ou moins relùchée, ou molle, & 
fenfible dans la rencontre de la Dent 
cppofee ), l’opĂ©ration ne doit point ĂȘtre 
mifù en ufage. C’efi ici quelquefois le 
cas d’une Dent fort gĂątĂ©e, ou de csr- 



De VArt du Dmtijle. 
taines racines qui ne peuvent tenir lé 
plomb. Comme ordinairement le corÂŹ 
don nerveux s’y trouve dĂ©truit, lesdou< 
leurs ne font produites alors que par le 
gonflement du pĂ©riofte,-ou par l’huÂŹ 
meur acide qui fĂš portoit au cordon, & 
qui maintenant fe porte en cet endroit. 
Ainfi la luxation de cette Dent feroit 
non-feulement inutile, mais mĂȘme nuir 
lible. 

4 °. Dans le cas oĂč l’opĂ©ration peut 
avoir lieu, fi la Dent eft tellement minÂŹ 
ce & rongée par la carie, que le plomb 
ne puilfe ,pas tenir, il vaut beaucoup 
mieux l’oter tout d’un coup , parce que^ 
les Dents qui ont été trop maltraitées de 
Ăźa carie, & qui ne peuvent garderie 
plomb, fe minent toujours de plus en 
plus , enforte qu’on ne tarde pas a les 
perdre. La feule raifon qu’on pourroit 
avoir pour conferver une Dent en cet 
Ă©tat, ie'roit d’en mĂ©nager la racine pour 
fervir de bafe Ă  une Dent poftiche. 

y 0 . Il faut, avant que d’opĂ©rer, confi- 
’dĂ©rer encore ^fi la Dent eft allez folide, 
& fi les parties qui la foutiennent ne font 
point trop appauvries. Si cette Dent fe 
prouve gùtée dans une de fes parties la 
térales § 



Ue VArt du Dentifle. Y37 
ĂŻĂ©faĂźes, il faut, fuivant l’exigence du cas, 
la féparer par les moyens convenables.Si- 
la Denpn’eft point ou n’efl que trùs-peu 
fenfible Ă  la fonde, ce qui arrive quand 
les nerfs font retirés dans le canal vers 
l’extrĂ©mitĂ© de la racine, il vaut mieux la 
plomber avant qu’àprĂ«s l’opĂ©ration. 

S’il s’agit de luxer une groife Molai¬ 
re de la mùchoire fupérieure, & que le 
nerf d’une de fĂ©s racines du cĂŽtĂ© de la- 
joue foit Ă  dĂ©couvert, ce qu’on peutre- 
connoßtre aifément tant par le progrÚs- 
de la carie, que par l’indication de la 
fonde, qui, engagée dans le canal dont: 
on fçait à peu prÚs ßa route , ne manque 
ra pas de piquer ce nerf, s’il n’y eft pas: 
trop enfoncé, il faut faire pour ce nerf,, 
ainfi dirige, la lĂŒxation plus confĂźdĂ©ra— 
file qu’on ne la feroit pour celui qu? 
occupe le canal de la racine vers le pa-r 
lĂ isi 

Les petites Molaires ont quelquefois' 
deux racines, l’une vers le palais , l’au¬ 
tre vers la jouĂ©.'C’ëft pourquoi on doit*: 
faire la luxation plus forte , fi l’on re— 
connoüt qu’il y ait deux canaux, & que 1 
le nerf foit à découvert à la racine du; 
cÎté de la joue. On fera trÚs-rarement; 
Taras, I,. JVL 



138 De VArt du Dentijle. 

obligé de faire cette opération fur les 
Canines fupĂ©rieures, fi l’on fe fert des 
moyens que fai propofés pour détruire 
le nerf, tant à ces Dents qu’aux Incifi- 
ves, avec la rugine ou le cautĂšre. Mais 
Il l’on veut opĂ©rer fur ces Dents, comÂŹ 
me elles n’ont qu’une racine, la luxation, 
fera moins conlßdérable. 

Quant aux groffes Molaires de la mù 
choire inférieure, comme elles ont deux 
racines applaties, & ( comme je l’ai fait 
obferver ) difpofées de maniéré que 
chaque racine, fur-tout la racine anté 
rieure , donne quelquefois paflfage Ă  deux 
nerfs, dont l’un y entre Ă  fon extrĂ©mitĂ© 
vers la joue, & l’autre du cĂŽtĂ© oppofĂ© , 
il faut re'connoĂźtre la place du nerf, & 
déplacer fuffifamment la Dent pour le 
rompre. Les petites Molaires de la mĂȘÂŹ 
me mñchoire, n’ont qu’une racine fort 
arrondie & pointue, ce qui les rend fort 
faciles à Îter ou à déplacer. Or, quand 
Il s’agit de les luxer, il ne faut pas un 
grand effort pour en rompre le nerf. PaÂŹ 
reillement , quand il eft queftion de les 
ĂŽter pour les remettre, l’opĂ©ration orÂŹ 
dinairement eft trĂšs-facile ĂŽc peu douf 
loureufe. 



De VArt du Dentifte .. 139 

Les Canines inférieures qui fe gùtent 
affez rarement, mais plus fouvent que 
lesIncilives, demandent dans cette opé 
ration un déplacement un peu plus con- 
fidĂ©rable qu’on n’en fait pour les petites 
Molaires, vu la forme de leur racine qui 
fe trouve mĂȘme quelquefois Ă  Ion extré 
mité partagée en deux.Enfin,ßi faut luxer 
la Dent plus ou moins, fuivant fa nature 
& la difpofition des parties nerveufes 
qui produifent le mal , pour en opérer la 
rupture Ă  l’extrĂ©mitĂ© des racines, qu’on 
oblige ainli de changer de place, ou de 
s’éloigner plus ou moins au fond de l’alÂŹ 
vĂ©ole. Et pour s’alfurer de la rupture dit 
nerf, il vaut mieux faire 1a. luxation in- 
complette plus forte, que de la faire 
trop foible. 

L’opĂ©ration queje propofe fe fait parle 
moyen du pĂ©lican, comme s’il s’agiffoit 
d’îter la Dent malade, Ă» ce n’eft que 
cette Dent ne doit ĂȘtre renverfĂ©e qu’en 
partie, & par conféquent à demi-tirée de 
l’alvĂ©ole, ce qui forme unĂ© luxation in- 
complette. AuffĂź-tĂŽt qu’on a dĂ©placĂ© la 
Dent, on la ramene dans fa lituation naÂŹ 
turelle , avec l’index de la main oppo- 
fĂ©e Ă  celle qui tient l’inftrument : l’opĂ©- 

M 



's 40 De l’Art du DentiJIe: 
ration efl faite en deux fécondés, & pï us 
promptement que l’extraĂ©tion meme d’uÂŹ 
ne Dent. Il faut alors examiner,fi la Dent 
remife Ă  fa place conferve quelque tenÂŹ 
dance vers l’endroit oĂč elle vient d’ĂȘtre 
luxée, comme il arrive quelquefois, par 
ce que l’alvĂ©ole qui a fouffert un Ă©carteÂŹ 
ment de ce cÎté-là a perdu pour le mo 
ment fon r effort r ce qui fait que dans lĂ  
rencontre de la Dent oppofee Ă  celle- 
ci , les éminences & les cavités des deux; 
Dents ne s’enclavent plus comme aupa¬ 
ravant les unes dans les autres ; d’oĂč il 
s’enfuit que la Dent luxĂ©e gĂȘne dans lĂ  
maftication, &peut caufer quelque douÂŹ 
leur. Il y a plus,pour peu que. cette 
Dent conferve- de pente a fe porter dĂŒ 
cĂŽtĂ© de la joue oĂč la luxation s’eft faite ,’, 
elle laide de l’autre cĂŽtĂ©, entre fa raciÂŹ 
ne & l’alvĂ©ole, un vufde qui l’empĂȘche 
de s’affermir parfaitement. Car le pé 
riode & les vaßïfeaux du collet étant 
de ce..cÎté-là défunis de la racine, fila 
Dent fÚ trouve alors éloignée tant de 
l’alvĂ©ole que de la gencive, les vaif- 
feaux de celle-ci ne s’attacheront point 
ou ne fĂš rĂ©uniront qu’imparfaitementau 
ooljet., parce qu’ils n’en font pas afües. 



De FJ'rt du Denttjte. t^T 
prĂšs pour s’y attacher. Il en efi de mĂȘÂŹ 
me du pĂ©riode, quand la racine n’effc 
pas exactement adhĂ©rente Ă . l’aivĂ©olĂȘ. 
Tous ces petits inconvéniens font iné 
vitables dans l’opĂ©ration, mais on y reÂŹ 
mĂ©die aifĂ©ment. II. ne faut qu’avoir l’atÂŹ 
tention de pouffer pendant le jour avec 
le doigt j d’inflant en inffant, la Dentr 
luxée du fens contraire à fà pente, & de: 
Py maintenir quelque tems^pendant que 
P on fait mordre au fujet un mĂŽrceau de 
liĂšge : on lui fait perdre par ce moyen : 
cette penteincommode.Quand lesĂŒents: 
voĂŻfĂźnes fubfifĂźent, pour empĂȘcher cetÂŹ 
te tendance , il vaut encore mieux fefer- 
vir d’un fil. C’eft-là le cas. de l’employer , 
non aux Dents totalement Îtées &re- 
mĂŻfes j- comme l’a fauffement prĂ©tendu 
le mauvais Critique de ma. Lettre. On 
prend pour cet effet un fil affez fin ; on 
enpaffeun boutd’un cĂŽtĂ© entre les deux 
Dents les plus voifines ; l’autre bout, oui 
celui qui fÚ trouve du cÎté de la joue 5 
fe paffe auffi tout de fuite du cÎté op- 
pofé entre les Dents l'es plus proches de 
la Dent malade, & les deux bouts qur 
font alors en-dedans de la bouche , on 
Ăźes. fait repaffer & fortir en-dehors- dĂ» 



ĂŻ4 2 De Pdrt du DentlfĂźe. 
cÎté de la joue. Chaque bout de fil en- 
toure de chaque cÎté la Dent voifine j 
enfuite on réunit & on noue les deux 
bouts du fil fur la Dent malade, Ă  la face 
externe vers la joue, oĂč la Dent fetrouÂŹ 
ve un peu inclinée, & la face oppofée 
fe trouve en liberté. Le fil appliqué de 
cette façon la retient dans fa direéfion. 
naturelle, & facilite la réunion, tant de 
la gencive au collet de la Dent, que 
du pĂ©riode Ă  l’alvĂ©ole & Ă  la racine. St 
la Dent qu’on a luxĂ©e n’a pu ĂȘtre plomÂŹ 
bĂ©e avant l’opĂ©ration, elle peut l’ĂȘtre 
aprùs, & avec d’autant plus de facili¬ 
tĂ© qu’elle efl maintenant infenfible. Le 
mieux cependant efl: d’attendre qu’elle 
foitbien confolidée. Mais il faut tou 
jours, aprĂšs l’opĂ©ration, faire mordre* 
comme j’ai dit, un morceau de liùge y 
qu’on met de tems en tems pendant 24 
heures fous la Dent luxĂ©e, & qu’on ferÂŹ 
re peu chaque fois, mais de plus en plus 
fucceffivement. En mĂȘme-tems qu’on 
mord le liĂšge, il efl: bon aufli de tenir 
dans fa bouche, du cÎté malade, quel 
que eau aftringente, ou, à Ton défaut, 
de bonne eau-de-vie. Si ces eaux emÂŹ 
ployĂ©es pures, parce qu’elles- font alors 



De VArt du DentifĂŻe. 'iqf 
plus d’effet, paroiffent trop fortes, on 
pourra les corriger avec un peu d’eau; 
tiĂšde. Le lendemain de l’opĂ©ration, il 
faut dter le fil, & ne plus mordre de liڏ 
ge , mais continuer feulement d’ufer 
trois ou quatre fois le jour de quelÂŹ 
qu’une des eaux que j’indique, jufqu’à 
ce que la Dent foit folide. Alors il fuf~ 
fĂŻra d’en employer un peu les matins » 
avant que de fe nettoyer la bouche. En 
ceffant l’ufage du morceau de liùge, il 
faut à chaque repas, aprÚs avoir broyé 
les alimens du cÎté fain, les promener» 
& en achever la trituration du cÎté ma 
lade. Il n’y aura que le premier moment 
qui foit douloureux ; car à mefure qu’on 
mangera, la Dent fe trouvera beaucoup; 
moins fenfible. Cette derniere attention 
eft trÚs-néceffaire, parce que la préfen-, 
ce des alimens fait une légÚre compref- 
lĂźon, tant aux gencives qu’au pĂ©riode 
& Ă  l’alvĂ©ole, & que cette comprefĂźion 
chafle le fluide qui peut s’y trouver ar¬ 
rĂȘtĂ©; la Dent devient ainfĂź plutĂŽt in- 
fenfible, &plus promptement raffermie » 
ce qui la met en peu de jours en état 
de bien brifer & de bien moudre les 
alimens folides. 




14 4 DeVdrt du Dentijfe: 

Avant que d’établir ici les avantage! 
de la luxation , voyons fi elle a quelques 
ßnconvéniensy & commençons -par éx- 
pofer de bonne foi ce qu’une pratique 
de plufieurs annĂ©es-m’a mis-' Ă  portĂ©e de 
connoxtre. 

Je n’ai vu qu’un feuf accident fur- 
venir aprÚs cette opération à certaines 
perfonnes , & if n’eft prefque jamais 
confidĂ©rable. C’efi . une petite fluxion 
qu’on efĂźĂŒye quelquefois plus ou moins 
de tems , aprĂšs que la Dent eft rafler-- 
mie ; mais je puis affirmer que fur le 
nombre de plus de fix cens perfonnes Ă  
qui j’ai luxĂ© des Dents , il n’efi furvenu 
de fluxion un peu forte quelques mois 
aprùs qu’à deux perfonnes feulement ; 
que ces fluxions ont fini par un petit 
dĂ©pĂŽt qui s’efl: difĂźipĂ© aufli-tĂŽt que la 
matiĂšre a eu jour , 8 c que depuis ces 
deux perfonnes ont confervé leurs Dents 
faines, fans éprouver la moindre dou 
leur. Or on peut attribuer ces fluxions 
à la difpofitioh des fujets } c’eft-à-dire i 
à une trop grande pléthore , ou à quel 
que autre caufe purement interne. Ces 
petites fluxions ordinairement n’ihtĂ©- 
reffent que le période commun à la ra- 



Del 9 Art du DentĂźjĂźe. 145' 
clne de h: Dent 8 c Ă  l’alvĂ©ole,' ce qui 
rend, pendant deux ou trois jours la 
Dent molle 8 c douloureufe au toucher, 
tellement qu’on ne peut manger delfus. 
On fait promptement pafler ces forÂŹ 
tes de fluxions à force d’eau ou de lait 
tiede ; & fi par hazard elles devenoient 
opiniùtres, comme il efi arrivé à mes 
deux malades, il faudroĂźt en arrĂȘter le 
-cours tant par la faignée & les lave- 
mens , que par les cataplafinĂȘs conÂŹ 
venables. 

Mais pour un petit nombre de per- 
fonnes dont les Dents aprĂšs la luxation 
font devenues molles 8 c douloureufes 
“pendant quelques jours , combien en 
eft-il qui n’y ont p'as reifenti la, plus 
légÚre altération ? Toutes les personnes 
qui obferveront de manger habituelleÂŹ 
ment fur une Dent luxée, quand elle 
fera devenue capable de les fonélions 
ordinaires, ( ce qui ne manque point 
d’arriver au bout de quelques jours ) & 
qui avec cela auront foin de fe laver le 
matin la bouche avec quelque eau afi* 
tringente ou de l’eau de vie, Ă©viteront 
prefque toujours ces petits accidens pafi 
légers. Il ne faut point fe figurer que ce 

l 'oms h E " - ' 



r t4f& De V Art du DentijĂŻe ; 
foit le nerf, qui, en reprenant, les proi 
duit. Ils proviennent du période , foit 
qu’il fe trouve irritĂ© par l’humeur acide 
qui auparavant fe portoit au cordon 
rompu, foit qu’il y ait un engorgement 
caufépar la trop grande pléthore. Quoi 
qu’il en foit, il efl certain que, quand ces 
petits accidens font celfĂ©s, on n’en doit 
plus craindre le retour, parce qu’il fe 
forme Ă  la gencive, une elpĂšce de bulÂŹ 
be ou de petit bouton qui paroĂźt & dit- 
paroĂźt de tems entems, aprĂšs avoir laiÂŁ 
fé échapper un fluide plus ou moins fé- 
reux, & qu’on peut ici regarder com¬ 
me un cautĂšre naturel. Comme ce bouÂŹ 
ton n’a rien de dangereux, qu’il n’attire 
aucune incommoditĂ©, & qu’il n’efl mĂȘÂŹ 
me un peu douloureux que quand il eft 
rempli du fluide, ne feroit-ce point le 
-fuperfĂŻu du fuc nourricier de la Dent 
qui fe fait jour par-lĂ  ? Ce fuc, avant la 
deflruélion du cordon nerveux, fÚ p or- 
toit dans le corps de la Dent, mais mainÂŹ 
tenant elle n’efl plus nourrie que par le 
périofle du cÎté des racines; il faut donc 
qu’il reflue quelque part. Aprùs tout,' 
les mĂȘmes mconvĂ©nĂźens quifuivent quelÂŹ 
quefois nÎtre opération, font prefque in- 



De T Art du DentĂŻjle. 
feparables de celles qu’on fait pour dé 
truire les nerfs, foit par les elfences, foit 
par le cautĂšre 3 foit par la rugine. Il arÂŹ 
rive aflfezfouvent, qu’aprĂšs ces diffĂ©renÂŹ 
tes opérations, on effuye une fluxion 
que la difpofition du mjet rend plus 
ou moins confldérable 3 8 c qui, comme 
je l’ai fait voir 3 fe termine par un pa¬ 
reil bouton aux gencives. Quant Ă  l’idĂ©e 
qu’on pourroit avoir que la luxation eft: 
capable de fuites encore plus fĂącheufes 3 
comme dépÎt 3 finus fiftuleux & autres 
inconvéniens de ce genre 3 rien de tout 
cela n’eft abfolument Ă  craindre 3 8 c lĂ© 
grand nombre d’expĂ©riences que j’ai faiÂŹ 
tes avec fuccùs 3 juftifie l’innocence de 
l’opĂ©ration. Paffons maintenant Ă  fes. 
avantages. 

L’opĂ©ration du dĂ©placement 3 8 c du 
replacement d’une Dent, ne dure 3 com¬ 
me j’aidĂ©ja dit 3 que deux fĂ©condĂ©s. L’exÂŹ 
traction eft Ă  peu prĂšs aufli prompte 3 mais 
elle eft certainement bien plus doulou- 
reufe 3 fur-tout quand l’alvĂ©ole fe trouÂŹ 
ve enchylofĂ© avec la racine 3 par l’ofli- 
fication du périofte qui leur eft com 
mun 3 ou lorfque çet alvéole fe fraélure 
par l’écartement qu’il eft forcĂ© de fouf- 



&j$ De VÀrt du 'Üentifüe. 
frir pour donner paffage aux racines , cĂš 
qui fait qu’on emporte affez fouvent une 
portion de l’aiviole attachĂ©e Ă  la racine 
de la Dent. Mais quand l’extraction d’u¬ 
ne Dent n’auroit jamais de fñcheufes fui¬ 
tes , & que tout fe borneroit au mal acÂŹ 
tuel qui n’ed que trop vif 5 les Dents 
voilines s’en reflentent toujours un peu. 
Quelquefois mĂȘme la gencive ed dĂ©chiÂŹ 
rée par quelque mouvement dont le 
iujet n’ed pas maütre, & que la douleur 
lui fait faire au milieu de l’opĂ©ration. 
D’ailleurs, l’abfençe. de cette Dent.af- 
foiblit-nĂ©ceirairement les. voilines qu’elle 
foutenoity ainfi : qu’elle en Ă©toit foĂŒte- 
nue. Si dans le déplacement. de la Dent 
l’alveole fe trouve endhyloleyoufeifac? 
lure, comme cela peut arrivery quand 
il oftre trop de rĂ©ddence:*. 6c qu’il faut 
employer ' beaucoup de force pour en 
faire la luxation ? alors la portion fraélu- 
rĂ©e n’eft pas du moins. totalement. fĂ©pa- 
née; du corps de. f alvéole o.u du fmojhS 
elle re.de attachée à ht genciy.Ú par le 
pĂ©riode extĂ©rieur. AinjĂź j iorfqu’elle ed 
rapprochée de la malfe 3 dont elle fait 




De l'Art du Dentijie. 
fiion s’en fera promptement par le 
moyen du cal, comme fe fait celle de 
tous les os; ce qui rendra mĂȘme la Dent 
encore plus folide qu’elle n’étoit avant 
l’opĂ©ration, comme .je Fai remarquĂ© 
-plusieurs fois. 

Il eft facile de comprendre que la lu* 
xation d’une Dent eft moins doalou* 
reufeque fon extraction. Car, pour oter 
une Dent, il ne iuffit pas fort fouvent 
d’un faul outil , ce qui multiplie le tra¬ 
vail : on achevé ordinairement de la dé 
tacher avec le davier, ou avec la pince 
droite, pour éviter un plus grand dé 
labrement , tel qu’il en peut arriver 
.quand toute l’opĂ©ration le fait avec le 
feul pĂ©lican& qu’avec les doigts on 
finit de détacher la Dent de la gencive* 
-Il eft vrai que l’opĂ©ration eft plus courÂŹ 
te de cette maniĂ©rĂ©, qu’en y joignant 
le davier; mais lorfqu’une Dent eftcaf- 
fante ou trop tenace, on rifque avec le 
davier de n’en emporter que le corps, 
en y laiftant les racines. 

Dans la luxation des Dents, on n’a 
point d’hĂ©morragie Ă  craindre ( comme 
Il en furvient quelquefois aprùs qu’une 
N iij 



! yo De l’Art du Dentijüe. 

Dent eft ĂŽtĂ©e *), parce que l’ouverture 
de l’artĂšre eft bouchĂ©e par la prĂ©fence 
de la Dent. La gencive refte suffi bien 
entiÚre fans le moindre délabrement. 
De plus, la prompte réunion des parties 
offeufes, fait que les Dents voifines, au- 
lieu d’en fouffrir, en acquiĂ©rent plus de 
foliditĂ©. Enfin, dans l’extirpation d’une 
Dent, fuppofĂ© qu’elle nefoit pas adhé 
rente , & qu’elle fe dĂ©tache fans peine 
2 e la gencive avec le doigt , comme en 
efïÚt le cas eft fort ordinaire, notre opé-' 
ration eft encore plus fimple, &par con- 
féquent fait moins de mal. Et compte-. 
.t-on pour rien la perte d’une Dent, cette 
perte irréparable à plufieurs égards, Sc 
cjui intéreffe toujours plus ou moins la 
conftitution? On fe retranchera peut- 
ĂȘtre fur l’incommoditĂ© qu’on fe reprĂ©- 
fente, Ă  garder pendant quelques jours 
une Dent foible & douloureufĂš , que la 
rencontre de la mùchoire oppofée & la 

*Nota. Une hĂ©morragie fiirvenue dansl’ex- 
iraĂ©tion d’une Dent, n’embarrafTe point un 
Dentifle : il y remédie facilement. Je place 
rai ailleurs quelques ObfĂšrvations afTez ÂŁs- 
guliéres fur cet accident. 



De tArt du Denti/ie* Ăźf f 

lléceffité de manger deffus, rendront en 
core plus fenfible. Mais j’ai indiquĂ© les 
moyens de diminuer & d’abrĂ©ger les 
douleurs. Elles font d’ailleurs fort peu 
de choie, en comparaifon de celles 
qu’entraĂźne quelquefois l’extraĂ©tion d’uÂŹ 
ne Dent, comme ces fluxions qui proÂŹ 
viennent du délabrement des gencives » 
inévitable à certaines Dents par les rai- 
fons que j’ai marquĂ©es. 

A l’égard de la petite gĂȘne que fait- 
fubir une Dent luxée, eft-elle compara 
ble à celle que caufe une Dent arrachée ? 
On fçait que pendant plus de ï y jours ÿ 
il n’eft guùre poffible de manger, fans 
quelque douleur, du cÎté de la Dent 
qu’ on a per due ; qu’affez louvent la gen¬ 
cive relie aulfi quelque tems douloureu- 
fe ; que la langue fe trouve gĂȘnĂ©e &n’o- 
fe prefque approcher du trou de la Dent ; 
enfin que le fuintement ou la fuppura- 
tion qui fe fait jufqu’à ce que la gencive^ 
fbit cicatrifée, laiflÚ dans la bouche un 
goût délàgréable. Voilà des incommo 
dités dont la luxation eft exempte, 6 c 
elle a encore d’autres avantages. 

Cette opĂ©ration peut-ĂȘtre pratiquĂ©e 
dans tous les cas oĂč il elt polfible d’îten' 
Niv 



I y2 De V Art du DentijĂźe. 

une Dent, & avec les précautions que 
j’ai recommandĂ©es , le fuccĂšs en efl: inÂŹ 
faillible. Il n’en efl; pas de mĂȘme des 
eflences & des. autres palliatifs. AprĂšs 
en avoir fait un long ufage, on efl quelÂŹ 
quefois obligé de finir par- facrifier la 
Dent. Tous ceux Ă  qui j’ai luxĂ© des 
Dents , en ont au contraire éprouvé de 
trĂšs-prompts effets, & ont obtenu une 
parfaite guĂ©rifon. On s’apperçoit fenfi- 
blement du fuccĂšs de l’opĂ©ration : plus 
on foufffe avant que de s’y rĂ©foudre, 
plus on le trouve calme aprùs qu’elle efl: 
faite , & aucune des caufes internes ou 
externes qui pouvoient y produire haÂŹ 
bituellement les douleurs que reffentoit 
le Malade, n’y font plus la moindre fĂ©n- 
fation. A toutes ces confidér'ations qui 
doivent faire, à ce qu’il me femble, 
quelque impreflĂźon fur les perfonnesqui 
connoilfent le prix des Dents, & de 
quelle importance leur confervation efl: 
pour la lĂ ntĂ©, ajoutons l’argument vulÂŹ 
gaire, qui détermine ordinairement ceux 
qui font foiblement touchés des autres. 

Lorfque tous les autres remedes ont 
Ă©tĂ© tentĂ©s lans fiiccĂšs, & qu’ennn la douÂŹ 
leur rĂ©duit le Malade Ă  confentir Ă  l’ex-r 



BzV ArtĂ u DentĂŻjle. iff 

tirpation de fa Dent, que rifque-t-on 
d’en venir à la luxation ? puifque cette 
opération efl du moins auffi prompte 8c 
certainement bien moins douloureufe. 
Il y a cent contre un à parier, qu’on fe¬ 
ra guĂ©ri radicalement, & j’ofe affurer 
que ni le Mercure ni le Quinquina , ne 
font pas à beaucoup prÚs fi sûrs pour la 
guérifon des maladies dans lesquelles 
on les employé.: 

Il y a plus : fiippofons que par un 
cas extraordinaire l’opĂ©ration vienne Ă  
manquer fon effet, & que, pour guérir 
le Malade, on foit obligé peu de jours 
aprĂšs de le priver de fa Dent^ il auÂŹ 
ra toujours l’avantage de foufïrir infi¬ 
niment moins qu’ri n’auroit foufferty 
fi la premiĂšre opĂ©ration n’eĂ»t point Ă©tĂ© 
faite.. 

Je crois pouvoir me difpenfer de rapÂŹ 
porter beaucoup d’exemples, pour con¬ 
firmer les avantages & l’efficacitĂ© de la 
luxation. Il fuffira d’obferver , comme 
je l’ai dĂ©jĂ  dit, qu’il Ă©xifle actuellement 
Ă  Paris plus de 600 perfonnes, Ă  qui 
j’ai fait cette opĂ©ration avec tout le fĂčc- 
eÚs pofßible, & quife font trouvées par 
faitement guĂ©ries. Il n’y a point ici 



15*4 De T Art du Dentijlc. 

d’exagĂ©ration: je refie plutĂŽt en-deçà 
de la vĂ©ritĂ© que je ne l’exeĂ©de ; il efl aifĂ© 
de le vérifier, aßnfi que les faits conte 
nus dans les deux petites Lettres que j’ai 
publiées, & je fuis en état de convain 
cre fur ce point les plus incrédules. Je 
m’en tiendrai donc à joindre ici deux 
Obfervations remarquables par leurs 
efpĂšces. 

Observation I. 

Feu M. ****. Intendant de S, 
r A. S. Monfeigneur le Duc d’OrlĂ©ans, 
rencontra, en mangeant, un petit os fort 
dur qui fit éclater & partir une des 
pointes moufles d’une groffie Molaire 
infĂ©rieure. On feaĂźt que ces fortes d’é 
minences répondent au canal qui efl 
dans l’intĂ©rieur de la Dent ; aĂźnfi par 
l’éclat de celle-ci le canal de la Molaire 
en queflion fut à découvert. Le malade 
fouffrit pendant plufieurs jours des douÂŹ 
leurs trĂšs-vives , ĂŽc fĂźt fans fuccĂšs diffe- 
.rens remedes. AprÚs avoir examiné la 
Dent, je voulus porter la pointe de la 
fonde dans le petit trou qu’on apper- 
cevoit à peine | mais la douleur qu’il e@, 



De l'Art du Dentifle. 'Ăźyjft 
fefientit m’obligea de ceffer. Je luxai & 
Dent tout de. fuite > & Ă  Finftant il fut 
guéri. Il mangea dÚlfus peu de jours 
aprÚs » & dans Fefpace de deux ans 
qu’il a vĂ©cu depuis cette opĂ©ration 3 ellf 
fie lui a jamais fait aucun mal. 

Observation IL 

M. F Abbé de***, demeurant ruë 
des Petits-Champs , avoit une Dent 
Canine ufée par les Dents de la mùchoi 
re inférieure qui y répondoient. Il four- 
froit d’abord en mangeant & feulement 
par intervalles des douleurs lourdes qui 
n’étoient qu’une efpece d’agacement 
mais cette Dent devint fi fenfüble qu’il 
ne p ou voit plus en approcher les Dents 
infĂ©rieures , ce quiFempĂȘchoit dĂ©manÂŹ 
ger. Il vint en cet état me "trouver > 6 c 
me fit le dĂ©tail de fa maladie. J’examinai 
fa Dent, & lui ayant dit qu’on pour- 
roit la lui confĂšrver, il confentit Ă  me 
ßaiffer faire. Je commençai parracourcir 
la Dent de la mùchoire inférieure , au 
point qu’elle ne touchok plus la Canine 
dans la rencontre des autres Dents. En- 
fuite je trépanai cette Canine y 6c fin 3 



r Ăź$6 BeVArt Ă uDentifĂźel 
troduifis dans le canal Ă  la profondeur 
d’environ une ligne une pointe lùche 
d’acier ajuftĂ©e en Ă©quarrilfoir. Les douÂŹ 
leurs que reffentoit le malade ne me 
permirent pas d’aller plus avant ; c’eft- 
pourquoi je me contentai de faire en-, 
trer dans le canal, le plus avant qu’il me 
fut poffible 5 un peu de coton imbibĂ© d’efi 
fence , & le malade s’en retourna. Ce¬ 
pendant les douleurs devinrent plus viÂŹ 
ves , & il pana une nuit trĂšs-cruelle ; ce 
qui l’obligea dĂ© m’envoyer chercher dĂšs 
le lendemain de grand matin. M’étant 
tranfportĂ© chez lui, il me dit qu’il Ă©toit 
las defoufünr, & qu’il falloit lui îter fa 
Dent J’examinai de nouveau cette Dent, 
8 c la voyant trÚs-peu relùchée.je fus 
d’avis de la luxer , au lieu de F îter, 8 c, 
je l’affuraĂź qu’il feroĂźt auffi bien guĂ©ri , 
8 c qu’il auroit de plus la fatisfaĂ©Hon de 
cbnferver fa Dent. Il me fĂźt pĂźufieurs 
objections auxquelles je n’eus pas de 
peine à répondre; enfin je lui fis fentir 
que par mon opération il ne cour oit 
d’autre rifque que de fauver la Dent 
dont il vouloir fe priver, 8 c que fi par 
hazard il ne fÚ trouvoit point foulagé en 
jrùs-peu de terris, il ne s’agirait glus; 



De VArt du Dentijiei '*$ 7 . 
ffiors que de finir, en l’îtant, une opĂ©raÂŹ 
tion à moitié faite. Il fe rendit à mes 
raifbns, & je luxai fa Dent : fiir le champ 
il fe trouva foulage, & une heure aprĂšs 
la douleur étoit entiÚrement celfée. Je 
bouchai enfuite avec une feuille d’or 
l’ouverture que j’avois faite au. canal ; 
& depuis environ deux ans que j’ai 
fait cette opĂ©ration, M. l’AbbĂ© de ***. 

- s’a plus fenti fa Dent, 

Quand le plomb ne fçauroit tenir 
' dans une petite Molaire, aĂźnfi que dans 
les Dents de devant, parla difpofition 
de la partie cariée, & que la Dent eft 
fort douloureufe, fi cette Dent n’efl: 
pas gĂątĂ©e au point d’ĂȘtre difforme, au 
lieu, de la luxer , ou d’en dĂ©truire 1er 
ne.rf d’une'autre façon,il faut l’îter tout à 
fait avec les précautions convenables la 
. bien nettoyer des moindres portions de 
carie , en faifant avec la rugine quelÂŹ 
ques inégalités, dans le trou que cette ca 
rie y a fait, la bien plomber, en ob-. 
■ fùrvant de bien infinuer l’or dans le ca¬ 
nal & de boucher exactement le trou., 
ĂȘc enfuite la remettre Ă  fa place. Une 
Dent ainfi bien ajuftée ne fe déplora.- 



%_> § De VArt du Ventijße. 

foera jamais, 8c durera autant que Ig 

plus faine. 


§. v. 

jfißéthode pmr Îter les Dents cariées , & 
les remettre avec fuccĂšs, 

A v an t que d’îter une Dent cm 
riée,pour la replanter fur le champ, 
ĂŻl faut bien examiner fi cette Dent ne 
produit ou n’entretient pas quelque au-, 
tre maladie , comme depot, fiftule &c. 
fi les douleurs qu’elle fait fentir font 
produites par le cordon du nerf ; fi le 
Ăźujet n’a pas les gencives & les alvĂ©oles 
appauvris, & fi la Dent mĂ©rite d’ĂȘtre 
confervĂ©e, c’efl-Ă -dire , fi la carie ne 
l’a point trop minĂ©e ou rendu difforme. 
Toutes ces confĂźdĂ©rationsfaites 8c l’opé 
ration jugée convenable, on commence 
par forcer un peu la Dent malade avec 
le pélican, pour faire une légÚre dila 
tation Ă  l’alvĂ©ole. Enfuite avec la pince 
droite on fĂ ifit la Dent le plus prĂšs 
gu’on peut du collet ; on fait trois ou 





Ve V Art du Dentijße* ~ïf§ 
Quatre mouvemens du poignet de droite 
Ă  gauche & de gauche Ă  droite, pour 
la faire tourner dans fa fertiffure & en. 
dĂ©tacher les adhĂ©rences. Enfin on l’en-, 
leve en ligne directe, fans faire d’écarÂŹ 
tement , ni endommager les parties qui 
doivent s’y rĂ©unir bientĂŽt aprĂšs. Si 
malgrĂ© toutes ces prĂ©cautions, l’alvĂ©oÂŹ 
le fe trouvoit tellement adhérent à la 
racine, qu’on ne pĂ»t abfolument Ă©viter 
d’en emporter quelque portion , il ne 
faudroit pas moins remettre la Dent 
aprÚs en avoir Îté toute la carie, & 
l’avoir rendu propre à retenir le plomb. 
Cette derniere opération fe doit faire 
lorfque la Dent eft replacée ; car fi on la 
plomboit avant que de la remettre,la por-; 
tion de l’alvĂ©ole qui a fuivi la Dent feroit 
trop long-tems expofée aux impreffions 
de l’air, ce qui l’empĂȘcheroit de fe rĂ©unir 
à la maffe : finon il faudroit détacher 
cette portion de l’alvĂ©ole, &en dĂ©bar- 
ralfer la racine qu’on remettroit feule 
Ă  fa place aprĂšs l’avoir plombĂ©e. On 
peut voir dans la premiĂšre de mes LetÂŹ 
tres comment je remis Ă  Madame la 
Comteffe de la * * * *. une Dent qui 
avait entraßné une portion de fon alvéo- 



fi : 6o De VArt du Dentifle. 
le , malgrĂ© toutes les prĂ©cautions qĂčĂȘ 
j’avois pu prendre. Cette mĂȘme Dent 
fubfifte encore auflr folide qu’elle l’étoit 
avant l’opĂ©ration , & fans aucune douÂŹ 
leur. 

La Dent otĂ©e , on en dĂ©truit jufqu’aux 
moindres parties affeĂ©fĂ©es. AprĂšs l’avoir 
bien nettoyée, onia plombe en la tenant 
par fa racine, & en l’appuyant fur quel¬ 
que chofe de folide. On en bouche bien 
la cavitĂ©, &l’on y fait entrer Ă  force les 
feuilles du métal, en ohfervant de les 
mouler & de les mafliquer, comme je 
le dirai en traitant de la façon de plom 
ber les. Dents. Lorfque le. métal eft bien 
uni, bien poli, & qu’il remplit exaĂ©le- 
ment le trou, on remet la Dent Ă  Ta 
place naturelle, fans qu’il foit befoin de 
l’attacher avec-un fil. Il fuffit d’affujettir 
le malade Ă  mordre de, tems en tems un 
morceau de liĂšge , & cela le premier 
Jour feulement, & à faire ufagé de quel 
que eau appropriée. 

Lorfqu’une Dent dĂ© devant efl non- 
feulement gĂątĂ©e au point d’en ĂȘtre difÂŹ 
forme ,' mais fait encore beaucoup de 
mal, fi dans le moment on ne trouve 
point de Savoyard qui confente Ă  don- 

' neĂŻ 



0e f Art du Dentïfie. i©i 
ner une de fes: Dents pour. la remplacer, 
il faut ĂŽter la Dent malade , la limer 8c 
emporter le corps jufqu’auprùs du col¬ 
let 5 8c enter fur la racine une pareille 
Dent-avec un:tenon d’or qui fe viffe 
dans cette :racine. - . ; - 

QbfĂ©rpation au fujet d’une Dent caffĂ©e 
par une chûte. 

■ U n Ă« Demoifelle ĂągĂ©e d’environ 18 ; 
ans, fe calTa en tombant une des grandes; 
IneifivĂȘsalTez'jĂ rĂšsde la gencive: Dada-- 
cine qui reftĂŽit lui faifant beaucoup de' 
douleur, trois jours aprÚs là chûte elle 
vint chez moi pourfe faire ĂŽter cette ra- 
GineĂ©-Bnl’examinant ,-^apperçus le cor-? 
dÎu des-vaiffeùuxgui ëtçit ibbsrtoxtge:8ct 
gonflé ; : fe voulus: ÿ-: porter le ' cautÚre > 
aĂ©luel, elle s’y oppofa. Je lui propofar 
UH autre expĂ©dient qui Ă©toit d’îter la 
racine . 8c de la remettre aprùs l’avoir 
arme e d’une^pareille Dent naturelle dont; 
fe retranckerĂšis laracine,jque je rerÂŁdrois ; 
conforme Ă  ia:fienne,i & qui tiehdroit-' 
parle-moyen d’un renom pendant plu- 1 
fleurs années. Elle accepta le parti, &' 
l’ opĂ©ration fut faite Ă  i’inftant. Je lui re--r 
Tome h G 



j 62 De VAn ĂąĂŒ Demijie. 

mis fa racine garnie d’une Dent Ă©tran-i 
gere : un moment aprĂšs elle ne foufFrit 
plus j & la racine a parfaitement repris.. 
Depuis environ cinq ans & demi cette 
Dent a toujours été fort folide , & il y 
ajoute apparence qu’elle reliera encore 
long-tems dans cet état de folidité. Cet 
te Demoifelle efl mariée depuis environ 
un an j & fon mari croit fermement > 
ainli que toute fa famille, que c’efl une 
Dent de Savoyard qui s’efl ainli natu- 
ralifĂ©e dans fa bouche. Il efl vrai qu’à 
moins d’avoir vu faire l’opĂ©ration 5 il 
ne fer oit gueres poffible d’imaginer que 
c’ell une Dent Ă©trangĂšre : elle a Ă©tĂ© 
examinée par bien des perlonnes qui ne 
doutent point que ce ne foit une Dent 
naturelle » & qui font fort éloignées 
de penfer que ce fbitune Dent de rapÂŹ 
port. 

Quoique toutes les opérations, dont 
l’ai parlĂ© jufqu’à prĂ©fent, appartiennent 
au Manuel des Dents , dont j’ai fait un. 
Chapitre Ă  part : comme elles ont pour 
objet les nerfs dentaires qui font la 
fburce des maladies décrites plus haut * 
je n’ai pas cru devoir fĂ©'parer la pratique 
de la théorie. 



De V^ért du Dentifte. 163 

Un Dentifte des plus modernes , 
empreffé de faire imprimer fon nom, 
m’a fait de mauvaifes chicanes fur les 
deux opérations contenues dans ce Pa 
ragraphe & dans le précédent. Je fçais 
qu’elles n’ont fait aucune imprellion fur' 
qui que ce foit de raifonnahle : mais 
je me dois quelque chofe Ă  moi-mĂȘme , 
& l’on ne trouvera pas mauvais que je- 
place ici quelques nouveaux éclairciffe-- 
mens fur cette matiĂšre. Je vais commen-; 
eer par la luxation. 

M. Mouton, pag. 122 de fa Dilferta-- 
tion fur les Dents Artificielles, pour- 
faire ceffer la douleur d’une Dent , pro- 
pofe de l’ébranlĂ«r de maniĂ©rĂ©, que la dĂ©- 
tenfion du nerf s’enfuive : opĂ©ration , 
félon lui, plus lefte, moins effrayan 
te , ( qu’aucune autre ) , peut - ĂȘtre 
toute neuve. D’aprùs cette courte expo- 
fition qu’il plaĂźt Ă  mon prĂ©tendu CritiÂŹ 
que d’appeller une OpĂ©ration bien dé 
taillée * il foutient que ma premiÚre mé 
thode, (celle de luxer les Dents pour 
en rompre le nerf) eft empruntée de M. 
Mouton, & que-je ne fuis tout au plus' 
que fon copifteou fon plagiaire. Heu,-: 



i (?4 De VArt du Dentifle. 

reufement il eft démenti, non-feulement 
par la difparitéde nos opérations, mais : 
par M. Mouton lui-mĂȘme qui paroĂźt 
craindre de s’attribuer l’invention de la 
mĂ©thode qu’il fe contente d’indiquer, & 
qui ne l’appuye d’aucune expĂ©rience. Je 
laiffe au Leéleur intelligent à remar 
quer la diffĂ©rence d’une fimple dĂ©ten- 
fion Ă  une rupture totale du nerf: mais 
voici dans la vĂ©ritĂ© ce qui m’a fait naĂźtre-, 
l’idĂ©e de la luxation que je pratique. - 
Une Demoifelle vint un jour chez- 
moi pour fe faire Îter une fécondé grolfe 
Molaire de la mùchoire fupérieure, qur 
lui faifoit beaucoup de mal. Je me fer- 
vis du Pélican pour extirper la Dent 
malade ; mais comme elle étoit, pour 
ainfß dire, enchylofée, ou fort attachée 
Ă  l’alvĂ©ole, je ne fis que la dĂ©placer. Je 
voulus finir l’opĂ©ration avec le davier; 
elle n’y voulut jamais confentir, & jĂ© 
n’achevai pas l’extraclion. Je lui propo- 
fai de la remettre en place, mais elle le 
fit elle-mĂŽmei Quelques mois aprĂšs, 
elle revint me voir ; je trouvai fa Dent 
fort folide, je la nettoyai & je la plomÂŹ 
bai, AprÚs avoir, bien réfléchi fur cettg 



De V Jrt du Dentijte,- l6f 
cure inattendue , je tentai la mĂȘme opé 
ration fur plufieurs pauvres ; & c’eft uni¬ 
quement le fuccĂšs qui m’a confirmĂ© 
dans, cette pratkjue.- 
Quant Ă  la replantat-ion des Dents, qui 
eonfifte à les îter &! les remettre , j’aü 
toujours Ă©tĂ© bien Ă©loignĂ© de m’en attriÂŹ 
buer l’invention , comme femble l’infi- 
nuer le Bentifte dont je rappelle! regret 
l’écrit, auffi tĂ©nĂ©breux que frivole. J’aĂź 
mĂȘme expreifĂ©ment reconnu-dans le deuÂŹ 
xiĂšme Ă©crit que j’ai publiĂ©, fous le titre 
d ’ Eclair cijfement &*c. M. Fauchard , 
pour l’inventeur de* cette mĂ©thode-, & 
en cela je me fuis trompé. M. Fauchard 
dans le premier Tome du Chirurgien 
Bentifte r pag.388 ,-parle de cette Opé 
ration,'comme d’une pratique ancienne 
& trĂšs-connue avant lui. De plus, il en 
eft fait mention dans un Livre imprimé; 
Ă  GenĂšve, en 1-670-, & qui a pour'tiÂŹ 
tre : Observations & Hiftoires ChimiÂŹ 
ques i tirées des Oeuvres Latines des plus 
renommés Praticiens T par un BoÚleur 
Médecin ,-&* compr-ifes en 12 Centuries. 
Parmi les Obfervations de Denis Po- 
maret , Chirurgien de Montpellier, on 
Ht Ă  la page io^, celle d'une Dent arp 



i- 66 De Y Art du Dendjle . 
radiée3-remife enfon alvéole-, & offert 
mie par des gargarifmes ajĂźringens. CetÂŹ 
te Gbfervation, qui a plus d 5 un fiécle , 
prouve bien que la méthode en quef- 
tion,dont ileft affez difficile de trouver 
la vĂ©ritable origine, n’appartient ni Ă  M. 
Fauchard ni à moi. Mais je crois l’avoir 
du moins bien perfectionnĂ©e, & je m’en; 
rapporte Ă  tous les Artiftes, que l’équi- 
tĂ© feule, & non l’envie, (l’appanage 
des fubalternes) conduit jufque dans les 
jugemens qu’ils ont à porter de leurs' 
confrÚres. Le Dentifte qui a écrit con 
tre moi,. pour fe donner un air de critiÂŹ 
que, prétend donc encore que je fuis le 
plagiaire de M. Fauchard. Il falloit- 
d’abcrd prouver que cet habile homme 
etoit l’inventeur de la replàntation des 
Dents , oc faire voir enfuite la conforÂŹ 
mité de ma pratique avec la tienne. 
Mais aprĂšs avoir hazardĂ© l’accufation 
de plagiat, fans s’embarraffer de la con¬ 
tradiction , il prétend que ma mé 
thode eft bien inférieure à celle de 
M. Fauchard. C’eft encore au Lecteur 
impartial Ă  juger d’aprĂšs l’expofĂ© que 
j’ai fait de mon opĂ©ration, fi. je ne fuis 
effectivement que le copifte de M. F au-? 



De F Art du Dentifte167 
ehard. Je m’arrĂȘte feulement au dernier- 
point , & je vais examiner de bonne: 
foi les inconvéniens ou les avantages 
de fa méthode & de la mienne. 

C’eftprefque toujours dans leurs in-*- 
terfdces quefe gĂątent les Dents de deÂŹ 
vant, &: for-tout les petites Molaires. Il 
n’efl pas rare de trouver de ces fortes 
de Dents , oĂč For & le plomb ne peuÂŹ 
vent tenir, faute d’y pouvoir opùre* 
aflez commodément quand elles font en 
place. La lime alors ne. peut garantir ces. 
mĂȘmes Dents que pour peu de tems s 
ou elles fe trouvent par fon ufage prefo 
que détruites, ou bien affaiblies ; ce qui. 
les fait bien-tĂŽt caffer. Le plomb enfin 
ne tient guÚres aux Dents quifont plom»; 
bées en place, quand la carie les a trop 
minĂ©es. Mais lorfqu’une Dent eft netÂŹ 
toyée & plombée hors de la bouche 9 
quelque difficultĂ© qu’il y ait Ă  y faire teÂŹ 
nir le plomb, on en vient Ă  bout. 

Je n’ignore point qu’on voit de ces 
Dents capables de tenir le plomb toute 
la vie ; auflü quand j’en trouve à plom¬ 
ber de telles, au lieu de les ĂŽter de la 
bouche, je me contente de les luxer. 
L’Ecrivain dont je difcute.ici la çe&d 



ĂŻ68 De VAtĂź du DentĂźjĂźe. 
iure, ne veut pas convenir des incon- 
vĂ©niens que j’ai dĂ©montrĂ© ĂȘtre infĂ©parĂ - 
Mes des fils dont on s’eff fervi jufqtfà 
préfent pour attacher les Dents- replan-- 
tĂ© es. Pour s’en convaincre, if fuffit de 
confidérer la forme des Dents fur lef- 
quelles on fait cette opération, & prin 
cipalement -celle des- petites Molaires.- 
Ces Dentç font plus larges & plus gref 
fes vers leur extrémité que vers leur 
collet, & comme l’émail "eft liife dé 
poli , pour peu que le fil ferre la Be-nr' 
fraĂźchement remife , & par cohfeqĂŒĂšnt' 
dĂ©tachĂ©e tant; de la gencive que de l’alÂŹ 
véole , le-fil ne manque point de gliffer 
& fĂš porte vers lĂ  racine, -ce qui fait 
bientÎt fortir la Dent. Il ne fait pas- lë 
mĂȘme effet fur les Dents voifines Iparce* 
que les attaches de la gencive qui era- 
braffeht le collet de la Dent, retiennent 
ĂźĂȘ fil & l’ùmpĂȘc&ent de gliffer ; au lieu 
, que le fil qui entourfe lĂ  Dent replanÂŹ 
tĂ©e, Ă  mefure que le nƓud la ferre , 
tend néceffairement vers : ianacine, -& 
chaffe . la Dent, fi l’on n’à foin d’ap¬ 
puyer fortement deffus , en ferrant le 
nƓud : prĂ©caution nĂ©anmoins qui n’affu- 
ettit la Dent que pour l’infiant - de l’o— 
* pération.* 



~Dz V Art du Dentlffa* 16$' 
pération. Car bientÎt ie fil humecté fe 
gonflant & ferrant d’avantage , gliffe, 
comme j’ai dit, vers la racine, d’oĂč il 
arrive que la Dent remife eft expulfée Îc 
gerd le niveau qu’elle gardait avec les 
Dents voifines, ce qui l’empĂȘche de reÂŹ 
prendre parfaitement, & mĂȘme en rend 
l’ufage incommode. Je conclus donc 
que le fil le mieux appliqué & par la 
.main la plus habile produira toujours 
cet effet, à moins que l’on ne faffe avec 
Ăźa lime autour de la Dent & vers le colÂŹ 
let une petite ramure , pour y arrĂȘter 
le fil & l’empĂȘcher de defcendre. Mais 
puifqu’une Dent bien remife reprend & 
tient" parfaitement fans ĂȘtre attachĂ©e ; 
puifque par le moyen du gluten qui fĂš 
forme autour de la racine , il fuffit pour 
affermir la Dent, de mordre de tems 
en tems un morceau de liĂšge , pourÂŹ 
quoi cet attirail de fils qui embarraffe 
ou gĂȘne toujours? N’eft-ce pas mulÂŹ 
tiplier les ĂȘtres fans nĂ©ceffite ? Il ne 
faut pas croire que ce foient les eaux 
aftringentes qui confondent ici la Dent: 
j’ai fouvent obfervĂ© que de fimple eau- 
de-vie fans aucun mélange, opéroit le 
meme effet que les affringens. 

Tqms L " E 



S 7 ĂŽ. De VArt du DentijĂźe ; 


§. VI. 

Des Dents fracturées , de celles qui s'u~ 
fent ., des maladies quelles produifent 3 
& des moyens d’y remĂ©dier . 

L 'a cause la plus ordinaire qui 
fait fracturer les Dents efi la Carie, 
lorfqu’elle les a minĂ©es Ă  un certain point» 
Les autres caufes font les efforts vioÂŹ 
lents qu’on leur fait faire j les coups , les 
chĂ»tes a & d’autres accidens. QuelÂŹ 
quefois’, foit que la carie les ait minĂ©es 
trop avant, foit que les racines étant 
tortues , ou crochues, les parties of- 
leufesquiles enveloppent oppofent de 
la réfifiance, en voulant Îter certaines 
Dents, elles fecaffent fous la main du 
Dentifle. 

Les Dents , & les racines des Dents 
ïÚ fraéturent en différens fens, en long, 
en travers , obliquement, horizontaÂŹ 
lement ; & lorfqu’elles font fracturĂ©es, 
la rĂ©union ne s’en fait jamais, comme, 
aux autres parties offeufes : car quand 
.une Dent s’éclattg oufe gaffe, la dĂ©-- 




De V Art du DentijĂźe. 17 r 
perdition de fubftance eft irréparable. 
Cependant la fracture des Dents ne 
laifle pas que de donner de l’occupa¬ 
tion au Dentifte. Il faut émoulfer ou dé 
truire avec la lime les pointes des Dents 
qui peuvent piquer ou écorcher quel 
ques parties de la bouche, comme la lanÂŹ 
gue ,les levres &les joues, ou la gencive 
de la mùchoire oppofée ; ce qui fait beau 
coup de mal, empĂȘche de manger, & 
produit toujours des ulcĂšres. Quand 
l’opĂ©ration eft bien faite, les Dents Ă©claÂŹ 
tĂ©es qui par ce moyen font polies, n’agaÂŹ 
cent & n’irritent plus aucune des parties 
qu’elles touchent, & s’il s’y eft fait quel¬ 
que ulcÚre, il eft promptement guéri,fans 
qu’il foit nĂ©cefĂźaire d’îter les Dents. 
Lorfqu’il ne refte que la racine de quel¬ 
que Dent que ce foit, Inciftve, CaniÂŹ 
ne , ou petite Molaire, c’eft encore 
l’afĂŻĂ ire du Dentifte d’en rĂ©parer au 
plutĂŽt la perte ; ce qui fe fait de plu- 
ißeurs maniérés, dont la plus fimple efl 
d’enter une Dent fur la racine qui 
refte. Si la Dent eft fracturée dans la 
racine, ou fi la racine l’eft elle-mĂȘme, 
alors la Dent, ou la portion de la raciÂŹ 
ne attachée à la gencive incommode. 

rii 


€' 7 * De VArt du Dentijüe. 
beaucoup aux moindres mouvemens de 
la. langue ou des lÚvres. Mais on guérit 
dans le moment le malade, en ĂŽtant la 
portion de la Dent ou de la racine qui 
ed Ă©branlĂ©e, fans qu’il foit nĂ©celfaĂźre 
d’en îter le rede qui le trouve folide. 
Si cependant dans la fuite le relie de 
cette racine vient à faire mal, il n’en 
faut pas diffĂ©rer l’extraĂ©lion. Lorfqu’en 
voulant ĂŽter une Dent qui ne peut 
ĂȘtre confervĂ©e, elle fe caffe alfez avant, 
ou un peu au-delĂ  du collet, alors les 
racines qui relient ordinairement ne 
font pas de mal ; e’ell pourquoi il ne 
faut pas tourmenter d’avantage le mala¬ 
de. Mais d quelque teins aprĂšs les raÂŹ 
cines deviennent douleureules y la douÂŹ 
leur provient prefque toujours du pé 
riode qui tapiffe & l’alvĂ©ole & la raciÂŹ 
ne. Or la plupart de ces racines font 
trùs-faciles à îter, loit parce qu’elles 
le montrent beaucoup plus à découvert, ~ 
étant çhaffées au-dehors par la contrac 
tion de l’alvĂ©ole , fbit parce qu’elles 
font relĂąchĂ©es & Ă©branlĂ©es par l’engorÂŹ 
gement & le gonflement du période* 
Lorfque pendant l’extraclion une Dent 
fe .caffe au- ddfus.de ].a voûte, les nerfs 



ĂŻ>s V Art du Dmtijk. ĂŻyg 

qui font à découvert & qui fe gonflent 
peu de tems aprĂšs,deviennent fifenfibleS: 
que le malade ne peut rien porter de 
ce cĂŽtĂ©, pas mĂȘme la langue, fans de viÂŹ 
ves douleurs- Si alors il n’efi pas pofli- 
ble d’îter les racines, il faut les eau- 
térifer pour-brûler par ce moyen le 
nerf. C’efi aufiü le plus court remede * 
fi la Dent a été caflee par quelque coup 
ou par quelque chûte. Quand une Dent- 
faine efl éclatée par quelque caufe que 
ce puifle ĂȘtre > fi la rugine & le cauÂŹ 
tĂšre ne peuvent emporter la douleur * 
& guérir promptement le malade , il 
faut luxer la Dent & le mal cefĂźe-ra dans 
Pinfiant meme. 

Les Dents font encore fiijettes Ă  s Ăż u- 
fer & à le détruire les unes les autres^- 
par leurs approches & leurs frottemens, 
foit dans la maftication, foit dans les 
convuïfions de la mùchoire inférieure 
qui fe font quelquefois pendant le fom- 
meil. Il y a des personnes qui en dorÂŹ 
mant font un tel bruit, qu’on entend 
d’afiez loin craquer leurs Dents. J’ai vu 
de ces fortes de perlbnnes dont, Ă  quaÂŹ 
rante ans les Dents étoient tellement 
détruites par ces convuïfions maxillai- 



1 74 De l’Art du Dentijüe, 

res, qu’il n’y reltoit prefque que les ra« 

cines. -, 

. Quand les Incifives & les Canines 
des deux mĂąchoires fe rencontrent diÂŹ 
rectement., & que la plupart des MoÂŹ 
laires manquent, celles-ci fe détruifent 
plus ou moins promptement, fuivant 
qu’elles fe trouvent plus ou moins du¬ 
res. Lorfqu’au contraire ces Dents-ci 
ne le rencontrent pas directement dans 
le choc naturel de deux mĂąchoires, & 
que les Incilives & les Canines lupé- 
rieures paffent par-deffus les inférieures 
dans l’approche de la mñchoire d’eni 
bas vers la fupérieure, alors ces Dents 
s’ulent rĂ©ciproquement , les fupĂ©rieu- 
res à la face poltérieure, & les inférieu 
res Ă  la face antĂ©rieure ; ce qui fait qu’elÂŹ 
les s’amincilfent, s’ébranlent, & fe dé 
truifent peu Ă  peu. Par la mĂȘme raifon , 
les Dents fupérieures fe luxent en-de 
vant, & les inférieures en-dedans. 

Quand on a perdu les grolfes Molaires 
qui recĂȘvoient le choc delĂ  mĂąchoire 
inférieure contre la fupéfieure, ce choc 
fe fait alors fur les Dents de devant qui 
relient, &qui, pour peu qu’elles che¬ 
vauchent tes unes fur les autres, com- 



De V Art du Dentijfe. Ăźj$ 
tfie il efl fort ordinaire, périffent affez 
promptement, par l’une ou l’autre des 
caufes que je vigns de marquer. LorP 
qu’elles fe rencontrent vis-à-vis , elles 
ne s’ébranlent point ; elles ne font que 
fe dĂ©truire & s’ufer rĂ©ciproquement, Ă  
un tel point, qu’il n’y relie quelquefois 
que les racines qui ne laifĂŻĂšnt pas que 
de faciliter la mafli'cation, Ainfionvoit 
de quelle importance il efl, pour la con- 
fervation des Dents de devant, de con-- 
ferver les Molaires. ‱ 

Pour empĂȘcher que les Dents ne s’u-* 
fent dans leur rencontre, quand une per**- 
fonne a l’habitude de grincer les Dents 
en dormant, et qu’il lui relie des Mo¬ 
laires , il faut en recouvrir une ou deux 
d’une calotte d’or, comme l’a fort bien 
imaginé M. Mouton. Mais de crainte 
que cette calotte ne fe dérange par le 
frottement que les Dents oppofées fe 
ront fur la piĂšce pendant le fommeil, 
dans les convulfions des mufcles de la 
mĂąchoire infĂ©rieure , il faut qu’elle foir 
percée pour recevoir un fil qui fervira Ê 
la fixer, autrement, quelque bien appliÂŹ 
quĂ©e qu’elle pĂ»t ĂȘtre, elle fe dĂ©place— 
mit à la longue. S’il ne refie à la perfon- 



lj6 De l’Art du Demifte. 
ne aucune Molaire , & fi elle n’a que les 
Incifives & les Canines qui chevauÂŹ 
chent alors les unes furies autres, bienÂŹ 
tÎt ces Dents feront ébranlées & amin 
cies, fans qu’on puiffe y apporter que de 
trĂšs-foibles fĂšcours, & leur deflr.uction 
n’eft pas moins inĂ©vitable que prochaiÂŹ 
ne. Si ces mĂȘmes Dents fe rencontrent 
les unes vis-à-vis des autres, & qu’elles 
foient dĂ©jĂ  trĂšs-courtes, parce -qu’elÂŹ 
les fe rongent mutuellement pendant le 
fommeil ou autrement, alors pour emÂŹ 
pĂȘcher qu’elles ne s’ufent trop vite, il 
fuffira de faire une fümple calotte d’or 
-qui recouvre feulement une Canine inÂŹ 
férieure, ordinairement moins apparent 
te que celles de la mùchoire fupérieure y 
& dans le cas oĂč elle feroit trop-vifible.» 
il faudroit faire émailler la face anterieu 
re de cette calotte , & non l’endroit ou 
la Dent oppofée la touche , dans les 
mouvemens de la mĂąchoire qui occa- 
fionnent les frottemens : car fi la calotte 
Ă©toit Ă©maillĂ©e en cet endroit, l’émail en 
fÚroit bientÎt détruit. 

Il faut ĂŽter cette calotte chaque fois 
que l’on veut manger, afin que les Dents 
qui répondent à la calotte, foient en état 



De VArt du Dentijüe. ■ i’ff 
3 e bien broyer les alimens. Les autres 
Dents ne pouvant plus fe toucher, ce 
qui eft nĂ©celfaire pour empĂȘcher qu’elÂŹ 
les s’ufent d’avantage, elles ne peuvent 
Ă©crafer & brifer qu’imparfaitement cerÂŹ 
tains alimens; c’eft pourquoi, fi l’on 
veut tirer du fervice de ces Dents, il 
faut îter à chaque repas la calotte d’or. 

Il y a des perfonnes dont les Dents 
s’ufent dans leur rencontre, foit parce 
que l’émail en eft trop mince, ou qu’elÂŹ 
les ne font pas d’une confidence allez 
dure ; foit parce que ces perfonnes étant 
déjà parvenues à un certain ùge , leurs 
Dents fe trouvent idées par leur long 
fervice, au point d’ĂȘtre douloureufes < 3 s 
de s’agacer en mangeant. Le moyen, 
d’empĂȘcher que ces. Dents ne viennent 
à faire des douleurs plus conftdérables, 
qu’elles ne s’ufent entiùrement, ou en¬ 
fin que celles de devant ne s’ébrĂ©chent, 
quand elles fe rencontrent Ă  peu prĂšs 
comme deux lames de cifoau, eft de faire 
des calottes d’or ou d’argent, qui ayent 
une étendue fuftifante pour envelopper 
toutes les Molaires de la mĂąchoire. On 
aura foin de les fixer, comme j’ai dit, 
par le. moyen des fils ; ce qu’on fera ei| 



ĂŻ78 De V Art du Dentifte, 

les attachant Ă  la Dent qui paroĂźtra Ăźa 
plus convenable avec un fil d’or. Il faut 
que ces calottes foient ajuftées de manié 
rĂ©, que les alimens ne puilfent s’infmuer 
etre elles & les Dents. Pour cet effet , 
on fait avec de la cire un moule fur les 
Dents du fujet : l’orphĂ©vre fuit exaĂ©le- 
ment ce moule, & les empreintes des 
Dents Molaires. On fait la mĂȘme chofe 
aux Dents de la mùchoire oppofée qui 
rĂ©pondent Ă  celles que l’on a ainfi revĂȘÂŹ 
tues , & on leur met une pareille calotÂŹ 
te. Si le cÎté oppofe efl muni haut & 
bas de plufieurs Molaires, pour que la 
maftication s’y fafle bien, on peut de 
mĂȘme les recouvrir : mais il fautobfĂȘr- 
ver que dans la rencontre des deux mù 
choires, les calottes portent également 
dans toute leur étendue des deux cÎtés 
de chaque mĂąchoire , Ă  peu prĂšs comÂŹ 
me portoient les Dents ; & pour que la 
mafHcation fe fafle plus parfaitement, 
on peut y former quelques rugofités» 
Ces fortes de calottes ne feront point 
ÔtĂ©es en mangeant.; elles relieront au 
contraire en place , jufqu’à ce qu’elles 
foient ufĂ©es & qu’on en remette de nouÂŹ 
velles.. Les. Dents par ce moyen ne s’u^ 



De VArt du DentijĂźe, ijĂżi 
feroftt-plus ; celles de devant ne feront 
pas feulement garanties d’ufure, mais Ă» 
elles étoient auparavant ébranlées par 
leur choc continuel, comme elles ne 
peuvent plus fe heurter par l’interpofi- 
tion des calottes qui fĂš trouvent entre 
les Molaires , elles fe raffermiront bienÂŹ 
tĂŽt , & dureront trĂšs-long-tems. 

Quand on a quelque Dent plus lonÂŹ 
gue & plus dure que celle qui lui ré 
pond , celle-ci ne peut manquer de cé 
der à l’imprefüüon de la plus forte. De 
mĂȘme, quand quelque Dent Molaire efE 
armĂ©e d’une pointe un peu dure, elle 
creufe , & fait fur la Dent oppÎfée une 
impreffion plus ou moins forte, qui tĂŽt 
ou tard la rend douloureufe. On peut 
dans ce cas fe paflfer de calotte ; mais 
pour éviter tous ces inconvénßens, il 
faut ĂŽter de la Molaire, avec la lime, le 
trop de longueur & d’épaĂŻffeur qui dé 
truit laDent oppofée, ainfique les poin 
tes aigues qui dégradent cette Dent. Il 
faut encore adoucir avec la lime les af- 
pĂ©ritĂ©s.&les inĂ©galitĂ©s tranchantes d’uÂŹ 
ne Dent ufee en partie : "car le contour 
de la Dent recouvert d’email Ă©tant la 
portion la plus dure, eft toujours celle. 



18o De l’Art du Dendfie. 
quis’ufele moins; mais la dĂ©gradation 
de l’émail le rend quelquefois fi tranÂŹ 
chant, qu’il Ă©corche la langue ou la joue; 
Dr la lime y remédie aifément. 

Lorlqu’une Dent efl ufĂ©e Ă u point que 
le canal & le cordon qui l’occupent, fe 
trouvent en danger d’ĂȘtre Ă  dĂ©couvert,' 
plus l’ufure approche de la racine, plus 
le danger augmente , & plus le cordon 
efl fufceptible d’agacement, d’irrfca- - 
tion, & d’inflammation. Ces accidens 
peuvent ĂȘtre caufĂ©s, foit par certains 
alimens, foit par la falive ou par le liÂŹ 
mon plus ou moins viciĂ©s , foit par l’ais 
féal j foit enfin , comme il arrive prefque 
toujours , par le frottement continuel dé 
la" Dent oppofée qui agace & irrite les 
petits filets nerveux expofĂ«s- fans ceflĂȘ 
Ă  fon impreffion. La Dent commence 
d’abord a ĂȘtre elle-mĂȘme agacĂ©e ; l’agaÂŹ 
cement augmente peu Ă  peu , & de jour 
en jour, à mefurÚ que la Dent oppofée 
continue del’ufer, on n’ofe plus man¬ 
ger fur cette Dent* parce qu’alors les 
douleurs deviennent plus vives. Il arriÂŹ 
ve mĂȘme quelquefois, quand on nĂ©gliÂŹ 
ge le fecours de l’Art, que le Malade ne 
peut dormir, ou repofer ni le jour ni la 


ĂŻ>Ăš VArt du Ventijle. i8ĂŻ 
ïmlt. Bien-tît d’autres fymptîmes s’en-, 
fuivent : le cordon s’enflamme de telle 
forte , que le Malade foudre beaucoup 
de ce cÎté-là ; que les glandes voifines 
s’engorgent ; que la tĂȘte fait aufli de 
grandes douleurs, & qu’il furvient une 
force fiĂšvre caufĂ©e , tant par l’épanÂŹ 
chement qui s’ell fait dans le ca¬ 
nal , que par la fermentation du fluide 
qui dĂ©truit le cordon. L’inflammation 
le communique foĂŒvent au pĂ©riode qui 
revĂȘt la racine, & Ă  la gencive, ce qui 
fait rompre les vailfeaux ; d’oii fuit l’é 
panchement du fluide, qui, en fermenÂŹ 
tant & en décompofant les parties qui le 
contiennent, fe change en pus. Or, pour 
s’épargner tous ces maux qu’on n’évite 
qu’en les prĂ©venant, il faut, appeller le, 
Dentiile aux premiĂšres douleurs qui fe 
font fentir, & voici la conduite qu’il 
tiendra. Il commencera par limer & par 
raccourcir la Dent qui peut produire ce 
défordre, de maniéré que ia Dem: mala 
de ne foit plus expofée à fon choc ; en- 
lĂčite il cautĂ©rifera cette Dent malade Ă  
l’endroit oh elle eft niĂ©e, & pĂąrcpnfĂ©- 
quent le plus fenfible.SĂŻ , aprĂšs cette 
opération, le cordon fe trouve encore. 


'ï§2 De VArt duDentijße. 

irrité, foit par les fucs intérieurs, foßt 
par quelque autre difpofition du fujet, 
il faudra trĂ©paner la Dent Ă  l’endroit ou 
le canal fe fait reconnoßtre par la diffé 
rence de fa couleur. On introduit le tré 
pan dans le canal, le plus avant qu’il 
eft poflible, pour en détruire le cordon; 
on y porte une ou deux fois le cautĂšre ; 
enfuite on y met un peu de coton tremÂŹ 
pé dans quelque liqueur fpiritueufe, & 
bientÎt le malade eft guéri, en ufànt fré 
quemment d’eau tiùde, ou de lait tiùde 
qui vaut encore mieux. Si cependant la 
douleur étoit opiniùtre, il faudroit faire 
faigner le Malade. Si enfin, malgré ces 
fÚcours, le période externe étoit agacé 
& irrité trop violemment par les difpo- 
fitions du fujet, & que le Malade contiÂŹ 
nuñt de beaucoup foufffir, il n’y auroit 
plus à héfiter ; il faudroit Îter la Dent 
fans dĂ©lai. Mais il eft rare qu’on Toit 
obligĂ© d’en venir lĂ , quand on s’y prend 
de bonne heure. 

Si la Dent fait mal depuis plufieurs jours, 
fans y avoir fait aucun remede, & fi.l’on 
fent Ă  l’endroit malade de grands Ă©lanceÂŹ 
ment, il n’y a point alors à douter qu’il 
pefe foit formé un abfcÚs dans le canal 



D« VArt duDentijle, i ß j 

2e laDent.On pourra s’en affurer 3 en exa¬ 
minant l’endroit de la Dent ufĂ©e qui eftle 
plus prĂšs du canal. Ce canal fe reconnoĂź^ 
tra Ă  fa couleur beaucoup plus brune que 
les environs de la Dent. En trépanant- 
fĂźmplement la Dent malade, & en donÂŹ 
nant une ilfue Ă  la matiĂšre qui eft reteÂŹ 
nue dans le canal, le malade fera guéri 
fur le champ. J’ai vĂ» de ces fortes d’abf- 
cÚs fournir plufieurs goûtes de matiÚre 
trĂšs-louable. J’ai rapportĂ© l’obfervation 
d’un malade que je n’ai pĂ» guĂ©rir qu’en 
luxant fĂ  Dent ; ce qui prouve que 
dans le cas ouïes Dents uféesfontbeau 
coup de mal, & qu’il n’y a pas d’épanÂŹ 
chement dans le canal, la luxation peut 
ĂȘtre exĂ©cutĂ©e avec fuccĂšs, & qu’elle 
eft quelquefois préférable à tout autre 
moyen, pour conferver la Dent. M. 
Fauchard , qui le premier, ce me femble, 
a parlé de trépaner les Dents , rappor 
te aufli quelques obfervations oĂč l’on 
voit que les malades ont_ été promp 
tement guéris, en faifant du jour à la, 
matiĂšre. 





$$4 De l’Art duDentifte. 


§. VII. 

X>e Vengorgement des vaijfeaux Dental 
res, & de Vinflammation du cordon 
& dupériofle , provenant de caufes in* 
ternes. 

U ne Dent fait quelquefois bien 
mal, fans ĂȘtre aucunement gĂątĂ©e 
Ăźii ufĂ©e, & quoiqu’elle foit bien recouÂŹ 
verte .du cĂŽtĂ© des racines, tant par l’alÂŹ 
véole que par la. gencive. Cette douleur 
provient alors de l’engorgement des 
fluides qui circulent dans les v ai fléaux 
dentaires, ou du vice de ces fluides 
dont l’aciditĂ© plus ou moins aĂ©live irriÂŹ 
te ces parties. C’eA ce qui fait qu’on 
voit quelquefois une Dent qui paroĂźt 
trÚs-faine 8c en bon état, caufer de trÚs- 
,vives douleurs, effet du phlegmon qui 
afflige le cordon dentaire & fes memÂŹ 
branes , ou le Périofle externe commun 
tant Ă  l’alvĂ©ole qu’à la racine de la Dent. 
Les caufes les plus ordinaires de ce 
phlemon, qui fe diflßpe par réfolution ou 
par fuppuratioiß, font ou trop de plé 
nitude 





De VAn du Dentijfe. 185* 

nitude dans le fujet, ou l’épaifTement du 
fluide qui circule dans ces parties , ou 
quelque vice particulier. Si l’humeur 
s’efl formĂ©e dans l’intĂ©rieur du canal, 
la réfolution qui en eflleréfultat le plus 
favorable ne pourra fe faire, qu’en faü- 
gnant le malade pour diminuer le voluÂŹ 
me du fang ,- &. faciliter le cours du 
fluide qĂči fe trouvoit arretĂ©. Il efl bon 
de joindre Ă  la faignĂ©e l’ufage frĂ©quent: 
de lĂ vemens Amples , & d’une lĂ©gĂšre’ 
eau de chicorée, ou de quelque autre; 
boiflon rafraĂźchiflante convenable au; 
tempérament du Malade. Si nonobfiant: 
ces remedes -, le malade continue de 
fouflrir, il faut en venir Ă  la luxation de 
la Dent qui fera promptement cefler 
les douleurs - , parce que lĂš cordon qui 
remplit le canal, & qui efl: la fource du 
mal, fera rompu par le déplacement de 
lĂ  Dent. Si le phlegmon ne s’ùffc portĂ© 
qu’au pĂ©riofl:e externe qui efl: commun 
Ă  l’alvĂ©oßë St Ă  la racine (ce qui fĂš 
reconnoĂźtra tant parle relĂąchement que 
par l’allongement de la Dent ) , il faut 
non-feulement employer lĂšs remedes 
gĂ©nĂ©raux que je viens d’indiquer , c’efl- 
à-dire , la faignée , les làvemens & less 
Ze/rce L 



i S 6 De VArt du Dentifte . 
boifïbns légÚres, mais encore aflujettif 
le malade Ă  tenir continuellement dans 
fa bouche du lait tiĂšde , pour relĂącher 
les parties tendues, & rendre au fluide 
fon cours. Mais fi la douleur efl: opiÂŹ 
niùtre , le Dentifte doit débrider & dé 
gorger avec une lancette le périofte , à 
l’entrĂ©e de l’alvĂ©ole qui fe trouve alors 
dilaté par fon gonflement. Il fera à peu 
prĂšs la mĂȘme chofe autour du collet 
de la Dent, comme anciennement on 
le pratiquoit, & comme le pratiquent 
encore aujourd’hui quelques Bentiftes 
qui,avant d’îterune Dent,la dĂ©chaufĂźent 
-Ce n’efl; guere que dans ce cas-ci,qu’il me. 
paroßt néceflaire de faire cette opéra-, 
ration. Le dĂ©chauffoir peut [ĂȘtre prĂ©fé 
ré à la lancette pour les greffes Mo 
laires , & l’opĂ©ration ordinairement fouÂŹ 
lage beaucoup le malade. Lorfque tous 
ces moyens ne peuvent le guérir , il 
faut recourir à la faignée du pied qui 
attirera la colonne du fang vers les 
parties inférieures ; ce qui ne manquera 
pas de le foulager, & de difliper bienÂŹ 
tĂŽt les douleurs , en continuant touÂŹ 
jours le lait tiÚde. Quand la gencive fë 
gonfle & s’engorge, il faut Ă©vacuer Iç 



De J 1 Art du Dentijle. 1 87 
ĂŻĂ ng faperflu, par le moyen de quelques 
légÚres piquûres qui feront faites à la 
gencive avec la lancette. Si enfin le mal 
réfifte à ces derniers expédiens, comme 
alors il n’efl; pas douteux qu’il efi caufĂ© 
par une humeur acide, il ne faut pas 
différer à tirer la Dent. Mais de crainte 
que la mĂȘme humeur ne produifĂš le 
mĂȘme effet fur quelque autre Dent, le 
malade ne doit pas négliger les remedes ; 
propres à corriger ou à détruire totale-- 
ment cette humeur , & c’efl l’affaire du* 
MĂ©decin qu’il aura foin de confulter. 


§. VIII. 

Des douleurs que les Dents ébranléespro* 
duifent , & des moyens d’y remĂ©dier . 

Q uand les parties offeufés qui 
enveloppent les racines, & qui 
maintiennent les Dents fermes & foli- 
des, font ou détruites, ou ramollies par, 
quelque caufe que ce puiife ĂȘtre, les 
gencives fe retirent & s’appauvriffent ; 
elles deviennent fĂŻafques & fongueufes 
ou. s’ulcĂšrent du. cĂŽtĂ©. des racines. La- 

u Qiji 






? l 8 8 De VArt du Dentijfe „ 

Dent alors defiituée de fa gaßné: 
offeufe efl: fi vacillante , que n’étant 
plus retenue que par quelque portion: 
du périofte , & par les vaiffeaux qui 
forment le cordon, toutes ces parties, 
font fort fujettes à s’irriter, & à s’en¬ 
flammer,fuivant les difpofitions du fujet,. 
fiiivant auflß que la falive qui les péné 
tre a plus ou moins d’ñcretĂ©, ou enfin 
que la Dent efl plus ou moins tourmenÂŹ 
tée par le choc continuel des Dents 
oppofées , ou par la maftication. Le 
froid & le chaud d’ailleurs y font la 
mĂȘme impreffion que fur les Dents gù 
tées , & quelquefois y produifÚnt des 
douleurs &: des fluxions confidérables. 
D’un autre cĂŽtĂ© , les Parotides & les 
Amygdales fe gonflent, s’engorgent, & 
deviennent aufli fort douloureufĂšs. Le 
remede le plus fĂ»r en pareil cas, efl; d’î- 
ter la Dent fans délai, & le malade efl: 
promptement guéri. Mais fi une ou plu- 
■ fleurs Dents ainfi Ă©branlĂ©es- ne caufent 
que de lĂ©gĂšres douleurs, pour peu qu’elÂŹ 
les foient apparentes , on peut en éviter 
i’extraĂ©fion & mĂȘme les rendre duraÂŹ 
bles par les moyens que je : décrirai, en 
jraittant du Manuel des- Opérations.. 



De T Art du Denfijle-, 

Pour terminer ce Chapitres je n’ar 
plus Ă  ajouter qu’une rĂ©flexion que tous 
nos Ecrivains, ont faite ,, mais qu’on ne 
peut trop répéter- 

De toutes les parties de notre Arts- 
celle oĂč il fe glifle le. plus de charlata— 
nifme, efl; l’odontalgie. Chacun a fon. 
£pécifique.pour guérir le mal de Dents , 
éc ce qui contribue beaucoup à accré 
diter les palliatifs, c’eft' qu’il arrive.quel¬ 
quefois que dans, le tems qu’on les appli¬ 
que, une Dent qui nous faifoit bien foufo 
frir, cefle tout Ă  coup d’ĂȘtre douloureu-’ 
fe: foit, comme je Fai déjà dit, que le gon 
flement du nerf fe diflĂźpe par un tems 
fec qui fuccede Ă  l’humiditĂ©, &.quele. 
flulde qui fe trouvoit arrĂȘtĂ© par ce gonÂŹ 
flement ait repris fon cours ; foit que la 
grande inflammation du cordon le falTe 
tomber en mortification,ou que le dépÎt 
qui s’y eft formĂ© foit mĂ»r, & que le fluiÂŹ 
de fe foit Ă©vacuĂ© de lui-mĂȘme ; foit enfin, 
que l’humeur cefle.de fe porter, à la 
Dent, ou qu’elle foit adoucie. Dans la 
plupart de. ces cas, il arrive aflez fouvent. 
qu’une liqueur Ipiritueufo quelconque, 
appliquée à propos calme la douleur.. 
II y a. des perfonnes qui touchent les. 



’ïpo- De VArt du ÏÏentijFe» 

Dents , & quifoit par l’effet de quelquĂ© 
eompofition dans laquelle ils ont tremÂŹ 
pĂ© leurs doigts, foit par l’effet de la 
prévention qui fait feule tant de mira 
cles, foulagent véritablement un ma 
lade, mais pour un inftant. Une patte 
de crapaud , un vieux clou qu’on cache. 
enfuite- avec myftere, font encore les 
Ihftrumens d’une guĂ©rifon momentanĂ©e, 
dont furement tout le fuccÚs dépend de: 
l’opinibn du malade. Que. d’autres re- 
medes auffi analogues la Charlatannerie 
accrédite ? La feule préfence du Den- 
tiffe , ou la frayeur qu’il caufe aux per- 
ibnnes qui redoutent fa main , les guérir 
-quelquefois fur le champ , ou du moins 
fufpend tous leurs, maux. Mais le retour 
de la douleur,lĂšs ramenant bientĂŽt chez 
nous , leur fait voir qu’ils n’ont Ă©vitĂ© 
un petit mal, un mal dont la durée eff 
trĂšs-courte , que pour s’en prĂ©parer de 
plus vifs & de plus durables. On ne 
voit tous les jours que trop d’exemple^ 
de cette foibleffe puérile. Que de per-' 
fonnes aiment mieuxfouffrir nuit & jour, 
que de fe faire ĂŽter une Dent , & ne; 
veulent pas mĂȘme fupporter la moindre- 
dpĂ©ration du Dentiile ! Or;, puifque 1 É 1 



De F Art du DentĂŻjĂźe* l$t 

frayeur eft une maladie plus incurable 
qu’aucuns maux de Dents , il faut bien: 
chercher des remedes accommodés Ê 
la foiblelfe de cette efpe.ce de malades»» 
Nous donnerons Ă  la fin de cet OuvraÂŹ 
ge, parmi quelques compofitions, celles 1 , 
d’une liqueur de d’une pñte calmantes*, 
dont j’ai Ă©prouvĂ© de trĂšs-bons effets*. 



IxpsĂŒ' Del* 'Art Ă uĂŻ>entijle^ 

J*-*** *&&* XXXX%XXX%XXXXX%xxx 

C H A PTT RE TROIS IÉ ME. 

Des maladies , & de* autres caufes qu$ 
altĂšrent la blancheur des Dents. 


§. I. 

P L u s i eu r s caufes altĂšrent & 
blancheur & ternilfent l’email des' 
Dents. Telles font principalement touÂŹ 
tes les maladies violentes, ou il y a de la. 
malignité.; Les pùles couleurs , & la; 
|aunilféi rendentlës Dents jaunes ou li 
vides; mais à mefure qu’elles fe difli- 
pent, les Dents reprennent leur blanÂŹ 
cheur. C’efl: ainli que dans les maladies' 
malignes les Dents deviennent brunes: 
ou noires ; mais apres la guérifon elles: 
reviennent ordinairement dans leur état: 
naturel. Les différens remedes dont on 
ufe intérieurement dans quelque mala 
die que çefoit, les eaux ferrugineufes ou: 
minĂ©rales j. les fels qu’on y mĂȘle , toutes 
' ces ; 





Ăź)e V Art du DentijĂźe. 
ëes chofes terniflent encore les Dents ; 
mais on en rétablit aifément la blancheur 
avec de bonne poudre, ou avec quelÂŹ 
que opiat. Certains Elixirs ou GargarisÂŹ 
mes dontfe fervent quelques perfonnes, 
foit pour raffermir leurs Dents ou leurs 
gencives, foit pour en calmer les douÂŹ 
leurs , contribuent auffi plus ou moins Ă  
ternir les Deiits,fuivan.t la nature de leur 
compoiition. Cependant, lorfqu’il n’y 
ofl point entrĂ© d’ingrĂ©diens cauftiques 
ou de corrofifs, on ĂŽte pareillement fans 
peine avùc la poudre ou l’cpüarla crafle 
qu’ils ont' laifiee fur les Dents. L’ufage 
de certains alimens peut encore en alÂŹ 
térer la blancheur. Les perfonnes qui 
ont l’habitude de fe rincer la bouche 
avec du vin rouge pur, s’expofent à cet 
inconvĂ©nient: c’eft pourquoi enfĂš fer- 
vant de vin pour rincer fa bouche (ce 
qui eft bon pour lĂšs gencives ), il faut 
enfuite fe bien efluyer les Dents , & 
«avoir recours Ă  la poudre, ou Ă  l’opiat, 
quand la crafle ne peut ĂȘtre enlevĂ©e par 
les frottemens. Ceux qui fument, ou qui 
mùchent du tabac pour leur fanté, ou 
par Ample habitude, ont ordinairement 
les Dents noires, & ne peuvent guĂšres 
Tome L ” R 



ĂŻ<?4 De l'Art du DentijĂźe . 

recouvrer leur blancheur, qu’en renon-ï 
çant à la pipe ou au machicatoire. 

Une habitude infiniment plus danger 
reufe, eft celle d’u.fer de certaines pou¬ 
dres ou de certains opiats compofés de 
corrofifs, tels qu’en diftribuentles Char¬ 
latans. Cespernicieufe.s drogues , aprĂšs 
avoir donné quelque éclat aux Dents y 
non-feulement leur ĂŽtent fans relfource 
leinrblancheur naturelle &.les rendent 
livides, mais les détruifent infaillible 
ment. Le. blanc qu’on met fur le vifage 
gùte au fil les. Dents de plufieurs manié 
ré. Il fe forme fur la Dent, au bord des 
gencives.,, une. efpĂšce de ver-d-de-gris 
qui commence par la ternir , qui enfin- ' 
te la delfĂ©che & en brĂ»le l’émail, fi l’on 
n’a beaucoup d’attention à le faire îter , 
à mefure qu’on en apperçoit le moin¬ 
dre vefiige. 

Au refie, quelques, foins qu’on pren¬ 
ne pour çonferver lÚs Dents blanches, 
il. faut obferver que leur- blancheur duÂŹ 
re plus ou moins , fuivant la qualité des 
Dents , & la fanté dont on jouit. Il y a 
d’ailleurs plufieurs degrĂ©s de blancheur 
qui font l’ouvrage de la Nature y&que:. 
l’Art ne peut changer. L’émail eft ordie 



Del’Art duDentijüe. ipf 
nairement dans fon plus grand éclat juf- 
qu’à l’ñge de 30 ans. Cet Ă©tat dĂ©cline Ă  
40, & d’annĂ©e en annĂ©e on s’apper- 
çoit que les Dents font moins blanches : 
foit que l’émail s’ufe ou devienne plus 
mince; foit que les Dents deviennent 
plus compares , ou que les canaux denÂŹ 
taires s’obftruent; foit que le fuc nour¬ 
ricier s’y porte moins abondamment ou 
plus difficilement, parce que les vaif- 
feaux font plus étroits ; foit enfin que la 
lymphe qui arrofe les Dents foit moins 
blanche elle-mĂȘme, ou plus chargĂ©e de 
parties féreufes & jaunùtres. : * 

De toutes les caufes qui terniflent les 
Dents, les plus communes font le limon , 
& le tartre qui les recouvrent d’une e£- 
pùce de vernis trùs-fale, & fou vent d’u¬ 
ne croûte épaiffe. Pour faire reparoßtre 
la blancheur cachée fous cet enduit jau 
ne ou noir, il faut exactement l’empor¬ 
ter , ce qui fe fait fans beaucoup de peiÂŹ 
ne. Cette facilité pourtant ne doit pas 
faire moins redouter le tartre 8 c le liÂŹ 
mon, dont le moindre féjour fur les 
Dents intéreife leur folidité. 

Certaines Dents ternies ou livides 
ent perdu leur blancheur, par l’effet de 
Rij 



'ĂŻ $6 DeVArtduDentijle 
quelque coup violent qu’on a elfuyĂ© dans 
la jeunelTe, de dont la commotion a proÂŹ 
duit, dans les canaux dentaires, un épan 
chement qui s’eft communiquĂ© au corps 
fpongieux. Le cordon de ces fortes de 
Dents périt par de petites-fluxions, 
qui de tems en tems y fur viennent, & 
le canal ne fe remplit jamais davantage. « 
Lorfque l’accident, dont je parle, ( ce¬ 
lui des coups dans les Dents) eft arrivé à 
un certain Ăąge, oĂč le canal s’eft trouvĂ© 
affez étroit, & les Dents intérieurement 
bien garnies, s’il le fait alors un Ă©pan- 
chement dans leurs canaux, il eft beauÂŹ 
coup moins conftdérable, & altÚre peu 
la couleur des Dents, au moins Ă  ce que 
j’ai pu remarquer, 

§. IL 

De la formation duTartre Cf de fes in-, 
çonvéniensy 

1T es Dents , maigre leur utilité fl 
J_ t prĂ©fente, fl fenftble, & : d’une Ă© viÂŹ 

dence dont chaque inftant nous averÂŹ 
tßt, font la partie la plus négligée. On 
les laiffe communément aller au gré de 


De VAri du DentĂŻjĂźei tQ~f 
la nature , fans faire la moindre attenÂŹ 
tion aux inc onvéniens fans nombre qui 
fuivent ou accompagnent leur perte. SI 
l’on a quelquefois recours au thentifie, 
c’efl prefque toujours Ă  l’extrĂ©mitĂ©, lorÂŁ 
qu’il n’y a plus .de remedes , ou qu’on 
peut tout-au-plus éluder pour trÚs-peu 
detemsla perte des Dents ; enforte que 
malgré lui le Dentifle efl bien moins, 
occupĂ© de leur confervation., qu’à en 
délivrer promptement ceux qui les ont 
laiffé périr. Le plus prompt effet de cette 
négligence, efl la formation du tartre 
qu’on a autrement nommĂ©' Chancre „ parÂŹ 
ce qu’il ronge, non-fùulement les genci¬ 
ves , mais encore les alvéoles, & la mem 
brane qui revĂȘt les racines des Dents. 
Or, comme ce font toutes ces parties 
qui lés maintiennent fermes & folides , 
lorfqu’elles font dĂ©truites conjointeÂŹ 
ment ou féparément, lesDents devien 
nent chancelantes, & tombent bienÂŹ 
tĂŽt , faute de foutien , fi on nĂ©glige d’y 
apporter les foins conyenables. 

Le tartre fe forme par couches,du liÂŹ 
mon gras & vifqueux qui s’attache fur 
les parties dures , telles que les Dents , 
quand on n’a pas l’attention Se l’enle- 

R ĂŒj 



Yp8 De l’ Art du Dentijfe. 
ver tous les matins. Ce limon provient 
<le pĂźufieurs caufes : de certains alimens 
qui s’attachent & relient fur les Dents; 
d’une falive viciĂ©e, ou trop Ă©paiife ; des 
mauvaifes digefdons qui renvoyent des 
fumées groffiéres, & qui viennent aufli 
quelquefois des poulmons ; de certaine 
pituite ; des maladies , & mĂȘme des re- 
medes' dont on ufe. A mefure que ce 
limon fe durcit, il fe change en tartre. 
Il' augmente peu Ă  peu par de nouvelles 
couches quife dépofent fur la premiÚre, 
& il s’incrufte & s’épaiffit Ă  tel point 
que j’en ai ĂŽtĂ© Ă  quelques perfonnes, 
des Dents inférieures vers la langue, 
des morceaux aufli gros que des amanÂŹ 
des. On éviter oit tout ce défordre, fi 
chaque jour, le matin, on prenoit lé 
foin d’enlever avec une Ă©ponge le liÂŹ 
mon qui s’eft attachĂ© pendant la nuit fur 
les Dents. Faute de cette attention fur 
foi-mĂȘme, le tartre une fois formĂ© s’acÂŹ 
cumule , & couvre les Dents d’une croû 
te, qui .non-feulement les rend dégoû 
tantes , mais d’oĂč s’exhale encore fou- 
vent une odeur fort défagréable. 

Les Incifives de la mùchoire inférieu 
re font pTĂčs fujettes au tartre, que cel- 



Ăź)e VArt du Dentifle. l$p 
les de la mùchoire fupérieure, fur-tout 
dans la face intérieure ou la falive fé- 
journe le plus, & oĂč la langue porte enÂŹ 
core le limon. Lorfque quelque Dent 
douloureufĂš empĂȘche de manger d’un 
cĂŽtĂ© , l’inadion de la Dent malade & 
de fes voifmes, fait que le tartre s’y, 
amaffe en grande quantité. 

A un certain ùgé, & dans là v-ieillef- 
fe, ĂŽn eft ordinairement plus fujet, que 
dans là jeuneife, à contracter du tartre» 
Il n’eft pourtant point rare de voir aux 
jeunes gens-des Dents qui fe couvrent 
de tartre, Ă  mefure qu’elles fortent dĂ©s 
gencives ; mais alors il provient des dif- 
polirions & des vices que nous avons 
marquĂ©s. Par quelque caufĂš qu’il foit 
produit, & dans quelque cas que ce foit, 
Ăąuffi-tĂŽt que ce Corps Ă©tranger s’eft acÂŹ 
cumulé fur les Dents, il faut prompte 
ment l’enlever; autrement il fait furies 
gencives une telle compreffiîn, qu’il 
empĂȘche le retour des liqueurs , qui 
par leur féjour fe corrompent, & dé- 
truifent enfin tĂŽt ou tard les gencives * 
les alvéoles, & le période des racines. 
En effet, Ă  mefure que le tartre augmenÂŹ 
te de volume 3 il gagne de plus en plus 



'200 De VJrt du Dentifle, 
les gencives, qui par fa prĂ©fence s’enÂŹ 
gorgent & fe gonflent peu Ă  peu. Le 
fang, oĂč la lymphe fĂ©reufe qui les abreuÂŹ 
ve , s’épanche par la rupture des vaif- 
feaux. L’alvĂ©ole, dont la membrane efl: 
aufïï gonflée, fe dilate , & le fluide qui 
s’y rĂ©pand y croupit. Ainfi tout fe dé 
truit Ă  la fois : les gencives, auparavant 
fermes & folides, deviennent flafques, 
fongueufes , & charnues ; les alvéoles 
. s’amolliflent aufli quelquefois ;lesDents 
deviennent douloureufes & branlantes. 
Cependant, tant que ces parties ne font 
pas entiÚrement appauvries & détrui 
tes , en ĂŽtant exactement le tartre, & en 
évacuant le fluide, dont les gencives 
& les alvéoles font également fubmer. 
gés, on peut redonner de la folidité aux 
Dents. Mais fi l’on diffùre trop, le tar¬ 
tre s’accroüt tellement de jour en jour, 
qu’il n’y a plus moyen de fauver les 
Dents, parce que tout ce qui les foute- 
noit fe trouve détruit fans relfource ; ce 
qui fait qu’en ĂŽtant alors ce corps Ă©tranÂŹ 
ger , on ne fçauroit empĂȘcher les Dents 
d’ĂȘtre douloureufes , & de pĂ©rir enfin, 
aprĂšs avoir bien fait fouffrir. 

Les Dents ainfi déchauffées, 8 c déra* 


De VAn du Dentifle. 201 

cxnées par le tartre, non-feulement font 
difformes par le feul allongement, mais 
refufent mĂȘme le ferviee, quand elles 
n’ont pas confervĂ© une foliditĂ© fufĂŻifan- 
te. Le plus fouvent elles caufĂšnt des 
fluxions qui forcent le malade Ă  les faire 
îter, & à ne pas attendre qu’elles tom¬ 
bent d’elies-mĂȘmes. 

Quelques perfonnes, aprĂšs s’ĂȘtre fait 
nettoyer les Dents, les voyant toutes 
dĂ©chauffĂ©es & branlantes par l’effet du 
tartre qui les a minĂ©es, croyent qu’elles 
ne font en cet étatique pour y avoir fait 
toucher. Elles communiquent leur'pré 
jugĂ©s Ă  d’autres, & l’erreur s’accrĂ©dite 
ainfi par tradition. Mais fi ces perfonÂŹ 
nes avoient eu plus de foin de leurs 
Dents ; fi elles euflÚnt appellé le Den- 
tifle, avant que le tartre en eût détruit 
le foutien ; fĂŻ, aprĂšs avoir fait ĂŽter ce 
tartre, elles avoient eu l’attention d’em¬ 
pĂȘcher qu’il ne s’en formĂąt de nouveau * 
elles auroient confervé leurs Dents. 

Un autre préjugé non moins dange 
reux , eft de prĂ©tendre, comme on l’enÂŹ 
tend dire Ă  quelques perfonnes, que 
quand on a une fois fait toucher Ă  fes. 
Dents , il faut fans cdfe dans la fuite 



2 02 De l’Art du Dentijüe. 

avoir affaire au Dentiile, parce qu’a- 
lors les Dents fe faliffent bien plus 
promptement qu’auparavant. C’eft en¬ 
core un préjugé aufli faux qui fait croire 
Ă  beaucoup de gens, que les feuls inftru- 
mens d’acier dont on fo fert pour net¬ 
toyer les Dents en ĂŽtent l’émail, & les 
Ă©branlent. Rien de tout cela n’eft Ă  
craindre, lorfqu’on employĂ© un bon 
Dentifte. Il ne faut qu’en attefter l’ex¬ 
périence , & le témoignage de tous ceux 
qui ont recours Ă  nous tous les jours. 
Mais voici ce qui donne lieu à ces ré- 
dicules & ĂŻrĂšs-fauffes imputations. Bien 
des perfonnes, aprĂšs avoir fait nettoyer 
leurs Dents,les laiffent retomber par leur 
nĂ©gligence dans le mĂȘme Ă©tat oĂč elles' 
Ă©toient, & fur l’idĂ©e qu’il ne faut point 
y faire toucher fi fou vent, ils croyent 
ĂȘtre quittes de tous foins ; ce qui fait 
qu’elles ne tardent pas à devenir encore 
plus fales, plus chargĂ©es de tartre qu’auÂŹ 
paravant. On ne penfĂš plus Ă  fes Dents* 
que quand elles commencent,Ă  refufer 
le fervice : c’efl: alors qu’on ouvre les 
yeux, & qu’on revient au Dentifte, pour 
exiger fouvent de fon Art les fecours 
qu’il ne peut plus donner > parce qu’oa 



De VÀrt du Dentijfe: 2.03 

les a demandes trop tard , & que les 
meilleurs remedes ne font pas Ă  beauÂŹ 
coup prùs l’effet qu’auroient pu faire 
les moindres remedes employés à tems. 
L’exemple efl encore ici fort conta¬ 
gieux. On voit beaucoup de gens qui fe 
piquent de négliger leurs Dents, parce 
qu’ils fĂšfient fur letr bonne qualitĂ©, SI 
qu’ils ne penfent pas qu’elles puiffent ja¬ 
mais leur manquer. Cette confiance‘à la 
vérité réufßit à quelques perfonnes, qui , 
fans rien faire Ă  leurs Dents, les confer- 
vent affez long-tems faines 8c folides.. 
Mais c’efl une dĂ©rifion que d’attribuer 
la durĂ©e de ces mĂȘmes Dents, au peu de 
foin qu’on en a. Elle n’efl due qu’à là 
bonté du tempérament du fujet, & à la 
bonne conformation des Dents ,des genÂŹ 
cives & des alvéoles qui fe confÚrvent 
ainfi naturellement d’elles-mĂȘmes. Il efl: 
pourtant rare qu’à la fin on ne foit pas 
la duppe de fa négligence. La plupart 
de ces Dents fi fortes manquent tout Ă  
coup, 8c pĂ©riffent dans le tems qu’on s’y 
attend le moins. Mais pour un petit nomÂŹ 
bre de perfonnes qui fÚmblent privilé- 
gées à cet égard, combien en efl-il qui 
ne parviennent Ă  conferver leurs Dents 



204 *De V Art dit DentijĂź'e. 
que par une grande attention, & q^ 
feroient avant 30 ans privées de cet 
utile ornement, fans le foin particulier 
qu’elles en ont ! C’efl: par l’effet de ces 
bons foins, que des Dents foibles & dé 
licates , qui, pour peu qu’ondes eĂ»t né 
gligées, auroientété bien-tÎt détruites, 
de maintiennent jufque dans un Ăąge avanÂŹ 
cé , & fubfiftent quelquefois plus long- 
tems que les Dents de la meilleure quaÂŹ 
lité abandonnées à la nature. 

Tous les Dentiiles qui ont écrit un 
peu à fond fur cette matiÚre, ont dé 
montré combien la confervation dÚs 
Dents intéreffe la fanté & la vie. Il ne 
faut en effet 1 -, pour s’en convaincre, que 
fe repréfenter nettement leur mécanif- 
me & leurs fondions. Perfonne n’igno¬ 
re que les Dents font les principaux inf- 
trumens de la maftication. La langue 
qui dans cette opĂ©ration fait l’office 
d’une pelle » aidĂ©e du mouvement des 
pues, ramaffe les alimens échappés aux 
Dents, ou .qui n’étoient pas fuffifam- 
ment broyés , & les rapporte fous la 
meule, pour que la mouture s’acheve 
par le jeu des deux mĂąchoires. La falive 
qui affiue alors dans la bouche pénétre 



De VArt du DentĂŻjĂźe'. 26? 
cette pĂąte , & la lubrifie. Quand elle eft 
bien difpofĂ©e pour la dĂ©glutition, c’eft 
encore la langue qui la reprend, & qui 
la poufle*vers le gofier. De-là l’àefopha- 
ge la conduit dans l’eftomach, oĂč elle 
s’arrĂȘte pour ĂȘtre cuite & digĂ©rĂ©e. Ain fi 
quand toutes ces opérations fe' font de 
cette maniéré & fans embarras, le chyle 
que donnent les alimens eft doux , fluiÂŹ 
de , plein de fubftance, & par confisÂŹ 
quent propre à réparer, à nourrir & à 
vivifier toutes les parties de la machine. 
Si au contraire la maftication eft mal 
faite,il efl: ailĂ© de "concevoir la peine qu’a 
l’eftomach Ă  cuire & Ă  digĂ©rer cette 
mafle. Elle y féjourne donc plus long- 
tems, & le chyle qui en provient ne 
peut manquer d’ĂȘtre Ă©pais, greffier, de 
s’aigrir mĂȘme & de ri’arriver que fort 
lentement au vifeere d’oĂč fe fait la dif- 
tribution. De-lĂ  les indigeftions de touÂŹ 
te efpece , les obftructions dans le 
mĂ©fentere , l’embarras dans la circuÂŹ 
lation , les engorgemens ; en un mot » 
une foule die maladies dont la fource eft 
d’une part la nĂ©ceffitĂ© de manger, & de 
l’autre la difficultĂ© de faire palfer les. ali- 
jmens dans l’état que l’eftomach les de-. 



20 6 De VArt du Dentijle. 

mande. On voit donc combien la bonne 
qualité des Dents contribue à la fanté , 
& de quelle importance il eft de confer- 
ver j Ă  tout Ăąge , ce premier instrument 
de la digeftion. 

Comme on abufe prefque toujours 
de fes avantages naturels , la bonté des 
Dents ne doit pas induire perfonne Ă  
trop manger, ni à broyer plus d’alimens 
que fon eftomach n’en peut contenir. 
Car les mĂȘmes inconyĂ©niens qui font 
produits parle défordre des Dents, ar 
rivent encore plus fréquemment par les 
excĂšs de l’intempĂ©rance. Je remarque 
encore un abus aufli commun que per- 
■ nicüeux-Bien des gens pourvus de Dents 
excellentes, ne fçavent prefque point 
s’en fervir : ils mangent avĂȘc tant de 
prĂ©cipitation, qu’ils avalent les alimens 
a demi-broyés, & laiflÚnt tout faire à 
leur eftomach. Ces voraces font ména- 
cĂ©s des mĂȘmesinconvĂ©niens , que ceux. ' 
qui font privés de leurs Dents. 

Les Dents (on l’a tant dit) ne font 
pas fi cheres & fi précieufes , feule 
ment parce qu’elles prĂ©parent notre 
nourriture, & qu’elles font l’inftrument, 
immédiat de notre fubfiftançe : on fçait t 


De V Art du DentĂźfte. io-f 
que d’elles dĂ©pendent encore l’articuÂŹ 
lation exaéle & nette, la belle pronon 
ciation , l’agrĂ©ment de la voix qu’elles 
rendent plus fonore, & la fànté de la 
poitrine qu’elles empĂȘchent de s’épui- 
fer par le chant ou par la parole, en inÂŹ 
terceptant une partie -de l’air qui en 
fcrt. Quant à l’ornement naturel que 
les Dents forment dans la bouche© M. 
Mouton l’a cĂ©lĂ©brĂ© dansfon OdontoteÂŹ 
chnie. Qui d’ailleurs n’a point remarquĂ© 
combien le défaut de Dents défigure ? 
Les joues dĂ©nuĂ©es de ce foutien, s’enÂŹ 
foncent & fe creufent; la voix fe caffe, 
ou perd au moins la netteté qui en eft 
le principal agrément ; la filive en par 
lant s’échappe-; en un mot,,tous lestraits 
de la vieillelfe s’impriment avant le tems 
iĂčr ceux dont la bouche eft dĂ©meublĂ©e 
de bonne heure. Il eft.bien vrai qu’on 
remédie à ces inconvéniens extérieurs , 
par le moyen des Dents artificielles.: 
Lorfque ces Dents font bien faites * 
& d’une proportion exacte , elles rem¬ 
placent les plus belles Dents naturelles » 
& rendent; a peu prĂšs les mĂȘmes fer- . 

Quand on feroit, peu curieux de la 


20§ De T Art du Detitijße. 
cĂŽnferVation de fes Dents, par rapport 
aux avantages extérieurs, elle intéréffe 
trop la fanté,pour que la moindre négli 
gence à cet égard foit pardonnable. En 
effet, quelle incommoditĂ© n’eft-ce pas 
d’ĂȘtre privĂ© des inftrumens nĂ©ceffaires 
de la nutrition, ou de les avoir en fi 
mauvais Ă©tat, qu’il vaudrait prefque au- 
tant%i ĂȘtre privĂ© ? La vib peut-elle ĂȘtre 
agrĂ©able, lorfqu’onne peut plus manger 
que desalimensprefque liquides, qu’on 
eft réduit en quelque forte à la nourri 
ture de l’enfance, qu’il faut malgrĂ© foi 
s’abftenir de ce qui flatte le plus notre; 
goĂ»t, Ă  peine d’acheter bien cher le 
moindre relĂąchement qu’on peut fe pĂ©ri; 
mettre, & de payer quelquefois mĂȘme 
de la vie ? Si Ton eft foiblement touché 
pour foi-mĂȘme.des 'maux qu’entraĂźnĂ© la; 
perte des Dents,-, on devroitdu moins 
affurer à fes enfans la confervation d’un 
bien qu’on regrettera tĂŽt ou tard,' &!Ă©ur 
en faire fentir le prix.Il fĂąudrbit-donc que 
les peres & meres, aprĂšs leur avoir proÂŹ 
curé une bonne Dentition par les moyens 
que j’ai recommandes, les accoutumaf-t 
font de bonne heure Ă  avoir foin de leur 
bouche, GettÚ habitude,étant contraélee 


De fsirt du Dsmifie. 209 

dÚs la premiÚre jeuneffe,pùfferoit en né- 
celfitĂ©, & c’en ferait pour toute la vie» 
Au lieĂŒ que, quand Ă  un certain Ăąge iL 
faut s’affujettir à de pareils foins, il en, 
coûte toujours beaucoup ; encore les. 
Gublie-t’on fbuvent, ce qui fait retom¬ 
ber peu Ă  peu dans, la mĂȘme nĂ©gligence 
qu’auparavant» 

On voit tous les jours des perlonnes, 
qui prĂ©tendent ĂȘtre fort foigneufes de 
leurs Dents, & qui pourtant n’empĂȘÂŹ 
chent point le tartre de s’y amaffer. Mais ' 
quand tous les foins dont fe piquent ces 
fortes de perfonnes fe borneront Ă  rincer 
exactement leur bouche,fans autre régi 
me , jamais elles n’enleveront le limon- 
qui par fucceffion de tems forme.utfcorgs;- 
t-artareux capable d’ébranler & de dé 
chauffer les Dents. Can’eft que par une; 
grande attention fur foi-mĂȘme & au pris, 
d’un rĂ©gime exact, qu’on en voit d’auÂŹ 
tres conferver pendant-toute leur vie & 
dans, un ùge trÚs-avancé-leurs Dents; 
également belles & faines- Si., aprÚs; 
avoir fait bien nettoyer fĂšs Dents., on;, 
Ă©toit exaĂ©l Ă  les foignĂȘr,- on. les main—, 
tiendrait toute fà vie en bon état 
fans qu’il s’y formñt de.tartrealorsili k 
Terne. 1,. " . 


210 De VArt du Dentifte. 

ne feroit plus befoin d’avoir recours aux 
ferremens fi redoutés de la plûpart de 1 
ceux, qui par leur négligence en ren 
dent l’ufage inĂ©vitable. 

Il s’agit Ă  prĂ©fent de dĂ©truire le pré 
jugé qui eft fi commun ,.par rapport à 
ces ferremens. Ceux qui croyent que 
les inftfumens du. Dentifte altĂšrent & 
emportent l’émail des Dents, font mani- 
feftement dans l’erreur. L’acier n’en- 
leve que le tartre, & n’intĂ©reffe point 
la Dent fiir laquelle il ne fait que gliffer, 
quandla croûte en eft Îtée. APégardde 
l’ébranlement que l’on craint en faifant 
nettoyer fes Dents , lorlqu’on a affaire 
Ă  un habile homme, on ne court pas 
le moindre rifque. D’ailleurs ,- quand 
les Dents auroient été ébranlées par 
quelque mal-adroit ou par quelque 
mauvais Dentifte , fi les gencives & 
les alvĂ©oles font d’une bonne confti- 
tution, deux fois 24 heures aprĂšs elles 
auront repris leur lolidité. Il y en a 
mille exemples & mille preuves. 1*. 
Tous les jours on déplace une Dent, 
pour la remettre dans une autre place. 
On ĂŽte encore entiĂšrement de la bouÂŹ 
che des Dents qu’on y remet fur le 


De l’Art du Dentifle. su 
champ ; on en tranfplante quelques-unes 
d’une bouche dans une autre ; on en 
luxe auffi fréquemment, pour rompre 
leurs nerfs : toutes ces Dents extirpées > 
replantées, luxées,le confondent promp 
tement , & reprennĂšnt leur confiftence. 
Rien donc de plus faux que le préjugé 
for lequel on fonde l’éloignement qu’on 
a pour fe faire nettoyer les Dents. Os 
craint de les Ă©branler, en faĂŒĂ nt enlever 
le tartre qui détruit entiÚrement leurs 
foutĂŻens & les fait tomber, fans refĂŻour- 
ee j on ne craint point le féjour de ce 
mĂȘme tartre qui feul eft Ă  craindre. 

Voilà les préjugés populaires dont 
les Charlatans fçavent profiter. G’effi 
alors qu’ils 'lignaient leuradreflù,& qu’ils 
redoublent d’indĂŒftrie, pour mieux dé 
biter leurs drogues. Tous les jours ils 
■inventent de nouveaux remedes, dont 
FeflĂšt ordinaire (fuivant leurs pro- 
mefles ) eft de rendre inutiletout l’Art 
des Dentiftes.«CeIui-ci vant% une pou 
dre merveilleufe dont il raconte, os 
fait raconter par gens auffi faux que; lut 
des miracles & des prodiges lĂąns nomÂŹ 
bre. Cet autre a un prétendu opiat que 
a -la vertu de régénérer, qui fait re- 



'zi 2 De P Art du Dentifte. 

croĂźtre, Ă  ce qu’il dit, & renaĂźtre l’émail 
ou les gencives, & qui raffermit les 
Dents chancellantes. Or, c’eft à peu 
prĂšs la mĂȘme chofe que fi on promettoit: 
Ă  un homme, auquel il manque un doigt 
ou un bras , de lui en faire recroĂźtre un 
autre. En effet, quand les gencives font 
détruites, que la racine eft prefque à 
nud & fans foutien , comment conceÂŹ 
voir que ces parties qui font entiĂšrement: '' 
eonfumĂ©es,reviendront couvrir la mĂȘme 
racine, & confolider la Dent-chancel- 
lante ? Loifqu’iln’y a que les gencives 
de malades , & que les alvéoles, non plus 
que la membrane qui les tapĂźffe, ne. 
font pas dĂ©truits, ou du moins qu’ils, 
ne le font qu’en partie, en fàifant ceffer 
la caufe du mal, on peut en faire ceffer 
l’effet. Ainfi telles Dents . qui Ă©toienc 
branlantes , deviennent quelquefois ferÂŹ 
mes & folides par un traitement bien: 
entendu. 

Parmi iousles prétertduséElixirs van 
tĂ©s pour les Dents, je n’en ai point vĂ» 
de plus cĂ©lĂ©brĂ©, que celui- qu’annonce- 
rent il y a quelques années le Mercure 
de France, & quelques autres Papiers 
publics. L’honneur de. ma. profefEon- 




214 Ce r Jrt du Deruijle. 

dans cet Elixir. Quant à la fécondé pro 
priĂ©tĂ© qu’on lui attribue, & qui etb 
d’empĂȘcher la formation du tartre , elle 
n’eft pas moins fauffe que la premiùres 
On n’a pas befoin d’Elixir , pour fe ga¬ 
rantir du tartre' & l’empĂȘcher de fe 
former : il ne faut qu’avoir foin de fa 
bouche, & obferver ce que j’ai prefcrit. 

Je ne dis pas qu’il n’y ait des reme- 
des propres a fortifier les gencives, & 
à les préferver de bien des maladies- 
M. Fauchard nous, a donné plulietirs 
compofitions de ce genre dans le ChiÂŹ 
rurgien Dentijle, & j’en publie dans 
mon Ouvrage aulfi quelques-unes dont 
j’ai {jour garant mon expĂ©rience. Mais 
la bontĂ© de ces remedes veut-ĂȘtre fé 
condée par les foins & par la main du 
Dentifte : il faut toujours ĂŽter le vice 
local, tel que le tartre & tel que le fang 
fiiperflu qui engorge & fait affaiffĂȘr les 
gencives. Sans ces opérations préala 
bles , les meilleurs Elixirs , le BĂąton di 
corail , 8c autres topiques, de quelque 
nature qu’ils puiflent ĂȘtre, ne produiÂŹ 
ront que trùs-peu d’effet , & nuiront 
au contraire Ă  proportion de la conÂŹ 
fiance ou de la fÚcurité que nous, infpiÿ 


De l’Art du Dentijüe. 21$ 
fera leur ufage. L’Auteur du merveil¬ 
leux (Elixir qui heureufement pour le 
bien public , aprĂšs une vogue paffa- 
gere, eft aujourd’hui prefque ignorĂ©) , 

' confeilloit de ne jamais faire nettoyer 
fes Dents, parce que cette opération , 
difoit-il, leur faifoit beaucoup de tort) 
einfi qu’aux gencives. On doit ĂȘtre raf- 
‘forĂ© fur cette fauffe crainte, par tout 
ce que j’ai dit plus haut. De plus, il ne 
faut qu’un peu’de bon fens, pour voir 
que le Marchand d’Elixir rie cherche à 
faire redouter la main duDentifte, que 
pour mieux, débiter fa^Drogue. Il féroit 
fens doute à fouhaiterjqu’on put en effet 
trouver le moyen-, par l’ufage d’une 
fimple liqueur, d’empĂȘcher les Dents dĂš 
fe charger dé tartre, & de maintenir en 
bon Ă©tat les gencives: mais l’expĂ©rienÂŹ 
ce n’a que trop feit voir l’inutilitĂ© des 
topiques, fens les foins affidus dé ceux 
qui font un peu jaloux de leurs Dents ,. 
& fens l’Ɠil Ă©clairĂ© du Deritifte. Il pa- 
roĂźt mĂȘme que l’Auteur de l’Elixir etĂŻ 
queftion n’en a pas eu beaucoup de dé 
bit , ou qu’enfin le cri de tous ceux qui 
en ont ufĂ© fens fuccĂšs l’a forcĂ© de recon- 
noütre publiquement fon infiÆfence par 


Ăą 1 6 De l’Art du 'DtnĂ»jte. 
rapport au tartre. Car dans un imprimé 
oĂč il donne la façon d’employer ce mĂȘÂŹ 
me Elixir & d’autres drogues qu’il dé 
bite , il recommande de faire avant tout 
emporter par les moyens ordinaires le 
tartre des Dents. De plus» quand l’occa- 
ïion fe préfente de nettoyer les Dents à 
quelqu’un » ce mĂȘme homme aujourd’hui: 
Me la manque point, & reprendra métho*' 
de qu’il a dĂ©criĂ©e. Il y a donc bien de 
l’apparence qu’il efĂŻ revenu de fes pré 
jugés , & je fouhaßte que fa converfion 
puiffe opérer celle des perfbnnes qui 
font encore dans la mĂȘme erreur. J’au- 
rois bien voulu me dilpenfer de m’étenÂŹ 
dre lur fon Elixir : mais j’aurois cru man¬ 
quer au Publicfi dans un ouvrage etré 
«repris par le feul motif de lui ĂȘtre utile, 
j’avois paffĂ© lĂ©gĂšrement fur un femblable 
palliatif. D’ailleurs peut-on trop pré 
munir les perfonnes crédules contre 
l’abus que les Empyriques font tous les 
jours de leur confiance ! 


CHAPITRÉ 


De F Art du Dentifie. 21? 

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CHAPITRE QUATRIÈME. 

Des Maladies des Alvéoles, de celles des 
Gencives , G r de leur guérifon. 


§. I. 

Maladies des Alvéoles. 

T es Alvéoles fontfufceptibles 
I s de carie comme les Dents mĂȘme , 
.mais plus rarement. Les caufes ordiÂŹ 
naires de cette maladie, font un vice 
fcorbutique ou vĂȘnĂ«riem, oĂč. quelque 
■dĂ©pĂŽt produit d’ordinaire par .quelqpĂš 
Dent gùtée dont la matieré viciée a trop; 
long-tems léjourné dans cette partie. 

Les alvéoles font encore fujets à fe 
confumer & à fe détruire à peu prÚs com 
me les racines dés premiÚres Dents ou 
Dents de lait, fans qu’il en refte aucun 
veftige'. C’eltce qu’on peut ĂŻĂčrtout qb- 
ferver,quand les racines fe: décbauffent, 
Tome I. I 




218 De l’Art du Dentijle ; 

& dans la fuppuration des gencives. CetÂŹ 
te maladie eft trĂšs commune : elle eft 
ordinairement caufĂ©e par l’engorgement 
des gencives oĂźi le fang fe corrompt par 
fon Sjour ; par une lymphe Ăącre & cor- 
rofĂźve qui en abreuvant ces parties les 
mine peu à peu ; par la feule préfençe 
du tartre, ou par l’effet d’un limon ñcre 
& corrofif qui pénétre fous la gencive > 
& jufqu’à la racine de la.Dent. Ces diffé 
rentes caufes font plus ou moins de raÂŹ 
vage , félon la qualité des alvéoles & 
les difpofitions du fujet. Les alvéoles 
& les cloifbns intermédiaires qui occu-; 
peat les intervalles des racines, s’amol- 
liifent aulE quelquefois , & deviennent 
d’une fubftance charnue; ce qui pro¬ 
vient de la ftagnation du fang, ou d’une 
lymphe féreufe qui fe trouve infiltrée 
dans les gencives : l’abondance de ces 
fluides, en féjournant dans les alvéoles 
ou-aux environs, produit affez fouvent 
cet effet, ce qui mit juger que la Dent 
n’a prefque plus defoutien, & qu’elle eft 
par consĂ©quent douloĂčreufe. Aux per- 
fonnes repletes & pituiteufes, l’ébranÂŹ 
lement des Dents commence par ' le dé 
faut des gaines offeufçs qui font affee- 


De VArt du Dentijle. ait) 
fĂ©es de quelqu’une de ces maladies, Se 
qui périffent fi on ne veille continuel 
lement Ă  leur confervadon. 

Les vieillards perdent d’ordinaire 
par l’ébranlement les Dents qui ont 
Ă©chappĂ© Ă  la carie, 8c c’eft prefque touÂŹ 
jours ici l’alvĂ©ole qui manque ; parce 
que le fluide qui circule dans cette parÂŹ 
tie n’a plus la mĂȘme-qualitĂ©,, foit que le 
cours en foit plus lent, (bit qu’il n’y ait 
plus allez de (lie nourricier, ou qu’il 
foit appauvri de quelque autre maniéré. 
Quelle qu’en puiffe ĂȘtre lacaufe , il eft 
certain que dans la vieilleffe les racines 
des Dents lont communément dégarnies 
tant du cÎté des alvéoles, que de celui 
des gencives, Sc qu’elles font par con- 
fĂ©quent peu folides. J’ai cependant reÂŹ 
marquĂ© que les vieillards d’un tempé 
rament bien fec confervent aflez fou- 
vent leurs Dents fermes jufqu’à un ñge 
fort avancé 

La durée' des alvéoles dépend de la 
durée des gencives; le bon ltat.de cel 
les-ci empĂȘche ceux-lĂ  de fe dĂ©truire. 
Ainfi en travaillant Ă  la confervation des 
gencives, on pourvoit à celle des alvéo- 

‱ SÜi 



'220 


De VArt du DentijĂźe: 


S* IL 

Des gencives en Général. 

L es Gencives ne font guéres 
malades que les alvĂ©oles ne s’en 
reffentent, & quand les alvéoles font 
détruits , les geitcives ne relient pas 
long-tems dans leur état naturel : elles 
fe retirent, elles fuppurent, & les raciÂŹ 
nes qui fe trouvent a nud leur devienÂŹ 
nent un corps étranger. 

Il elt bon d’oblùrver en paffant que 
les Dents par leur feule préfençe, ou 
par la carib dont elles font affectées a 
produifent la plupart des maladies qui, 
attaquent communément les gencives. 
Quand une racine eft dĂ©nuĂ©e d’alvĂ©ole » 
la gencive qui fobfifte alors, mĂȘme 
celle qui n’eft point retirĂ©e, ne pouvant 
s’adapter for cette racine } .ne Içauroit 
ĂȘtre en bon Ă©tat; mais - cette maladie, 
ji’eft point dangĂ©reĂŒfe. Car lorfqu’une 
Dent Ă©ftfans reffource, qu’elle n’a plus 
aucun foutien, & qu’elle ne peut,qu’m-?, 
commoder, aufft-tĂŽt qu’elle eft ĂŽtĂ©e >M 






222 De l'Art du Dentijle. 
chacune. Lorfqu’elles couvrent trop lĂ© 
corps ou la partie émaillée des Dents , 
c’eft une vraie difformitĂ© , un dĂ©faut 
contre l’ordre naturel. Quand elles laif- 
fent à découvert le collet des Dents, 
c’eĂ» qu’elles font retirĂ©es ou dĂ©truiÂŹ 
tes ; ce qui eft une difformité. La fubC- 
tance des gencives eft toute compofée 
de glandes qui concourent avec les 
autres glandes de la bouche Ă  la filtraÂŹ 
tion de la falive. Elles font enveloppées 
extĂ©rieurement par la mĂȘme peau qui 
tapiffe l’intĂ©rieur de la bouche, & revĂȘÂŹ 
tues intécieurement du périofte qui cou- 
. vre les os maxillaires. C’eft par le moyen 
de ce pĂ©riofte qu’elles font adhĂ©rentes 
aux alvĂ©oles. Le mĂȘme pĂ©riofte va encoÂŹ 
re tapiffer le dedans des alvéoles & les 
racines d’une membrane plus dĂ©liĂ©e qui. 
eft commune aux deux parties : cette 
membrane eft attachĂ©e d’une part aux 
parois internes de l’alvĂ©ole par une inÂŹ 
finité de petits vaiffeaux fortant du pé 
riofte qui couvre les os maxillaires. Ces 
vaiffeaux qui , aprÚs avoir traverfé la 
fubftance de l’alvĂ©ole, ont formĂ© cette, 
membrane > l’attachent encore à la ra¬ 
cine dont ils traverfent auffi la fubftan- 


TJd VArt du Ventijte. iĂźaf 
Ce, & vont former dans l’intĂ©rieur de 
cette racine une autre membrane encore 
plus fine qui en tapiffe le canal. La raÂŹ 
cine de la Dent eft nourrie St vivifiée 
par le fiic que lui portent les vaifleaux 
dupĂ©riofte qui la recouvre , & l’alvĂ©oÂŹ 
le eft ifourri par les vaifleaux du période 
gui recouvre les os maxillaires. 

Les gencives forment une femfluré 
autour de la Dent Ă  l’extrĂ©mitĂ© des 
alvéoles & viennent en embrafler le col 
let conjointement avec le perimaxillai- 
re & la membrane qui'les couvre exté 
rieurement. .C’.eft ainfi- que toutes ces 
membranes fe réunifient pour affermir 
les Dents. 

Les gencives fe divilënt en deux par 
ties , l’une intĂ©rieure' & l’autre exté 
rieure. On appelle la partie extérieure , 
celle qui répond aux joues, & aux lé- 
- vres. La partie‘intĂ©rieure eft celle -qui 
répond au palais , à la mùchoire Supé 
rieure , Ă  la langue, & Ă  la mĂąchoire inÂŹ 
fĂ©rieure. Les gencives s’étendent dans 
chaque macboire j depuis la cinquiĂšme 
.& derniùre Molaire, jufqu’ñ' la pareille 
Molaire du cÎté oppofe tant en-dedans 
gu’en-dehors. Elles forment autour des 



224 De l'Art du Dentifle; 

Dents comme des découpures, ou des' 
fĂȘlions qui les embeliflent,enfaifant for- 
tir leur blancheur. Avant que les Dents 
ayeiit percé , les gencives font tout 
unies, & elles couvrent entiĂšrement les 
alvĂ©oles, jufqu’à ce que les Dents les di- 
vifent & s’ouvrent un paffage. Iftrfque 
les Dents font forties, il refte dans leurs 
interftices une portion de la gencive 
qui n’a point Ă©tĂ© divilĂ©e & qui forme 
une pointe plus apparente aux Dents 
de devant qu’aux autre*. Ces pointes, 
quand clics font bien proportionnées, 
font un bel effet, & rempliffent les vui- 
des que les Dents moins larges vers la 
racine laiffent du cÎté des gencives I 

Lesgencives dépourvûes de Dents, 

. par quelque caufe qué ce foit, fe reti 
rent, fe réunifient'& reviennent dans 
leur premier Ă©tat. Les vaiffeaux qui s’y 
diftribucnt: font, comme aux Dents, des 
artĂšres, des veines, & des nerfs, & ils 
viennent de lĂ  mĂȘme fource. Elles ont 
une infinité de vaiffeaux lymphatiques 
& fanguins qui font d’une extrĂȘme fi- 
neffe, comme dans toutes les parties 
glanduleufes. 

Le principal ufage des gencives efl 



SSùïilrSl! 




'22(5 De VArt du DmtijĂźe. 

férens noms , fuivant les divers fympa 
tĂŽmes fous lefquels elles fe manifellent. 
De-là le gonflement, l’excroilfance & 
les fongofités des gencives. De-là PB- 
poulis , ainfi qu’on appelle l’excroiffance 
extraordinaire de ces parties le Parou- 
lis y ou l’abfcùs d’un certain volume; les 
fiflules, l’ulcĂ©ratiĂŽh Ă  l’extĂ©rieur ou Ă  
l’intĂ©rieur des gencives, & les bubesou 
petits boutons fiftuleux. 

De toutes les .maladies des gencives, 
les plus dangereufes font fins contreÂŹ 
dit les affeùions fcorbutiques & véné 
riennes. Les premiĂšres non - feulement 
les rendent flafques &fongueufes,jnais 
mĂȘme les ulcĂšrent, les rongent & les 
détruifent totalement. Les autres pro- 
duifent quelquefois les mĂȘmes ravages, 
maïs moins fréquemment. 

La caufe la plus ordinaire du gonfleÂŹ 
ment des gencives , eft la préfence du 
tartre. Les gencives, en cet état,font 
épaiffes, élevées, & forment un bour 
relet autour des Dents. Les pointes qui 
s’avancent dans les intetftices des Dents, 
font ordinairement les endroits qui & 
gonflent & s’allongent le plus. Leur 
gonflement eft rarement douloureux. 




'228 De l'Art du Dentifle. 

s’y ĂȘtre Ă©panchĂ©, ou ĂȘtre arrĂȘtĂ© dans les 

yaiffeaux .par fon abondance. 

Lorfqu’aucune des caufes extĂ©rieuÂŹ 
res que nous venons d’articuler n’a con¬ 
tribué au gonflement des gencives, il 
n’y a point à douter qu’il ne foit produit 
par une caufe interne. Alors, fi c’en un 
epaifiiflement du fang ou de la lymphe 
dont la circulation ne foit pas libre, 
il faut humeéter & laver avec des boif- 
fons convenables. Si, malgré le fré 
quent lavage, le gonflement fubfifté en 
core , il faut faire faigner les gencives. 

Quand le gonflement des gencives 
provient de plĂ©thore, ce qu’elles indiÂŹ 
quent elles-mĂȘmes par des Ă»ignemens 
fpontanés, il faut diminuer le volume du 
fang, & faire obferver au Malade Je ré 
gime propre à Ion état. Mais fi le gon 
flement eft produit par la- plénitude des - 
tumeurs, il faut les entraĂźner par des 
purgatifs. C’eft d’abord l’aflĂąire du Mé 
decin : enfuite , s’il eftnĂ©ceffaire, le Den- 
tifte travaillera à ; rétablir les gencives, 
par les moyens que nous avons indi-. 

Les vÎGes fĂšorbutiques ou vĂ©nĂ©riens,qul 
fouvent font auflx gonfler les gencives^ 


»«. X££lSS.JSt 

radicalement,'avant que d’en venir aux 

SSSSBB 

vaxzsaasst 

C er If feke "bi^ri^e/1ℱℱ^^ 

Observation I. 

MĂą^rĂź^stt 

pHin.rue delĂ  Croix des Petits-Champs, 





230 Del'An duDentljle. 

prefque fans fuccĂšs. J’examinai l’état je 
fies gencives: je les trouvai médiocre-' 
ment gonflĂ©es,‘fi ce n’eft aux pointes I 
qui l’étoient davantage & fort prolonÂŹ 
gĂ©es; mais pour peu qu’on y touchĂąt, 
elles faignoient facilement. Je dégor- I 
' geai ces gencives Ă  plufieurs reprifes, & 
par de petites incifions que j’y faifois 
avec la lancette , j’en faifois fortir cha¬ 
que fois beaucoup de fang. Je retranÂŹ 
chai l’excùs des pointes,ou le prolonge¬ 
ment des mĂȘmes gencives ; je fis enfuite 
ufer au Malade d’une eau &d’unopiat 
aftringens. Deux jours aprĂšs, le faigne- 
ment étoit confidérablement diminué ; 
le quatriĂšme jour l’hĂ©morragie ceffa 
tout-à-fait, & lés gencives furent par 
faitement guéries. 

Observation II. 

En 17P2, Mademoifelle ***. deÂŹ 
meurant rue S. Honoré, prés les Pil- 
liers des Halles, eut les gencives fort 
malades. Elles fĂš gonflĂšrent & s’épaiffi- 
rent fi prodigieufement, qu’elles cou¬ 
vraient prefque les Dents. Comme elÂŹ 
le fouffroit beaucoup depuis quelques 


Ve l’Art du Ventifle. 23 1 
jours j elle fut faignée plufßeurs fois , &. 
prit las bouillons antifcorbutiques, ce 
qui ne fit d’autre effet que de calmer les 
grandes douleurs : les gencives reliڏ 
rent toujours fort enflées & douloureu- 
fes au moindre taél. Elle vint chez moi ; 
je lui dĂ©gorgeai les gencives, &j’en couÂŹ 
pai l’excĂ©dent en certains endroits Ă  
plufĂźeurs reprifes : aprĂšs les lotions conÂŹ 
venables , fes gencives fe rétablirent 
parfaitement. 


‱ 5. V. 

Excroijfancis des Gencives, &■ leur guc- 

L xs excroiffances des gencives ont 
les mĂȘmes caufes que leur gonfleÂŹ 
ment : ces caufes font par conféquent in 
ternes & externes. Ainfi, pour parveÂŹ 
nir à guérir radicalement cette maladie » 
il faut en reconnoĂźtre la fource, & tra-, 
vailler à la détourner. 

Si l’excroiflñnce eff produite par quel¬ 
que caufe extérieurecette caufe Îtée, 
la guĂ©rifon fera prompte. Si c’eft- une 



232 De l’Art du Dentijle. 
caufe interne, il faut de mĂȘme la dĂ©truiÂŹ 
re , fans quoi tous les remedes-exté 
rieurs ne feront que fufpendre ou palÂŹ 
lier le mal. 

Il y a diffĂ©rens degrĂ©s d’excroiffan- 
ce qui font plus ou moins de défordre. 
Elles font généralement produites par la 
préfence du tartre, par celle de quel 
que racine ou de quelque Dent gùtée, 
par quelque excoriation ou ulcération 
Survenue aux gencives mĂȘmes, parla 
trop grande abondance & la ftagnation 
des fucs qui les abreuvent, ou par quelÂŹ 
que autre vice qui s’y trouve. 

Ces excroilfances au commencement 
n’ont rien de dangereux ; mais fi on les 
nĂ©glige, les Dents ne tardent pas Ă  s’é 
branler , & elles font én rilque de périr, 
lorlqu’on attend Ă  l’extrĂ©mitĂ© pour arrĂȘÂŹ 
ter les progrĂšs du mal. 

Le premier degrĂ© d’excrbiflance le 
reconnoĂźt au gonflement & Ă  la couleur 
des gencives. Aufli-tît qu’elles com¬ 
mencent Ă  devenir flĂ fques, fongueu- 
' fes & rougeĂątres, il faut aller au plus 
prompt remede : ce remede eft de" les 
confumer avec un bon opiat ablorbar.t 
& defficatif, dont on. continue l’ulage 
jufqu’à 


y ■iitrrn 


mBHÜ-3 










'234 & e VArt du Dentifte; 
cives qui doivent remplir l’interfiice des 
Dents. AprÚs ces opérations, il ne relie 
plus qu’à faire bien baffiner la bouche 
du Malade avec une petite éponge fine 
trempée dans une eau appropriée, & 
on y joint un bon opiat jufqu’à parfaite 
guérifon. 

Il ell encore un autre moyen de con- 
ferver toute l’étendue des gencives , 
lorfqu’elle n’efi: point exceffive, & d’en 
retrancher feulement le trop d’épaiffeur, 
ou les parties fongueufes, fans rien couÂŹ 
per. On fe fert pour cet effet d’un pe¬ 
tit cautÚre un peu courbe à fon extré 
mité , dont la pointe efl arrondie en 
forme d’ñmande, & de l’épaiffeur d’u-i 
ne groflĂȘ lentille. Cet infiniment Ă©tant 
bien rougi au feii, on le promené plu- 
fieurs fois fur les excroiffances, en apÂŹ 
puyant un peu fur les parties de lĂ  genÂŹ 
cive qu’on veut applatir & dĂ©truire. 
Par ce cautÚre aéluel, les gencives qui 
étoient flafques, épaiffes, fongueufes j 
font remifÚs dans leur état naturel ,/ans 
que les Dents foient dégarnies,: la guéri-,, 
fon mĂȘme ordinairement eft plus prompÂŹ 
te , & les gencives mieux raffermie* 
font moins fĂŒjettes Ă  retomber dans le 



De l’Art du ‘Dentifle. 2Jp 
mĂȘme dĂ©tordre. Je n’infifterai point ici 
fur .l’utilitĂ©' du cautĂšre : on fçait qu’il 
étoït anciennement une des principales 
rpflburces.de la Chirurgie, & 'que fon 
application, faite'avec fàgeffe , opéré 
encore aujourd’hui des Cures furpre- 

Quand lĂšs gencives pafoĂźtrĂŽnt fuffi* 
famment cautérifées, pour détacher plus : 
promptement les efcarres & accélérer la 
confolidation des gencives, on fera faire 
au Malade un fréquent ulùge des eaux 
& des opiats convenables. 

Lorfqu’il eftquùftion de conftimer & 
de détruire certaines portions des gen 
cives , il faut préférer le cautÚre aélael 
au potentiel. Car non-feulement celui- 
ci, de quelque nature qu’il loir, peut 
ĂȘtre entraĂźnĂ© parla fĂąlive ou de quelque ‱ 
autre maniĂ©rĂ© ,& fe gliffer dansrTƓfo- 
phagĂ© & dans l’eftomachs -mais encore 
il ne produit point autant d’effet que le 
cautĂšre actuel qui, fans ĂȘtre fujet Ă  de- 
pareils inconvĂ©niens , remplit d’ailleurs: 
toutes lés indications néceffaires. 

M. Faudiard confeille ici l’applica¬ 
tion de la pierre infernale: il propofe 
enfuitc pour remede, dans le cas oĂč cette 


'236 De l’Ârtdu DentiJïe. 
pierre en s’échappant autoit Ă©tĂ© avis 
lée par le Malade, de lui faireboire beau 
coup de lait ou d’huile. N’eft-il pas plus 
sĂ»r & plus court de ne point s’expofer 
Ă  cet accident, puifque le cautĂšre acÂŹ 
tuel peut opérer la guérifon plus promp 
tement & plus sûrement, fans aucun 
danger ? Comment cet habile homme 
a-t-il pĂ» infifter fur l’uftge d’un çauft 
tique qui peut faire, tant de ravage, & 
n’ñ-t-il fait qu’indiquer le cautùre ac¬ 
tuel ? 

Dans le fecohd dĂ©grĂ© d’excroiĂŻfance:, 
la gencive eft communément leparée en 
deux fur le corps de laDent : celle-ci eft 
en partie, recouverte par l’accroiffement 
, des pointes qui s’étendent dans les inf 
terftices des Dents, & ces pointes : en fe 
rapprochant* font paroĂźtre la gencive, 
féparée en deux. Cet accroiffement, 
difforme des pointes , eft prefque touÂŹ 
jours produit par le tartre ou par quelÂŹ 
que Dent cariĂ©e, ou parce qu’on a Ă©tĂ© 
long-tems fans.manger de ce cÎté-là. Il 
faut toujours ajouter à ces eaufes exté 
rieures. la difpofi'.ion du Sujet, 

Pour parvenir à la deftruéHon de ; ces 
(excroiffances, il fùuß commencer pari dé- 


Ve V Art du Dentifle. 2 3.7 

‱truire le corps Ă©tranger ou le vice loÂŹ 
cal , & enfuite emporter les chairs fu- 
perflues avec les cifeaux ou le biftouri » 
en confervant toujours, ou mĂȘme en 

haut, de petites pointes pourgarnir les 
interllices des Dents. Si ces. pointes re- 
jcroiflĂšnt encore par la fuite',, il faut re- _ 
courir alors à la Médecine,pour en dé-, 
truire au-dedans la fource, & au cautڏ 
re aéiuel, pour en borner, le cours an 

La troifiĂ©mc elpĂ«ce d’excroiißùnces 
e!l en mĂȘme tems la plus douloureulĂš 
"& la plus dangereufe de toutes. Elle 
provient toujours du vice des liqueurs 
& des fucs qui arrofent les gencives.,' 
eu du mauvais, état de quelque.corps 
voifin', foit. Dent, fiĂąt racine. Ces ex- 
\croiffanCes font d’ordinaire d’un rou¬ 
ge foncĂ© tirant au noir, & j’en ai vu 
de'monftrueufes. On conçoit aifément 
qu’elles, acquiùrent ce volume exceffif 
par le moyen des vaiffeaux qui s’y dif- 
tribuent. Ces Vaiffeaux. fe prolongeant 
& le dilatant par l’abondance du lire, 
nourricier qui s’y porte continuellement, 

augmentent tellement ces parties chaçe 


23 8 De Z 'Art du Dentijle. 

nues, qu’il s’y forme une appendice qui 
va toujours en croiffant.. 

Pour arrĂȘter le progrĂšs du mal,.il finit 
emporter l’excroiffance , & appliquer 
fur la playe le cautĂšre a duel: il ferttant 
Ă  froncer Sc Ă  raccourcir l’extrĂ©mitĂ© des 
vaiffeaux qui alors ne peuvent plus fe 
prolonger , qu’à arrĂȘter "l’hĂ©morragie 
qui quelquefois efl: confidérable. AprÚs 
avoir ĂŽtĂ© la caufĂš qui l’a produite, ĂŽn 
abandonne Ă  la nature la guĂ©rifon d’une 
pareille playe, en l’aidant nĂ©anmoins dĂšs- 
lĂŽtions que je. recommande toujours. Il 
faut obferver que la falive eft dans la 
bouche une forte de baume qui conÂŹ 
tribue encore à guérir la playe, à moins: 
qu’elle ne foit vitiĂ©e. 

Lorfqu’il s’agit d’enlever une exçroif- 
fance d’un gros volume, mais qui n’a 
pas beaucoup de confiftence , il faut 
placer le Sujet for un fßége. commode ,‱ 
faire une petite ligature for le col de l’ex- 
croiffance avec un fil double ou triple, 
réunir les deux bouts du fil, & les tirer 
lĂ©gĂšrement Ă  foi d’une main, tandis que 
de l’autre on coupe l’excroiffance au de¬ 
lĂ  de la ligature avec les cilĂšaux ouĂŻe 
biflouri. Il faut préférer le biftouri aux- 



m+.i&igSSLZi 

tSBSffgg^SSt 


ppuyons ce que nous venons dé. 

de deux Obfervations fur des 
lis, ou excroiffances confidérables. 


dir^^ 

Epoulis, c 

Observation L 


Eu c”,'s«ii'S Ç.S’ïïéES 

sĂŠas 





24° De l’ Art du DĂ«ntijk. 
tre vers la l'évre. Celle-ci étoit de Ij 
forme & ,dela groffeur d’une amande j 
avec fa coque ;, l’autre un peu plus'ped- j 
te. D’abord la rĂ©paration de ces ex- 
eroiffapces n’empĂȘchoit point la machoi- 
re infĂ©rieure de s’approcher' de la fupĂ©- 
rieure; mais dans la fuite elles gĂȘnĂšrent j 
tellementle mouvement des mĂąchoires., I 
& devinrent lĂź fujettes Ă  faigner, queTe 
Sujet ne. pouvoir plus prendre d’autre 
aliment que de lafoupe. Déplus, ces- 
deux excroiffances- couvroieqt & fur- 
paffoient de beaucoup les Dents de deÂŹ 
vant ; elles Ă©t'oient d’un rouge trĂšs-brun, 
& comme polypeufes, ce qui défiguroit 
la Malade au point qu’elle n’ofoit plus 
fe montrer. AprÚs avoir bien examiné 
i Ă  bouche, je lui dĂ©clarai qu’elle ne guĂ©- 
riroit radicalement, qu’en îtant lacaufe 
du mal, c’eft-Ă -dirĂ©, la racine qui lĂ© 
produifoit.. Elle me dit qu’aprùs qu’on 
lui eût caffé fa Dent, onavoit Îté la ra 
cine par petits morceaux, & qu’elle ne 
croyoit pas qu’il en fĂ»t reftĂ©., Jel’affurai 
qu’il reftoit encore une partie de cette 
racine, & que tout le mal en provenait. 
Nous prĂźmes jour au lendemain pour 
.couper ces excroiffances, & extirper la 


De l’Art du Derttijle. ' 241 

racine. Etant venue Ă  l’heure marquĂ©e-, 
je commençai par embraffer enfemble 
les deux excroiffances qui avoient un 
col, avec une bonne ligaturejje tirois les 
deux bouts du fil à moi, tandis qu’avec 
un biftouri je coupois au-deffus de la 
ligature, & les chairs fuient emportées 
àl’inftant. Je laifiài couler pendant plus 
d’un quart d’heure le fang qui venoit 
abondamment ; enfuite avec de la charÂŹ 
pie je l’étanchai,pour examiner la playe. 
La charpie levée, je fends la racine, 8c 
je l’îtai tout de fuite avec le pĂ©lican. Je 
recommandai Ă  la Malade de fe rincer 
fréquemment la bouche,pendant un jour 
■ ou deux, avec du vin miellĂ©. Le huidĂ©- 
me jour aprĂšs l’opĂ©ration, elle me reÂŹ 
venus : je trouvai fa gencive aufli bien 
cicatrifÚe que-fi je ne lui eulfe Îté qulune 
fimple racine, & depuis les excroiffances 
n’ont point reparu. Elle eĂ» mariĂ©e dans 
mon quartier, & je puis affurer que lĂ  
bouche eft en bon état. 

Quelque tems aprÚs, je fis précifé- 
jnent toute la mĂȘme opĂ©ration Ă  une 
Marchande Parfumeufe qui me fut adref- 
féeparM .Levret, célébré Chirurgien 
Tome I. ' X 



'2^2 De l’Art du Dentijte. 
Accoucheur. La Malade avoir trois'eÂŁ 
croiffances du cÎté droit à la mùchoire 
infĂ©rieure, & elles s’étendoient depuis 
la premiùre des petites Molaires, jufqu’à 
la fécondé & la pénultiÚme des grofi- 
fes. Deux de ces excroiffances étoient; 
Ă  peu prĂšs du mĂȘme volume, qui Ă©toit 
celui d’une groffe aveline, & la troifiĂ©- 
me Ă©toit un peu plus petite. J’emportai 
ces trois excroiffances de la mĂȘme façon 
que celles du prĂ©cĂ©dent Sujet. J’attachĂąi 
fĂ©parĂ©ment la troifiĂ©me,, parce qu’elle 
étoit trop éloignée des deux autres, & 
je ne fis pour celle-ci qu’une mĂȘme liÂŹ 
gature. Je me fĂšrvis du cifeau courbe, | 

& l’opĂ©ration fut trĂšs-prompte. DĂšs ' I 
que le fàng ne coula plus, j’îtai fans 
peine les racines que ces excroiffances 
cachoient, & j’ordonnai à la Malade de' 
fréquentes lotions de vin miellé. Elle 
fut parfaitement guérie en trÚs-peu de 
jours, & depuis elle n’a pas revu d’ex- 
sroĂźflĂąnce. 

Observation II. 

’ M. * * * rue des Petits-Champs } 
avoir depuis fort long-tems les gencives 



De P Art du Deniijte. 24} 

trÚs-épaiffes , trÚs-groflÚs , flafquas , 
fongueufes & blanchĂątres : indications 
qui faifoient voir qu’elles Ă©toient fur- 
chargĂ©es d’une lymphe fĂ©reufe. Il avoir 
déjà fait plufieurs remedes y & trois fois 
on lui avoit coupé les gencives. Mais 
elles étoient revenues chaque fois dans 
le mĂȘme Ă©tat, & elles recou vrcient en 
partie, les Dents, qui d’ailleurs Ă©toient 
fort ébranlées.- hß. * * * peu iranquille 
fur le défordre de là bouche fe mit en 
tre mes mains , & dansl’elpace de cinq 
femaines je le guéris parfaitement par 
le feul ufage du cautÚre-aéluel, auquel, 
on joignit.quelques purgatifs hydrago- 
gues. Ses Dents font aéluellement trÚs- 
folides, & fes gencives dans leur état 
naturel. Il a feulement l’attention de fe 
purger tous les mois, comme je le lui 
ai recommandĂ© , & il ufe d’un opiat 
ablbrbĂ nt. 


mm 


Xij 


244 De VArt du Dentijtt. 


S-VL 


Des tumeurs Carcinomateuses, 

u and il furvient aux gencives 1 
des tumeurs carcĂźnomateufes, il eft 



àifé de les emporter avec une pince * 
bien tranchante, faite Ă  peu prĂšs de mĂȘÂŹ 
me que celle qui fert Ă  raccourcir les 
Dents, mais plus large. Le bec de cet: 
infiniment doit ĂȘtre aufli plus long & 
un peu courbe, mais cependant moins* 
que celui du davier. Au moyen de cet 
outil la tumeur, eut-elle une confidence 1 
offeuffe, s’enleve aufli vite qu’une Dent. 

M. Fauchard , en parlant de cette 
opĂ©ration , voudrait qu’elle fe fĂźt avec: 
les inftrumens qui fervent Ă  ĂŽter les 
Dents , ou avec un petite fcie, ou avec 
un petit cifeau tel que le bec-d’ñne des. 
Menuifiers. Il ajoute mĂȘme qu’en opé 
rant avec le bec-d’ñne, il faut frapper fur 
l’extrĂ©mitĂ© du manche avec un petit 
maillet, comme quand on travaille lĂčr 
le bois. Je laiffe imaginer au leéleur 
le fingulier effet de la fcie, & liirtout 
Ăź yci-aprĂšs Planche ĂŻ. page zp). 






246 De T Art du Dentijle. 

par la defcription d’une maladie de ce 
genre qui fubfifte encore. 

Dans la rue Poiffonniere Ă  l’entrĂ©e du 
Fauxbourg Montmartre , eft un Me- 
nuifiet, auquel il furvint il y a quelÂŹ 
ques années une fluxion trÚs-forte., 
caufée par plufieurs racines dés MÎlai 
res de la mĂąchoire infĂ©rieure qui s’é- 
toient caffées. La fluxion & le gonfle 
ment extĂ©rieur s’étant diffipĂ©s, les genÂŹ 
cives en cĂ©t endroit s’élevĂšrent & acÂŹ 
quirent , outre un trĂšs-gros volume, 
une confiftence fort dure. Depuis ,. ces 
mĂȘmes gencives ont recouvert la tuÂŹ 
meur qui s’y elLfĂŽrmĂ©e, & elles font 
minces comme du parchemin. La tĂč- 
meur eft aéluellement greffe comme tin 
des plus gros Ɠufs d’oye , ce qui rend 
la joue trĂšs-difforme, gĂȘne la langue 
& la prononciation, & incommode le 
malade en mangeant. Les douleurs qu’el¬ 
le lui fait font périodiques. Cette tu 
meur eft fort inégale, & préfente plu 
fieurs éminences. Toutes.lës racines des 
Dents qui l’ont produite y font renfer¬ 
mĂ©es ; il n’eft pas mĂȘme douteux que 
cette efpece de coque offeufe qui 'eft 






248 De VJrt du Dentifie. 
pourtant point le fujet de travailler joĂŒf- 
nellement. Or, pour opérer une guérii 
fon radicale, je voudrais préparer le 
malade par la faignée, par les purga 
tifs, & par les bouillons rafraĂźchiflans. 
Le corps ainfï bien difpofé, on commen 
cerait par emporter avec la pince la 
partie de la tumeur la plus éminente. 
Cette premiĂšre extirpation faite,on ver- 
roit lĂŻ elle contient quelque fluide, ou fl 
c’eft une pure offification : on exami¬ 
nerait enfuite fi l’on y fent quelque raci¬ 
ne, & pour peu qu’on vüt de jour à 
l’îter, il faudrait le faire. Chaque jour 
enfuite on procéderoit à confumer & à 
détruire peu à peu avec le cautÚre ac 
tuel le corps de la tumeur, ou les parties 
©(feules julqu’à parfaite guĂ©rifon. A chaÂŹ 
que opération du cautÚre , on obfer- 
veroit d’àter les racines qui fe prĂ©- 
fenteroient Ă  mefure que la tumeur dinu- 
nuĂ©roit, jufqu’à ce qu’il n’en reftĂąt plus 
aucune ; & de fréquentes lotions avec 
l’eau de mirthe, ou telle autre propre 
à cet effet,achÚveraient de tout rétablir. 
Je Crois que ce feroit-lĂ  le moyen le 
plus fur pour guérir cette maladie , & 
celui qui ferait le moins fouffrir le fujet» 


.§‱ VIL 

TaLmlmd^ 

T ES FLUXIONS & les abfcĂšs 


cordon s’engorge , & communique fa 





2JO De l’Art du Dentijïe. 
l’os maxillaire , & l’inflammation de 
l’alvĂ©ole paflĂȘ infenfiblement aux genciÂŹ 
ves qui, comme toutes les parties molles, 
font le moins en Ă©tat de rĂ©fĂźfter. C’eft 
donc fur les gencives que fe forment les 
paroulis & les abfcĂšs. Le fang qui coule 
dans leurs vaifleaux s’y trouve arrĂȘtĂ© 
par le gonflement des nerfs qui for» 
ment comme autant de digues. Ces 
vaifleaux fĂ© dilatent & le rompent, l’huÂŹ 
meur fe dĂ©pofe, s’aigrit, fermente& 
fe change en pus. 

D’autres caufes encore peuvent pro¬ 
duire les fluxions & les paroulis, comÂŹ 
me l’intempĂ©rie des faĂźfons, les chĂ»tes 
ou les coupsles fuites d’une extraĂ©lion 
de Dent difficile, & quelque vice parÂŹ 
ticulier. 

Auffi-tĂŽt que l’àbfcĂšs eil formĂ©, il faut 
donner promptement iflue Ă  la matiĂšre, 
fans mĂȘme attendre qu’elle ait fa matuÂŹ 
rité , parceque fon lejour pourrait alté 
rer les parties ofleufes qui fe trouvent 
fous les gencives, ou parce que la ma- 
tierefe peut faire jour au-dehors. Par cetÂŹ 
te raifon, quand l’abfoùs eft à la mñchoire 
inférieure, oà par fon propre poids la 
matiÚre fe porte à la partie ls plus baifé 



De V du Dentijle. 2.51 
'(quoique naturellement la tumeur fe porÂŹ 
te Ă  l’extĂ©rieur du vifage ), pour empĂȘÂŹ 
cher que cette matiĂšre ne fejourne, il 
faut en diriger le cours par le dedans 
de la bouche. On doit pour Ɠla com¬ 
mencer par ĂŽter la Dent ou le Chicot, 
il l’on reconnoüt l’un ou l’autre pour la 
caufe du mal ; on agrandit enfuite l’ou¬ 
verture avec le déchauffoir , vers le 
fond de l’alvĂ©ole qui fe trouve percĂ© 
.‱du cĂŽtĂ© de l’abfcĂšs. L’opĂ©ration faite , 
on porte extérieurement fur la joue à 
l’endroit de la tumeur des compreffes 
graduĂ©es , & au moyen d’un bandage 
convenable, on repoime tellement la maÂŹ 
tiùre qu’on l’oblige de fortir par le trou 
que la Dent Ă  laiffĂ©, & qu’on a eu foin 
d’aggrandir pour tavorifer fon iffue. 
Aprùs l’ouverture de l’abfcùs, il faut 
avoir- l’attention de preffer la tumeur > 
pour frire fortir tout le pus dont il pour- 
roit relier une partie dans quelque fi- 
nus. Si la tumeur avoir de la peine Ă  s’é 
vacuer, ou ne fe vuidoit qu’en partie , 
foit pour n’avoir pas une iffue fuffifante 
par l’extraclion de la Dent, foit parce 
que cette Dent n’a pu ĂȘtre ĂŽtĂ©e, ilfau- 
droit frire une ouverture au bas delĂ  


2 y 2 De l’Art du Dentijle. 

gencive , entre, la gencive mĂȘme & Ü 
lĂšvre , oĂč la fluĂ©luation fe fait fen- 

Quand pour avoir diffĂ©rĂ© d’ûuvrir 
l’abfcĂšs , lĂ  matiĂšre par fon fĂ©jour, ou 
par quelque vice particulier, eft telleÂŹ 
ment corrofive qu’elle mine l’os maxil¬ 
laire , ou feulement les alvéoles, il faut 
dĂ©couvrir l’os cariĂ© & y porter le cauÂŹ 
tĂšre aĂ©luet, tant pour arrĂȘter les proÂŹ 
grÚs de la carie, que pour accélérer 
l’exfoliation des os altĂ©rĂ©s par l’humeur, 
& obtenir une plus prompte guéri- 

Si la carie eft conißdérable & accom 
pagnĂ©e d’accidens fĂącheux, il faut ap-: 
peller une bon eonfeil. Lorfqu’on agirai 
‱de concert, la carie fera traitĂ©e & guĂ©rie 
par les remĂšdes convenables. Mais j’olĂȘ 
le dire, dans tous ces cas je n’en trouve 
point de meilleur que le cautÚre aéïuel : 
j’en ai vu des effets furprenans, mĂȘme 
pour la carie des feorbutiques. Car le 
cautĂšre abforbe en partie la .lĂąnie qui 
ronge les mĂąchoires, & met plus prompÂŹ 
tement des bornes Ă  la carie. 

Pour faciliter l’exfoliation des os, on 
-y porte un peu de coton trempé dans la 


Ve VArt du Dentijle. 2^3 

teinture de mirrhe & d’aloes, -dedans 
l’huile de gĂ©rofle. /. 

Dans le cours de toutes ces opéra- 
tions,il ne faut point nĂ©gliger l’ufage des 
pemedes intérieurs les plus efficaces pour ; 
détruire le vice fcorbutique. En géné 
ral , on ne parviendra à guérir radicale-. 
ment toutes fortes de paroulis , qu’au 
prĂ©alable on n’en ait dĂ©truit la fource. 

Quand le paroulis ou la fluxion eft. 
l’effet d’une Dent gĂątĂ©e ou d’un chicot,; 
on peut en arrĂȘter las progrĂšs & mĂȘme 
empĂȘcher l’abfoĂšs de fe former. Il faut, 
d’abord pour cet effet bien examiner les 
Dents du fhjet, & fi ce font elles qui pro-. 
duifent le mal, il faut ĂŽter les Dents 
viciées, fans avoir égard à la fluxion. 
L’extraction faitelde Amples lotions avec 
le lait tiede guériront promptement le. 
malade. Ici l’évacuation du fang dĂ©gorÂŹ 
ge & débarraffe les vaiffeaux beaucoup 
mieux, que ne ferojt la plus forte faignée 
du pied ou du bras. Le lait tiede, d’un 

gonflées, & bien tÎt la fluxion dilpa- 
roĂźt. 

Lorfque l’abfcĂšs eft tout formĂ©, fi 
on ĂŽte 1» Dent,jl n’eĂ» ordinairement pas. 


2/4 l’drtdu Dentifle. 

befoin de l’ouvrir. L’humeur s’évacuĂš 
en mĂȘme tems, & l’ulcĂšre en peu de 
murs fe trouve guéri, fans y rien faire. 
De mĂȘme Ă  la fuite d’un abfcĂšs, s’il relie 
quelque fiflule que la Dent aitproduite,- 
on ne parvi'entĂ  la guĂ©rir que par l’ex- 
traĂ©lion de cette Dent; mais dĂšs qu’elle 
ell Îtée, tout eft fait. 

Lorfque la Dent qui eft la fource du 
mal eft trop apparente, que le malade 
ne la veut pas facrifier, & qu’elle h’eft 
point trop gĂątĂ©e d’ailleurs, pour Ă©m- 
pĂȘcher l’abfcĂšs de fe former , ou de 
devenir confidĂ©rable, il faut employer’ 
lucceffivement la fiignée du bras & 
celle du pied. Si l’inflammation conti¬ 
nue, onfeitbaflĂźner la^ bouche du maÂŹ 
lade avec le lait tiÚde trÚs-fréquent-; 
ment renouvellĂ©. On l’applique encore; 
extĂ©rieurement lĂčr la tumeur, & on y 
joint les cataplafmes faits avec le lait, 
la mie de pain , un jaune d’Ɠuf & du 
fafran ,' arrofĂ©s d’un peu d’huile refit,' 
d’huile de lys, ou d’huile de behùnv 
Ces cataplafines fe renouvellent de quaÂŹ 
tre heures, en quatre heures. 

Si la gencive non-feulement étoit 
douloureufe , mais avoit encore une" 



De l’Art du Dentijie. ayy 
petite tumeur, on y mettroitun morÂŹ 
ceau de figue grafle cuite dans du lait 
qu’on auroit loin de renouveller de tems 
en tems. Ce topique innocent fait que 
la matiĂšre qui commence Ă  fe former imÂŹ 
porte plus promptement vers l’extĂ©rieur 
de la gencive, & qu’elle s’y fait jour : ou 
bien, lorfqu’on y fentla moindre fluĂ©tua- 
tßon ,'on lui donne iffuÚ, ce qui accéléré 
la guérifon. 

Quand le paroulis eft produit par' 
quelque’ coup, par quelque chute, par 
la pléthore du Sujet, ou par quelque 
autre indifpofition, ouquand ilfhrvient. 
Ă  la fuite d’une extraĂ©Hon laborieufĂš, 
le traitement doit ĂȘtre le,mĂȘme que 
pour l’efpĂ©ce d-deflĂ»s. 

S’il eft l’effet de quelque vice fcor- ; 
butique ou vénérien, en pratiquant les * 
remĂšdes extĂ©rieurs qui viennent d’ĂȘtre 
indiquĂ©s, il faut travailler Ă  l’intĂ©rieur ; 
& fi le mal avoir gagné les parties Îffeu- 
fes, on employeroit alors les moyens 
que la Médecine & la Chiru/gie four- 
niffent en femblables occafions. 


2 f6 De l’Art du Dentifle. 


§. VIII. 

Des Jiftules qui fe forment aux gencives; 
£r de la maniéré de les traiter. 

L es fistules qui fur viennent 
aux gencives, reffemblent 'Ă  celles 
qui fe forment dans les autres parties du 
corps : l’entrĂ©e en efl Ă©troite, & la fofle 
ou le fond plus large. Au relie, elles, 
-font plus ou moins profondes,fĂ©lon l’acri- 
. monie de l’humeur qui les a creufĂ©es & 
le retard des lùcours qu’exige le mal, & 
elles pĂ©nĂ©trent quelquefois jufqu’àl’os 
maxillaire. Ces fiftules font communé 
ment produites par quelque Dent ou par 
«quelque racine gùtée : elles viennent à- 
la fuite de quelque fluxion & de quelÂŹ 
que abfcùs aux gencives, ou à d’autres 
parties de la bouche, lequel pour avoir -, 
Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©, ou pour n’avoir pas Ă©tĂ© 
traité méthodiquement, a dégénéré en, 
un ulcĂšre' fiftuleux. 

Pour guérir une fiflule de la premiÚre 
efpĂ©ce , il ne s’agit que d’îter la Dent 
ou l’a racine qui la produite & qui l’en- 




De VArt du 


jans autre remeae au lieu que Ăźauiant 

rÆSÏ's'-r 
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mĂ©erj l’ulcĂšre alors -& cicatrife , & 


wĂȘĂšĂȘm 

ties de l’os altĂ©rĂ© fe dĂ©truifent & fe dĂ©- 

»“S‘=-fS 





2j8 De l'Art du Dentifte. 
médie au vice local, il faut avoir foin 
de détruire la caufe, foit interne, fÎit 
externe, qui peut avoir produit la fiftule» 
Le furplus du traitement eft le mĂȘme 
que pour le paroulis. On fait des injecÂŹ 
tions de vin miellé dans le linus, pour le 
détarger & le confolider promptement! 
Les trois OblĂȘrvations fuivantes prouÂŹ 
veront cette théorie des fiftules. : 

Observation I. 

Le Sieur*** Maütre Tailleur d’ha¬ 
bits , demeurant alors rue BĂ©thizi ,■ chez 
lui Epicier,* avoit depuis environ 18 
mois une petite Molaire du cÎté gau 
che de la mùchoire inférieure gùtée 
vers la gencive, & dans l’interilice qui 
répond à la Canine. Cette Dent lui - 
caulbit beaucoup de douleur, & elle . 
produifit une fluxion -trĂšs-forte qui fe 
termina par un abfcùs. L’abfcùs ayant 
percé par la joue , il y relia une fiftule 
qui fut traitée pendant huit mois file* 
ceffivement par un Chirurgien & par un 
Apoticaire, fans qu’aucun d’eux pĂ»t ve- 
Ă  bout de la guĂ©rir. L’opiniĂątretĂ© de 
cette fiftule ayant également rebuté ces 


Ve l'Art du Ventijle. _ ayjr 
Praticiens & le malade , on ceflĂ  de 
faire des remùdes inutiles, & l’on s’en 
tint Ă  un fimple emplĂątre. Quelque tems 
aprĂšs, le malade accompagna chez moi: 
fa femme qui venoit. fe faire ĂŽter une 
Dent. A la feule vĂ»e de l’emplĂątre queÂŹ 
lfe mari avoit fur la joue , je m’imaginai: 
que c’étoit l’effet de quelque Dent qui: 
«voit fait du défordre , & je lui deman 
dai quel Ă©toitfon mal.il me raconta qu’ili 
avoit eu une fluxion qui avoit fini par- 
un abfcùs : le Chirurgien&l’Apoticaire 
qui l'avaient traité tour à tour, aprÚs: 
lui avoir inutilement fait prendre une; 
infinité de drogues, lui avoïent dit que; 
fon mal n’était autre cholĂš que des hur 
meurs froides. Il ajouta, qu’avant fa flu— 
xion il s’était fait ĂŽter une Dent par un: 
OpĂ©rateur Italien ; que la Dent s’étoit: 
calfĂ©e dans l’opĂ©ration ; qu’on l’avoir 
renvoyé fans lui Îter la racine -, en lui: 
recommandant de ne point entreprenÂŹ 
dre de la faire extirper, parce qu’on lui: 
cafferoit plutĂŽt la mĂąchoire « que d’en; 
venir jamais Ă .bout;.& qu’effrayĂ© du: 
prcmoftic U s’étoit bien donnĂ© de garde: 
de faire, toucher Ă  cette racine. H me; 
laiflĂą cependant examiner l’état de fa: 

‱ X1 


2 Go De l'Art du Dentijle: 
bouche, & je reconnus que la maladie 
n’étoit pas occafionnĂ©e par cette racine* 
mais par la premiĂšre petite Molaire qui* 
paroilfant trÚs-faine au dehors, étoit gù 
tĂ©e en un endroit impĂ©nĂ©trable Ă  d’autres 
yeux qu’à ceux d’un Dentifte expĂ©riÂŹ 
menté. Quand je me fus bien affuré avec 
la fonde de la cavité de cette Dent, je 
dis au malade que c’étoit la fource de 
tout le ravage qui s’étoit fait dans fa 
bouche, & qu’il ne guĂ©riroit jamais tant 
qu’elle ne feroit point ĂŽtĂ©e. Quant Ă  la 
racine qu’il craignoit tant de faire arra¬ 
cher, je lui fis entendre que fon Italien 
n’étoit pas plus vrai dans fon pronoftic 
qu’adroit dans fes opĂ©rations. Il me deÂŹ 
manda quelques jours pour fe détermi 
ner Ă  l’extraĂ©iion de fa petite Molaire,& 
nous en reflĂąmes-lĂ . Environ un mois 
aprĂšs il revint : je lui ĂŽtai non-feuleÂŹ 
ment cette Molaire , mais encore, fans 
qu’il s’en apperçût, la racine qu’il vou» 
loit conferver. Il fut agréablement fur- 
p.ris de fe voir dĂ©barraffĂ© tout d’un coup 
de l’une & .de l’autre. Le neuviùme jour 
la fiftule fÚ trouva parfaitement guérie , 
fans y avoir fait aucun remĂšde. Il ne lui 
relia qu’une cicatrice qui fans doute eft 








z6z De VArt du DentifĂźe. 
véole , un corps folide qui fembioi't 
obéir au mouvement de la fonde, ce qui: ' 
me fit foupçonner que c’étoit quelque 
portion de racine reficĂ©e aprĂšs l’extracÂŹ 
tion de. la Dent, ou quelque autre fraÂŹ 
gment offeux. Je demandai à M. **** s’il 
avoit fa Dent; il ne l’avoit point gar¬ 
dée. Je tentai plufieurs fois avec unÚ: 
petite rugine, faite en bec de perroquet^ 
d’aller chercher & d’amener au-dehors 
ce corps Ă©tranger quel qu’il fut. AprĂšs 
des tentatives inutiles , je déterminai le 
Malade Ă  me.laiffer travailler efficaceÂŹ 
ment. J’ouvris pour cet effet la genci¬ 
ve & l’alvĂ©ole avec des cifĂšaux , ĂȘt 
m’étant ainfi fait jour, je trouvai un refiĂ© 
de racine Ă  l’entrĂ©e du finus maxillaire. 
J’îtai facilement ce. dĂ©bris offeĂčx, & Ăźe 
Malade en peu de jours fut parfaitement 
guéri, fans autre remede. que. des lo 
tions de vin miellé.. 

Observation IIL 

M. ** Tréforier de France, avoit 
depuis environ trois ans une fiflule con- 
fidĂ©rable, refie d’une fluxion qui eut fon 
cours. Quelque, tems aprÚs que cette ùû- 



De VArt du DentĂź/fe. ^6 f 

Saofc fut pafleé, il alla chez un Dentifte 
qui ne lui reconnut aucune maladie aux 
gencives , qui ne s’apperçut point non 
plus de la caufe de la fiflule, & fe conÂŹ 
tenta de lui nettoyer les Dents. Le MaÂŹ 
lade voyant qu’il avoit toujours, fur- 
tout le matin, un mauvais goût dans la 
bouche, mais d’unfeul cotĂ©, & qu’en 
fe mouchant un peu fort , il y fentoit 
couler quelque choie qui l’infecloüt, 
vint me confulter fur ces indications. A. 
l’examen de fa bouche, je vis qu’il 
lui manquoit à la mùchoire fupérieure 
l’avant-derniere Dent du cĂŽtĂ© droit , & 
la gencive me parut parfaitement cica- 
trifĂ©e ; mais j’y remarquai un endroit 
large Ă  peu prĂšs comme une lentille qui 
étoit de couleur brune. Je prelfai cet 
endroit & les environs, il n’en lîrtit 
rien. Je m’avifai de porter les doigts 
en-dehors fur la joue, & de les promeÂŹ 
ner, en appuyant un peu, autour de 
l’os zygomatique , & j’écartois en 
mĂȘme tems la joue de l’autre main , 
pour voir ce qui fe palfoit en deÂŹ 
dans. Je vis fortrr alors de la gencive, 
à cÎté de la premiÚre grolfe Molaire , 
quelques gouttes d’une matiĂšre Ă©pailfe, 
Tome L * 


264 a V Art du DentijĂźe: 

blanchñtre, & d’une odeur infhpportà- 
ble. Je cherchai l’endroit d’oĂč elle pou-; 
voit fortir ; je trouvai une petite ouverÂŹ 
ture, en forme defoupape, qu’on ne 
pouvoit par confĂ©quent dĂ©couvrir qu’en 
preffant la joue, comme je faifois exté 
rieurement, pour en faire fortir le pus. Je 
portai dans cette ouverture un Met qui 
dĂ©paffa l’os zygomatique, & pĂ©nĂ©tra 
dans la profondeur, d’environ un pouce 
& demi, A cÎté de la petite foupape, & 
fous la gencive, je fentis un corps of- 
feux, & ne doutant point que ce ne fut 
quelque racine de Dent,pour m’en af- 
furer, j’ouvris un peu la gencive. Je vis 
une racine en effet, & je l’îtai fans au¬ 
cune peine. Cette légÚre opération nous 
fuffit, fans faire autre chofĂš. Trois ou 
quatre jours aprùs, il n’y eut pas la 
moindre trace de pus : en preffant. le 

fac, la fiftule fut parfaitement guérie, 

la mauvaife odeur , & le mauvais goût 
çefferent. 


De l'Art du Dentifte. 


26 5* 

§. IX. 

UlcĂšres des gencives. Moyens deles traiÂŹ 
ter, & de les guérir. 

L es Ulcérés qui furviennent aux 
gencives, font de deux efpĂšces, 
bénins., ou malins': ils ont des caufes 
internes, & des caufes externes, comme 
toutes les autres Maladies de la bouche. 
Les caufes externes des ulcĂšres, font les 
Dents gùtées , le limon, la dépravation 
de la falive, les coups, les chûtes, & 
certains alimens trop durs qui peuvent 
excorier les gencives. Ces fortes d’ul¬ 
cÚres font communément aflfez bénins, 
peu conißdérables, & trÚs-faciles à gué 
rir. Il ne s’agit que de retrancher le vice 
local. On corrigera la falive dépravée, 
en affujettilfant le Malade Ă  des lotions 
rĂ©itĂ©rĂ©es d’une infufion d’orge & d’ai- 
gremoine,mĂ©lĂ©e d’une certaine quantitĂ© 
de miel, Ă  quoi l’on ajoute quelques goû 
tes d’efprit de vitriol. A l’ufage de ces 
lotions, on joint un régime doux & ra- 
, fraĂźchilfant. Quand les ulcĂšres provien- 
Tome 1, Z 





266 De VArt du DentijĂźe. 
nent d’un vice intĂ©rieur, & qu’ils ont 
acquis un certain degré de malignité, le 
traitement en eft plus long. Mais c’eft 
principalement l’affaire des MĂ©decins & 
des Chirurgiens. 

Lorfque les ulcĂšres des gencives 
n’ont aucun fymptîme fñcheux, & qu’ils 
n’ont point fait affez de progrùs pour 
altĂ©rer l’alvĂ©ole , Ă  mefure qu’on en 
détruit la caufe, ils fe guériffent facile 
ment avec les gargarifmes ufités. Mais 
quand on néglige la fource , & que, pour 
en arrĂȘter les progrĂšs, on attend que les 
parties offeufes foient à découvert ou 
mĂȘmes altĂ©rĂ©es , les ulcĂšres, alors font 
opiniñtres, parce qu’il n’eft pas toujours 
poiĂŻible d’en dĂ©truire la caufe ; ou leur 
guériion fe fait acheter par la perte de 
plufieurs Dents qui tombent avec les 
os cariĂ©s. C’eft dans les affeĂ©lions vĂ©roÂŹ 
niques ou fcorbutiques qu’il faut cher¬ 
cher communĂ©ment le principe d’un paÂŹ 
reil défordre. 

Le fcorbut eft de tous les vices du 
fang celui qui fait le plus de ravage 
aux gencives , aux alvéoles Îc aux os 
maxillaires.Quand on.nĂ©glige d’y remĂ©* 
dier } il a bientÎt détruit les Dents; les 



De ? sir t du DentĂŻjĂŻe. 2.6 7 

gencives ulcérées fe gangrÚnent & tom 
bent en fphacele ou en pourriture ; les 
alvéoles & les os maxillaires qui fÚ ca 
rient en mĂȘme tems tombent auffi par 
piĂšces , & la vie du malade efl en grand 
danger. 

: Pendant qu’on travaille Ă  dĂ©truire 
par des remÚdes intérieurs le vice fcor- 
butique , la bouche exige les plus grands 
foins. Il faut déterger la fànie qui décou 
le des gencives & des parties voilines, 
parce qu’étant entraĂźnĂ©e par la falive 
dans l’eftomach elle fe mĂȘle au chyle, 
ße corrompt, & par conféquent rend la 
maladie beaucoup plus rebelle aux reÂŹ 
mĂšdes antifcorbutiques. 

. Quand les ulcĂšres font encore peu 
profonds , il faut, en fe rinçant fréquem 
ment la bouche, les nettoyer avec une 
petite éponge trempée dans un bongar- 
garifme, & faire un ufage afüidu de l’O- 
piat antifcorbutique. 

Lorfqu’aux ulcùres des gencives il fe 
joint des gonflemens & des excroiflan- 
ces, on commence par les dégorger, 
& par emporter les chairs fuperflues,de 
la façon que nous l’avons marquĂ© en 
traitant de ces maladies. On travaille 



Ăą <58 De VArt du DemijĂźe. 
enfuite efficacement à déterger & à con- 
folider les ulcÚres par de fréquentes 
lotions, qui entraĂźnent la fanie puruÂŹ 
lente , & l’empĂȘchent de ronger les 
gencives , ainfi.qué les parties-offeufes; 

Quand les ulcÚres font étendus & 
profonds, que les bords en font durs & 
calleux, que la joue mĂȘme efl: enflĂ©e 
& dure , la gangrĂšne alors fuit de 
prùs,fi l’on n’y pren,d garde. Il faut donc 
fans perdre de tems , faire des fcarifica- 
tipns tant aux callofitĂ©s de l’ulcĂšre, qu’à 
toutes: les parties des environs qui fe 
trouvent dures & gonflĂ©es. Il efl en mĂȘÂŹ 
me tems nĂ©ceffaire d’ordonner de conÂŹ 
tinuelles lotions. L’eau-de-vie camphrĂ©e 
( dans laquelle il doit entrer un gros de 
camphre fur quatre onces de liqueur) efl: 
ici préférable à Peau de canelle orgée. 
On en b affine -fou vent l’ulcùre, on en 
tient mĂȘme une comprefie appliquĂ©e 
defifus, & qu’on renouvelle deux fois 
par heure. 

Si enfin les gencives font gangrenées - 
& tombées en fphacele, il faut empor 
ter toutes les parties mortes , 8 c faire 
avec le biftouri' des menions jufqu’au 
Ăżifi Comme alors les os maxillaires 



De l’Art du Dentijüe. 26$ 
font ordinairement cariés & que la 
carie eft plus ou moins profonde * fi les 
Dents tiennent encore un peu > il eft Ă  
propos de les îter, tant parce qu’il eft 
impofüïble qu’elles puiffent fubfifter, 
que parce que leur abfence facilite 
le traitement des parties offeufes. Le 
cautùre acftuel eft encore ici d’un trùs- 
grand ufage. On le porte tant fur les 
gencives que fur les os, & l’application 
s’en réïtere autant de fois qu’il eft befoin 
pour confumerla fanie, arrĂȘter les proÂŹ 
grĂšs de- la gangrĂšne, ainft que ceux de 
la carie, détruire les parties fphacelées-, 
& accĂ©lĂ©rer l’exfoliation des parties ofÂŹ 
feufes. AprĂšs l’opĂ©ration du cautĂšre, 
les lotions multipliées doivent fuivre. 
On lave de quart d’heure en quart 
d’heure l’ulcùre & toutes les parties 
malades, & l’on y applique des com- 
prefles trempées dans les drogues con 
venables. 

Il y a une efpùce d’ulcùres remplis 
de petites efcarres blanchñtres, qu’on 
trouve ordinairement difperfés aux ex 
trémités des gencives, & qui détruifent 
ces extrĂ©mitĂ©s, fans s’étendre plus loin. 
Le refte des gencives alors eft trĂšs-rou- 



. 27 O De V Art du Dentifle . 

ge, médiocrement gonflé , faßgnant aß* 
fĂ©mentpour peu qu’on y touche, & d’uÂŹ 
ne grande fenfibilité. Il découle de ces 
ulcùres une forte de fanie fƓtide. Ces 
petits ulcùres, quoiqu’affez rongeurs , 
Ăźi’afFeĂ©lent guĂšres qu’un cĂŽtĂ© de la bouÂŹ 
che ; mais les gencives font fi douiou- 
reufes, que le Malade en perd le fommeil 
pendant plufieurs nuits. Les glandes paÂŹ 
rotides fegonflent, & font fenfibles au 
moindre taét. Le principe de ces ulcڏ 
res eft fcorbuti(|ue ou vérolique. Ce 
pendant j’en ai vu à plufieurs perfonnes 
chez qui l’on ne pouvoir ràifonnable- 
ment foupçonner aucun de ces deux vi- 
. ces; auffi les a-t-on guéris en peu de- 
jours , en traitant fimpiement le vice loÂŹ 
cal , c’efi-Ă - dire, en dĂ©gorgeant les genÂŹ 
cives , & en faifant aux endroits malades 
des lotions réitérées avec une liqueur 
compofĂ©e d’eau de myrthe& de plantin, 
d’eau de canelle orgĂ©e- de miel rofat, 
& de thériaque délayée dans quelque 
eau fpiritueufe. 

J’ai vu de ces mĂȘmes ulcĂšres alfez 
opiniĂątres, & qui n’ont cĂ©dĂ© qu’à un rĂ©* 
girae doux & humeciant, & à l’ufage 
des bouillons amers continué pendant 



De VArt du Dentijle. ZjĂŻ 
dix ou douze jours. C’efl pourquoi,dans ; 
ces fortes d’ulcùres, il eft toujours fort 
‱prudent de faire obferver un pareil ré 
gime , & de ne pas mĂȘme nĂ©gliger les. 
remedes antifcorbutiques, ou antivéné 
riens , fi le cas l’exige. 

' §. X, 

Des petits Chancres qui furviennent aux' 
gencives. Moyens de les guérir. 

i E N de plus commun que les pe-- 
JL\ ïits Chancres qui s’attachent aux - 
gencives, Ă  la langue, aux joues : ils font 
ordinairement trÚs-bénins, &: produits 
par une caufo externe. Ceux qui font: 
d’une qualitĂ© maligne , proviennent de 
■quelque vice intĂ©rieur. Les premiers font' 
le plus fouvent l’effet d’une pointe ou 
du tranchant de quelque Dent , ou de: 
quelque racine, qui par le frottement: 
écorche quelque endroit des parties mol 
les de la bouche. Certains alimens malÂŹ 
propres ou trop durs, en excoriant ces 
parties, font naĂźtre aufli de ces fortes de 
Chancres. Ceux-ci, comme les précé-- 






272 'DeVArtĂ uDentifte. 

dens, fe guériiTent bientÎt, foit en Îtant 
lacaufe, foit en les touchant avec du 
vitriol , foit en les étuvant de jusxde ci 
tron. Mais auffi quand on les néglige, 
ils s’augmentent, deviennent profonds, 
douloureux, & mĂȘme dangereux. 

Quelques-uns de ces Chancres qui 
proviennent du feul vice de la falive, fe 
guériiTent encore promptement par les 
mĂȘmes moyens, pourvĂ» qu’on ait foin 
de corriger l’aciditĂ© de la falive, fans 
quoi ils reviennent fouvent. 

Les plus difficiles à déraciner, font 
ceux que produifent les affections fcor- 
butiques & vĂ©nĂ©riennes. Ils font d’orÂŹ 
dinaire plus nombreux, & plus petits 
que les autres. De. plus ils ne paroif- 
fent guĂšres, fans .ĂȘtre accompagnĂ©s de 
quelque 'ulcĂšre qui fe forme en mĂȘme- 
tems ailleurs. Les Chancres 8 c les ulcڏ 
res fcorbutiques fe diftinguent des vé- 
roliques, en ce que les premiers font 
plus profonds, plus douloureux, plus 
fanguinolens j rongent d’avantage, ren¬ 
dent une fanie plus abondante & plus 
fƓtïde au lieu que les autres gonflent 
moins, & font moins enflammer les genÂŹ 
cives. Si l’on touche ces deux fortes de 



De VArt du DentijĂźe. 273 

Chancres avec la pierre de vitriol ou 
avec quelque autre chofe, fans détruire 
le vice radical-, ils fe guériflent difficile 
ment , &peu de tems aprĂšs reparoilfent, 
foit au mĂȘme endroit, foit dans quelque 
partie voifine. 

Observation. 

Un Homme de confédération avoir 
depuis quelque tems au bas de la genciÂŹ 
ve oc de la lĂšvre, vis-Ă -vis la fimphyfe 
du menton, un ulcĂšre avec des bords 
durs & calleĂčx. Il avoir de plus deux In- 
cifives qui ne tenoient point du tout, 
parce que leurs alvéoles avaient été ca 
riĂ©s , & qu’ils Ă©toient tombĂ©s en partie. 
La Canine & l’Incifive du cĂŽtĂ© gauche , 
étoient auffi un peu ébranlées. Il me vint 
voir en cet Ă©tat, & me fit l’honneur de 
me confulter. Je lui trouvai en plusieurs 
endroits de petits Chancres; les genciÂŹ 
ves n’étoient point enflammĂ©es, mais 
aux environs de l’ulcùre il y avoit, tant 
à la lévrg qu ? à la gencive, plufieurs pe 
tites excroiffances. AprĂšs qu’il m’eĂ»t 
fait l’hiftoire de fa maladie, & que j’eus 
bien examiné fa bouche, je lui déclarai 



274 De V Art du Dentijle. 
qu’il n’y avoit aucune efpĂ©rance de fan. 
ver les deux Incifives. Il me dit alors 
qu’un trùs-habile Dentifte qui letraitoit 
depuis environ trois femaines, l’avoir 
allurĂ© qu’il ne pouvoit guĂ©rir qu’en fa- 
crifiant ces deux Dents. Quant à l’ulcù¬ 
re , je lui fis entendre, que, fur ce qui 
m’en paroifloit, je le croyois dans le cas 
d’avoir plus befoin du fecours d’un bon 
Chirurgien, que de celui d’un Dentifte. 
Il me rĂ©pondit qu’il Ă©toit fort tranquille 
fur fon Ă©tat intĂ©rieur, & qu’il avoit con- 
fulté de trÚs - célébrés Praticiens , qui 
tous l’avoient bien raifurĂ© fur l’objet de 
mon pronoftic. Le Malade me revint 
voir au bout d’environ trois lemaines, 
aprĂšs avoir pris le petit lait. Je lui trouÂŹ 
vai trois Incifives de moins; la Canine 
menaçoit ruine, & fon ulcÚre étoit pref 
que entiĂšrement cĂźcatrifĂ©, mais c’étoit 
de ces fauflfes cicatrices qui indiquent 
eonftamment qu’il relie un vice Ă  dĂ©truiÂŹ 
re dans le fang. J’apperçus encore quel¬ 
ques petits Chancres , à la vérité pref- 
qu’impereeptibles, mais de nature à 
confirmer mes foupçons. Je lui dis que 
je trouvois fa bouche infiniment mieux, 
mais que je perfĂźftoĂźs dans mon premier 



De VArt du Dentijle. 
avis, & il s’en alla peu content de moi. 
Quinze jours aprùs il m’envoya cher¬ 
cher , & me dit, que ne pouvant pas 
jouir comme il fouhaitoit du Dentifte 
quil’avoit traitĂ©, il avoit recours Ă  moi 
pour lui ĂŽter fa Canine , & pour rem^ 
placer toutes les Dents qui lui man- 
quoient. Je lui rĂ©pondis qu’il Ă©toitdans 
de trop bonnes mains pour changer, & 
je le priai de trouver bon -que je m’abfi 
tinffe de lui faire aucune de ces Opéra 
tions. Le Malade n’ayant pu me rĂ©fouÂŹ 
dre Ă  ce qu’il dĂ©iiroit de moi, me preifa 
d’examiner du moins une Dent prùs de 
la Canine qui commençoit à lui faire 
quelque mal. Je trouvai cette Dent reÂŹ 
lùchée , & je remarquai que la gencive 
fe fĂ©paroit de l’alvĂ©ole que je reconnus 
carié. Je ne crus pas devoir lui cacher 
qu’il perdroit encore cette Dent; j’a¬ 
joutai que , s’il ne prenoit le parti que 
j’avois propofĂ©, il s’expofoit non-feuÂŹ 
lement Ă  les perdre toutes les unes aprĂšs 
les autres, mais mĂȘme Ă  des Ă ccidens 
encore plus fñcheux. Qu’on juge ici de 
la furprife d’un homme qui croyoit £k 
guérifon confommée, & qui ne foupçon- 
noit chez lui rien de femblable Ă  ce quq 



27 6 De VArt du DentifĂźe. 

fy voyois ! L’affurance avec laquelle 
j’infiftois fur la nĂ©ceflitĂ© d’aller Ă  la four- 
ce du mal, l’ébranla fans doute, & il fe 
mit entre les mains de M. de la Faye. Cet 
habile & célébré Praticien lui adminiftra 
fi fagementles remedes, que,, fans inté- 
reffer la bouche, tous les accidens dif- 
parurent, & qu’en moins d’un mois le 
Malade fut guéri radicalement.' Ainfi 
cette perfonne en fut quitte pour la perÂŹ 
te de cihq Dents, qu’on auroit fauvĂ©es 
en attaquant plutĂŽt le principe du mal. 

§. xr. 

De -la fuppuration des Gencives , & des 
moyens de la traiter. 

L a fuppuration, maladie qui efl: aufli 
commune aux gencives que la caÂŹ 
rie l’eft aux Dents, fait autant pĂ©rir des 
dernieres, que la carie meme. Les per- 
fonnes répletes & fanguines y font fort 
fujettes, mĂȘme en jouiflant de la meilÂŹ 
leur fanté. Celles qui font maigres & 
d’un tempĂ©rament fec, en font d’ordiÂŹ 
naire exemptes. Les femmes, en per'i 





2 >s tA ĂŻ t du DentijĂźe. l'-j-j 

fiant leurs régies , en font affezfouvent 
atteintes ; enfin lorfqu’aprùs les cou¬ 
ches le lait ne prend pas bien fon cours, 
il fe porte quelquefois aux gencives, & 
y produit la fuppuration. Les hommes 
font en général .encore plus fujets que. 
les femmes Ă  la fuppuration des genciÂŹ 
ves , parce qu’il ne fe fait point chez 
eux, comme chez les femmes, d’écoule- 
mens périodiques qui dépurent le fang. 
J’ai encore obfervĂ© que - cette maladie 
n’avoir guùres lieu avant l’ñge de trente 
ans, & qu’elle devenoit plus frĂ©quente . 
Ă  quarante & Ă  cinquante ans, ou dans 
un ùge plus avancé. 

Cette maladie fait tomber les Dents, 
les plus faines, fans caufer ordinaireÂŹ 
ment que de trÚs-légeres douleurs, en- 
forte que quand on la néglige, on fe 
trouve en peu d’annĂ©es dĂ©pourvu d’une 
grande partie de fes Dents. 

J’ai toujours remarquĂ© que la fappu- 
ration ne fe formoit aux gencives, que 
quand elles étoient dégarnies de leurs 
alvĂ©oles, & qu’elle venoit préçifĂ©ment. 
de l’endroit oĂč cette partie olfeufe Ă©toit 
dĂ©gradĂ©e. Ce qui la produit, c’eft que 
la gencive qui ne fe retire point alors. 



Z'fS De V Art du DentijĂźe. 
ou qui du moins s’affaiffe peu, quoique 
dĂ©pourvue d’alvĂ©ole, ne peut fe rĂ©unir 
fur la racine, laquelle, auffi bien que la 
gencive,efl dénuée de fon période. Ainfi 
cette gencive qui cherche naturellement 
Ă  fe rĂ©unir & Ă  s’attacher, ne trouve plus 
dans la racine qui efl toute nue, qu’un 
corps étranger, dont la feule préfence 
fait naßtre une infinité de petits ulcÚres,' 
fource de la fuppuration. Ces petits ulÂŹ 
cÚres fe forment du cÎté de la gencive 
qui répond à cette racine, en fourniffant 
fans ceffe un pus vifqu'eux, blanchĂątre, 
& trĂšs-louable. 

Quant Ă  l’extĂ©rieur, on ne voit aucun 
ulcĂšre Ă  la gencive : elle efl feulement 
plus ou moins dure, quelquefois fĂźafque 
& fongueufe, gonflée, ou appauvrie, 
fuĂźvant que la maladie efl ancienne. 

La couleur des gencives , dans cette 
maladie , efl prefque toujours brune- 
ou plombée ; en les preffant avec le 
doigt, on en faitfortir la matiĂšre telle' 
que je viens de la décrire. Pour fe con 
vaincre qu’il ne refie plus d’alvĂ©ole Ă  
l’endroit d’oĂč fort la matiĂšre, il ne faut 
qu’introduire une fonde ou un flilet en- 
tĂŻe la gencive & la racine de la Dent 



De V Art du Dentifte. 279 
i’inftrument aura bientĂŽt mefurĂ© le vui- 
de que l’abfence de l’avĂ©cle y a fait, & 
il fera fentir que la racine eft Ă  nud : 
indication qui fe confirme , lorfqu’on 
ouvre la gencive pour en arrĂȘter la 
fuppuration. 

- On conçoit donc que, pour guérir 
8 c faire cefßer une maladie caufée par 
la deftrudion de l’alvĂ©ole, il ne s’agit 
<pie* d’îter la Dent pour que la gencive 
malade fe réunifie promptement avec 
.celle qui lui répond. Cette réunion fe 
fait alors avec d’autant plus de facilitĂ© , 
que la caufe du mal ne fubftfte plus » 
qu’il n’y a point d’alvĂ©ole Ă  dĂ©truire, 
qu’en 24 heures- la fuppuration eft 
. ceflee, la gencive rĂ©unie & d’une belle 
Couleur; au lieu que quand les alvéoles 
ne font pas détruits, les gencives peu 
vent refter prĂšs d’un mois fans fe rĂ©uÂŹ 
nir parfaitement. Cependant il ne faut 
priver le malade d’une Dent,quelle 
qu’elle foit, que quand , dĂ©garnie de 
fon alvéole, elle devient trop incom 
mode. - 

Quand la maladie n’a pas fait trop 
de progrĂšs , on peut arrĂȘter la fuppuÂŹ 
ration en' retranchant la partie de la 



2.%o De V Art du DentijĂźe. 
gencive dĂ©nuĂ©e d’aivĂ©ole, avec laquelle 
on emporte tous les petits ulcĂšres qui 
fourniffent l’humeur. Alors la Dent qui. 
le trouve avoir encore du foutien par ce 
qui refte de la gencive, & de l’alvĂ©ole 
fubfiftera plus long-tems & reprendra 
plus de foliditĂ© qu’eh laiflant fubfifter 
toute la gencive. Qu’arrive-t’il en effet 
en confervant l’intĂ©gritĂ© de cette gem* 
cive ? Cet ulcĂšre fournit continuelleÂŹ 
ment du pus ? malgré tous les remedes 
intĂ©rieurs & tous les topiques qu’on 
employé. Or cette matiÚre inépuifable 
continuant d’abreuver les alvĂ©oles, les 
détruit peu à peu dans toute la circon- 
fĂ©rance de la racine. Àinii la Dent s’af* 
foiblit de plus en plus, elle devient 
branlante , s’allonge , & tombe enfin, 
quoique la gencive ne foit pas détruite.. 
On voit donc qu’il efi: inutile pour la 
folidité de la Dent de ménager la gen 
cive malade qui ne fert qu’à l’affoiblir j 
mais il ne faut en retrancher que le 
moins qu’on peut, pour ne point trop 
dĂ©couvrir la racine, & tomber. d’une 
extrémité dans une autre. 

Je ne puis me difpenfer ici de faire 
voir, que M. Fauçkard s’efi: trompĂ© fur 
la 



De VArt du DentijĂźe. 281 
la nature de cette maladie. AprĂšs avoir 
décrit les défordres que le feorb.ut cau- 
fe dans la bouche, & en avoir indiqué 
les remùdes, il ajoute ce qu’on va lire.. 

« Il efl: encore une efpéce de fcorbut 
» de laquelle je penfe qu’aucun Auteur, 
n’a encore pris foin de parler, & qui 
» fans intéreffer les autres parties du 
» corps attaque les gencives, les alvéo- 
» les & les Dents. Non-feulement les. 
» gencives qui font molles , livides » 
» prolongées & gonflées y'font fajettes ». 
o rnais celles qui n’ont point ces vices 
33 ne font pas exemptes de cette afFec- 
» tion. Onia reeonnoßt par unpus affez: 
» blanc & un peu gluant que l’on fait 
» fortir des gencives ,;en appuyant le. 
» doigt un peu fortement de bas en haut 
33 fur celle de la mùchoire inférieure ,, 
33 & de haut en bas fur celle de la fupé-, 
39 rieure. Ce pus fort fouvent d’entre; 
3» les gencives & le corps de l’alvĂ©ole », 
» & quelquefois d’entre l’alvĂ©ole & la. 
* racine dé la Dent; ce, qui arrive plus: 
v fréquemment à la partie extérieure, dés: 
» mĂąchoires, qu’à leur partie -intĂ©rieure ». 
a Sc plutÎt aux Dënts Incifivcs &, aux: 
» Canines de la mùchoire, inférieure. », 
Tome L Aa. . 



282 De VArt du Demifle, 

» qu’à celles de la fupĂ©rieure 5 qui font? 

» cependant plus ordinairement affli-r 
*» gées de cet accident que les Molaires. 

» On peut rapporter la caufe de cette - 
» maladie à la rupture ou défunion des 
*> petits vaiffeaux que la dépravation 
» des liqueurs qui y circuloient à 
» produite. Ces liqueurs alors épan- 
» chées dans les interftices ou dans le 
Ɠ voifinage de ces mĂȘmes vaiffeaux qu’ils 
35 ont rongés ou fait crever , jie man- 
» quent pas d’y fermenter, de s’y cor- 
» rompre 5 & de former de petits ulcÚres 
» plus ou moins fiftuleux entre la gĂȘnÂŹ 
as cive & le corps de l’alvĂ©ole, ou entre 
s» l’alvĂ©ole & la racine de la Dent. C’ell 
s» de-là que vient cette matiÚre puru- 
3 ¼ lente qu’on voit fortir d’entre les 
=» bords ou extrémités des gencives 3 

* fur-tout lorfqu’on y appuyĂ© le doigt. 
Ÿ> Ce qui ejljingulier » & que f ai obfervég _ 
» ceji que ceux qui ont été traités de cet-.- 

* te maladie par les remÚdes intérieurs , 

¼> fîit qu’ils fujfent antifcorbutiques, fait 
¼ qu ils fujjent differens, n’en ont point 
s» été guéris ; ce qui pourroit donner 
88 lieu de croire qu’elle ne provienr- 
^ point d’une caufe interne ou univer- 


De V Art du, Dentifte. 2.B3 
v, follement rĂ©pandue, mais qu’elle naĂźt 
de la caufe locale ou accidentelle oc- 
» cĂąfionnĂ©e par les Dents. Pour m’en 
» aifurer mieux , j’ai encore remarquĂ© 
a’ que lorfqu’on avoit perdu des Dents 
» par cette maladie, leurs alvéoles & 

» leurs gencives s’étoient fi bien rĂ©u- 
»nis , cicatrifĂ©s & confolidĂ©s , qu’il 
» n’y paroiifoit plus aucune matiĂšre 
» purulente. On doit conclure de ce; 
» que je viens de dire,que cette maladie ' 
» ne fe guérit radicalement que lorfque 
& les Dents qui font affeclées font hors 
* de la ' bouche. On peut néanmoins 
» éloigner cette perte par les moyens 
wfuivan's, qui font de tenir fos Dents 
» bien nettes, de dégorger les gen- 
3 » cives quand elles en ont befoin, de 
s» les frotter fortement tous les jours; 
» avec le bout du doigt trempé dans 
» l’une ou l’autre dĂ©s deux eaux deffica=* 
■» tives , aftringentes, & antifcorbuti-; 
» ques , dont j’ai donnĂ© la compofitlon 
» pages p i. Sc p2. de mon premier vo= 
» lume. Il faut encore avoir foin de fe 
» bien laver la bouche aprÚs le repas : 
» avec un peu d’eau & de vin mĂȘlĂ©s en-- 
» femble , 6c obferver à chaque fqis 



284 De VArt du DeritijlĂš. 

» d’appuyer fortement le doigt fur les 
» gencives en les frottant, afin d’en 
» expulfer le pus qui fans cela les con- 

fume, & rongeroit les alvéoles, de 
33 maniéré que les Dents deviendroient 
» bien-tÎt chancellantes, & enfin tom- 
*> beroient faute de foutien. » 

Telle efl: l’opinion de M. Fauchard i 
dont je refpeéte fort la doctrine , mais 
que l’obfervation & l’expĂ©rience m’oÂŹ 
bligent ici d’abandonnĂ©r. 

Bien éloigné de fon fentiment, je 
fuis convaincu que la fuppuration des 
gencives ne provient d’aucun vice feor- 
butique , & qu’elle n’a lieu que quand 
la gencive fe trouve dĂ©garnie d’alvĂ©ole 
en quelque endroit de la racine, JelĂąifie' 
Ă  juger cette controverfe aux Dentiftes 
fans prĂ©vention , & je pourfuis m’a 
théorie. 

Avant que l’alvĂ©ole foit dĂ©truit, 8c 
que la fuppuration s’établi fie , la malaÂŹ 
die commence d’abord par une eipece 
de gonflement éréfipélateux à la gen 
cive qui produit ordinairement une 
douleur fourde & peu vive, enforte 
qu’on n’y fait point d’attention, & qu’on 
pda recours au Dentifie que quand la 



'DeVArt duDentifte* 2 .%? 
Suppuration fe manifefte. C’efl: alors 
qu’on fent fes Dents s’affolblir, & qu’el¬ 
les ca'ufent quelque douleur dans la 
rencontre des deux mĂąchoires. La genÂŹ 
cive eft brune ou plombée; quelque 
fois , mais plus rarement, le gonflement 
au lieu d’ĂȘtre Ă©rĂ©ĂŒpĂ©lateux devient alors 
phlegmoneux : il fe forme dans la genÂŹ 
cive un petit dépÎt, lequel auffi-tÎt 
qu’il a pris fon cours foulage le malade , 
mais qui laiiTe le fuintement dont j’ai 
parlé. 

La maladie venue Ă  ce point, comÂŹ 
ment l’alvĂ©ole fe dĂ©truit-il ? Voici ce 
que j’imagine , & ce que j’ai cru en¬ 
trevoir. Les liqueurs Ă©tant arrĂȘtĂ©es par 
le gonflement des parties , tant Ă  la 
gencive qu’à l’alvĂ©ole & au pĂ©riofte s 
deviennent par un long -féjÎur acres oC 
corroflves , enforte qu’elles rongent 
peu Ă  peu la gaine ofleufe ; car comÂŹ 
me les lames qui la compofent font po- 
reufes & dyploĂŻques, l’humeur les pĂ©né 
tre aifément, & fon acidité les confu- 
me. Ilfo peut faire aufĂźi.que les vaifleaux 
de la gencive fe- défuniflÚnt par- la plé 
thore , ou par la dépravation des li 
queurs qui y circulent , &. qu’il s’y 



2% S De V4n duDentiJĂźe^ 

forme un phlemon capable- de détruire' 
les membranes qui couvrent ces parties: 
oflfeufes ; ou bien ces liqueurs épan 
chées dans la fubftance de la gencive &: 
dans tout ce qui l’environne -, dĂ©truifent 
lĂšs attaches , fermentent dans les inÂŹ 
ter fli ce s , fe. corrompent enfin & dé-, 
gradent une partie de l’alvĂ©ole & de: 
fes membranes. De-lĂ  fe forment & fe.; 
multiplient plus ou moins ces petites 
ulcÚres à la face de la gencive, qui ré 
pond à la racine. ‘ 

Cette maladie n’affeĂ©te gueres lĂšs: 
gencives des Incifives , des Canines ‱> 
& des petites Molaires , qu’à la face.an¬ 
térieure qui répond aux levres, & du; 
cĂŽtĂ© des racines. Ce n’efl qu’avec le 
te ms qu’elle gagne les parties latĂ©rales 
& le cÎté du palais. Les gencives des 
groifes Molaires, plus réculées au fond 
de la bouche & moins expofées au 
froid, font moins fujettes Ă  la fuppu- 1 
ration que les autres; ainfi l’on peut en- 
conjecturer, que les imprefilons de l’air 
peuvent contribuer beaucoup Ă  la lup- 
puration des gencives. Les remedes 
prophylactiques , pour éviter cette ma 
ladie , font tous gĂ©nĂ©raux & les mĂȘmes 



De VArt du Dentifle »- 287 

que j’ai ci-devant indiquĂ©s pour pré 
venir les fluxions. 

Les perfonnes replettes & fanguines 
pourront fe purger tous les mois, & fe 
faire faigner de te ms en tems. Lerefte 
dépend du bon régime, & furtout du. 
choix des alimens qui doivent ĂȘtre de 
facile digeflion. Il faut encore avoir- 
grand foin de fes Dents, & auffi-tĂŽt 
qu’on s’apperçoit que les gencives font 
douloureufes ou un peu gonflées, les 
faire voir à un Dentifle expérimenté,. 
Si avant que l’alvĂ©ole fbit dĂ©truit, 6 c 
que la fuppuration foit manifeftĂ©e, c’eft- 
à-dire , lorfque la fluxion éréflpélateufer- 
ou phlegmoneufe commence , on y 
fait remédier par un bon Dentifle, il 
difßßpera promptement le mal, en dégor 
geant les gencives Ă  plufieurs reprifes , 
& faifĂ ntde petites fcarifications tant en 
dedans qu’en dehors. Enfuite une fai- 
gnée ou deux, félon la difpofition du 
Sujet, quelques légÚres purgations » 
des lotions appropriĂ©es , &l’ufage d’un 
excellent opiat, rendront la guérifon 
parfaite. Si au contraire en laifle éta 
blir la fuppuration des gencives qui 
indique, entre autres défordres } la def- 



288 De l'Jrt du DentijĂźe* 
tru&ion de l’alvĂ©ole, tous les remettes 
que j’indique feront d’un trùs-foible 
fecours, & ne pourront que prolonger 
la perte des Dents-, comme l’obfervù 
M. Fauchard. 

Revenons aux moyens de guérir l'a 
fuppuration des gencives. Quand les 
gencives font tellement dĂ©garnies d’alÂŹ 
vĂ©ole qu’il n’en refie plus que fort peu 
vers l’extrĂ©mitĂ© de la racine, la Dent 
efl fans aucune reffource,& l’on ne peut 
qu’en reculer la perte en l’attachant aux 
Dents' voifines avec un fil d’or ou de 
foye. Mais quand la fuppuration n’a 
'point fait de Ă» grands progrĂšs, que l’alÂŹ 
vĂ©ole n ? efl pas dĂ©truit fort avant, & qu’il 
-en refie encore affez pour maintenir la 
racine, on peut en arrĂȘter le cours. Il 
s’agit d’avoir un cautĂšre plat & dĂ©liĂ© 
que l’on fait bien rougir au feu ; on l’in- 
’finuĂ« au fond du vuidĂ« qui fe trouve 
entre la gencive & la racine delĂ  Dent , 
ĂȘc on l’y reporte deux ou trois fois, en 
obfervant de bien brûler la gencive 
dans toute la face qui répond à la raci 
ne. Le refie du traitement çonfßfle à 
faire obferver au malade les lotions ei- 
devant prefcrites , & Fufage d’un Opiat 
propre: 



De VArt duDentiJĂźe . 285? 

propre Ă  cet effet. Si huit ou dix jours ' 
aprĂšs, en preffant l’extrĂ©mitĂ© des genÂŹ 
cives , on apperçoit encore un peu de 
matiÚre , il faut cautérifer de nouveau *. 
Si enfin l’écoulement ne ceffe point, 
cil que le malade refufe de fupporter 
un troifieme cautere, le fùul parti qu’il 
y ait Ă  prendre pour-le guĂ©rir e fi; d’emÂŹ 
porter toute la partie de la gencive qui 
eft dĂ©pourvue d’alvĂ©ole. L’opĂ©ration 
fe 'fait avec des cifeaux Ă  peu prĂšs fem- 
blables à ceux qui fervent à découper, 
mais un peu plus forts par le bout : on 
coupe la gencive'des deux cÎtés de la 
poche dans toute fon étendue, en fai 
sant terminer les deux incifions en trianÂŹ 
gle. Tous les ulcÚres étant ainfi em 
portés avec la portion de la gencive, 
on nettoye bien la racine. Trois, ou quaÂŹ 
tre jours aprĂšs l’opĂ©ration, on examine 
attentivement & l’on preffe avec, les 
doigts le réfidu de la gencive, pour 
s’affurer s’il refte encore de la matiùre en 
quelque endroit. S’il en paroüt vers les 
parties latĂ©rales ou vers l’extrĂ©mitĂ© 
de la racine, il faut de nouveau couper 
la gencive pour emporter le refte des 
* V. la Pi. IL cul confient différens cautÚres. 
Tome h . B b 



’2.ÿO De V Art du. Dentijüe. 
nlcÚres,en ménageant la face extérieure; 
JL’inftrument le plus propre pour cette 
derniere IncifĂźon, eft une lancette bien 
jtranchante , & un peu plus forte vers 
la pointe que celles qui fervent à la fai— 
gnĂ©e. On a foin de l’envelopper & d’af- 
fujettir la lame & la chaffe avec une 
petite bandelette ; on diffeque & on 
détruit dans la face interne de la gem> 
cive toutes les parties ulcérées. 

Quand la maladie eft fur les greffes 
- Molaires, ftirtout au fond de la bouche, 
comme il eft affez difficile d’y opĂ©rer 
commodément avec la lancette & les 
cizeaux, il faut fe fervĂźr d’un dĂ©chauf- 
foir pointu bien tranchant. Les petits 
ulcÚres étant tous détruits par ces di- 
verfes opérations, la fuppuration cef- 
fe entiĂšrement. Quelques obfervations 
donneront du jour Ă  cet article. 

Observation I. 

M. *** Aéieur delà Comédie Ita 
lienne, avoit à la mùchoire inférieure les 
ïneiftves ébranlées par une fuppuration 
établie à la face antérieure de la gen 
cive. A l’une de ces Xncifivesfta matiùre 
avoit prefque gagnĂ© jufqu’à l’extrĂ©mitĂ© 



De VArt du Demijie . 291 
3 e la racine. Deux Dentiftes habiles 
n’avoient pu faire cefFer cette fuppura- 
tion : ils n’avaient fait que lui dĂ©gorger 
les gencives, fans en emporter les ulÂŹ 
cĂšres qui entretenoient l’écoulement. 
Ï1 fe mit entre mes mains quelque tems 
aprĂšs ; j’opĂ©rai deux fois fur lĂšs genciÂŹ 
ves delà maniéré que je Fenfeigne, & il 
fut parfaitement guéri en onze ou douze 
jours. Ses Dents ont repris leur foli- 
dité, & fe maintiennent en bon état 
depuis environ quatre ans. 

Observation II. 

En 174S. M. *** Inlpe&eur de 
Police, avoit la mĂȘme maladie fur les 
Incilives de la mùchoire inférieure , de 
forte qu’en preffant la gencive la ma¬ 
tiĂšre en lortoit abondamment. Les 
Dents, furtout les deux du milieu,étoient 
déjà fort ébranlées. Je Fai guéri radica 
lement de la mĂȘme maniĂ©rĂ©. Ses Dents 
. depuis font devenues folides , & il a 
conlÚrvé là bouche dans le meilleur état 
jufqu’à fa mort arrivĂ©e il y a environ 
deux ans. 

M. Arcdain , Médecin de la Facul* 
Bbij 



'ÂŁ$2. De VArt Ăąu DentifĂźe* 
tĂ© de Paris, m’adreffa il y a quelques 
années un Abbé de di&inétion qui avoir 
une fuppuration abondantes l’une des 
deux grandes Incifives déjà fort ébran 
lée & trÚs-douloureulÚ. Je trouvai cette 
Dent dégarnie de fon alvéole fur toute 
la face antĂ©rieure de lĂ  racine, jufqu’à 
fon extrémités II fut guéri en peu de 
cems par les moyens que fai décrits ci- 
delĂŻus j & fa Dent eft devenue trĂšs-fo-; 
Jide , fans aucune fenfibßlité. Jai vu de 
puis peu cette perfonne* dont j’ai trouve 
|a Dent & la gencive en trÚs-bon état* 



Torrv.I.Faq.zg'5. 


Flanche .1.. 







De V Art du Dent [fie. 


PREMIERE' PLAN CH E* 

Instrument nouveau fervant Ă  em-ĂŻ 
porteries corps durs & pierreux, qul : . 
fe forment quelquefois fur les genciÂŹ 
ves , aufüi promptement qu’on peut: 
ĂŽter une Dent.. 

ette Figure repréfente une Pin*- 
ce Incifive entrouverte & vue de 
cÎté dans toute fon étendue. Sa forme ejß : 
da mĂȘme que: celle du Davier ce nefir 
quelle efi plus grande-, que fes deux’ 
I extrémités font larges à?environ trois li~ 

j -gués, & fort tranchantes, au lieu que ceW 
les du Davier font.fendues ont chacun 

ne deux dentelures. 

A. Le corps de Vpnfirument. 

B B. Les extrémités tranchantes* 

CC. Vextrémité la plus longue des: 
deux branches qui fervent de manche À 
■ F Infiniment* r 


B b iij 



ÂŁÂŁ4 Ce r.4nr du DentijĂźe . 


§. X IL 

T) es petits durillons qui furviennent aux 
gencives , Sr des exojlofes qui Je 
forment aux alvéoles. 

Q uoique les durillons & les 
autres tumeurs du mĂȘme genre 
Jfayent abfolument rien de dangereux, 
on eil quelquefois obligé de les détruire, 
parce qu’étant limĂ©s d’ordinaire Ă  la faÂŹ 
ce antérieure des gencives , qui eliex- 
pofée à la vue, ils font un effet defà- 
gréabße. 

Quant aux petites exofiofes de l’al¬ 
vĂ©ole 5 elles s’accroiffent quelquefois Ă  
tel point que j’en ai vu d’auffi grofĂŻĂȘs 
que des avelines 5 fans que les Dents y 
euffent aucune part, fans qu’on pĂ»t mĂȘÂŹ 
me foupçonner aucun vice particulier» 
“J’ai remarquĂ© cependant que les filles 
qui avoient les pĂąles couleurs, que les 
femmes mal réglées & les perfonnes qui 
avoient des obftruélions au foye étoient 
plus fujettes Ă  ces fortes de tumeurs que 
les autres. 

On peut emporter & détruire trÚs- 



De V Art du DeritijĂŻe* spy 
promptement, avec la pince incĂŻfive.r 
toutes les tumeurs de cette efpece. Le 
mĂȘme inftrument peut fervir encore Ă  
enlever toutes les exoftofes qui fe forÂŹ 
ment Ă  la furface de l’alvĂ©ole, & qui 
font élever la gencive : mais à fon dé 
faut la petite pince dont on fe fert pour 
couper ou rogner les ongles peut renÂŹ 
dre le mĂȘme fervice. 

Enfin toutes ces tumeurs, durillons * 
exoftofes , & autres fe détruifent pareil^ 
ĂŻement avec le cautĂšre actuel ; & lors- 
mĂȘme que ces tumeurs ont Ă©tĂ© enlevĂ©es 
par quelque inftrument tranchant, pour 
les empĂȘcher de reparoĂźtre, il eft bore 
d’y appliquer une ou deux fois le cau¬ 
tĂšre. J’en ai emportĂ© quelquefois qur 
font revenues , & que je n’ai fait entiù¬ 
rement difparoĂźtre qu’aprĂšs la fĂ©condĂ© 
extirpation, en y appliquant le bouton 
de feu. 

Obfervcitions fur les Exojlofes des AlÂŹ 
véoles^ 

Madame la Baronne de * * * avoir 
cinq ou fix petites exofiofes aux alvéo* 

B b iv 



29 6 De T'Art du Dentifle. 
les des Incifives & des Canines tant: 
fupĂ© rieur es qu’infĂ©rieures; ce qui pro- 
duifoit aux gencives différentes tumeurs, 
dont quelques-unes étoiÚnt plus groffes 
qu’un pois. Ces tumeurs ne lui faifoient 
aucun mal : mais comme elles étoient 
limées à la face antérieure des gencives- 
que la lÚvre en riant déceuvroit, elles.. 
frappoient tout d’un coup la vue. Cette 
Dame un jour me demanda fi l’on ne pou¬ 
voir pas corriger ces gencives dĂ©feĂ©lueĂŒ- 
fes , & lui ayant dit que je le croy ois trĂšs- 
facile , elle Je fournit Ă  l’opĂ©ration. Je lui 
emportai donc avec une pince Ineifive 
toutes ces tumeurs, & je les coupai le 
plus prùs des gencives qu’il me fut pofi- 
fible. Les mémes-tumeurs fix mois aprÚs 
reparurent , & dans l’efpace d’un an 
elles, eurent un volume beaucoup plus 
gros que la premiĂšre fois. Elle revint Ă  
moi : je lui propofai d’extirper de nou¬ 
veau les tumeurs, & d’appliquer enfuite 
‱fur les plĂ yes rĂ©centes le bouton de feu 
dont l’effet les empĂȘcberoit de recroĂźtre* 
La Dame me laiffa opérer, & depuis: 
environ trois ans que j’ai fait cette der¬ 
niÚre opération, fes gencives font rd~- 



Bz V Art du DentĂŻjle. zpf 
tĂ©es dans leur Ă©tat naturel, fans qu’il 
ait reparu d’exoflofes. 

.Avant que déterminer ce Chapitre.; 
& de paffer au manuel des opérations , 
il me relie à faire une Obfervation géné- 
: raie fur les différentes maladies , foit des 
Dents, foit des gencives, mais que je 
ne propofe ici que comme une fĂźmple 
. hypothefe. 

Dans toutes les maladies qui fur vienÂŹ 
nent aux Gencives, aux Dents, aux AlÂŹ 
véoles, il y a dilférens fimptÎmes qui 
n’échappent gueres Ă  l’attention d’un 
Dentifle expérimenté * & qui lui font 
bientĂŽt reconnoĂźtre la caufe du maL 
Je dis plusr il y a certains maux de 
Dents,qui fans ĂȘtre quelquefois bien graÂŹ 
ves font les avant-coureurs d’une mala¬ 
die conlidĂ©rable qu’un bon Dentille eli 
en état de prévoir. Or en prévenant le 
Sujet, ou pour ne pas l’effrayer, les per» 
fonnes que le foin de fa fanté regarde , 
des difpolitions qu’on apperçoit, la Mé 
decine ou la Chirurgie s’employeroit 
efficacement Ă  dĂ©tourner l’orage : ce 
fer oit l’affaire de quelques lĂ©gers reme- 
des qui font fouvent de peu d’effet* 
quand la maladie ell déclarée* 



isp 8 De VAn du DentifĂźe. 

Il y a quelque tems qu’une perfonnĂ« 
vint me confujter fur une Dent qui lui falÂŹ 
loir mal depuis peu de jours.SaDent n’é- 
toit nullement gĂątĂ©e , ni mĂȘme Ă©branlĂ©e» 
Les gencives & l’alvĂ©ole Ă©toient auffi en 
trÚs-bon état : cette Dent néanmoins , 
en la frappant , fe rendoit fenfible. Je 
fis plulieurs queffions au malade fur 
FefiĂšt que les alimens auroient pu lui 
faire fentir : le froid ni le chaud ne fai- 
foient aucune imprefiion fur fa Dent. 
Je lui tĂątai le pouls , je le trouvai 
plein, & il m’avoua qu’il avoit la 
tĂȘte lourde. Je lui dis que fa Dent n’é 
tant point gùtée , il falloir fimplement 
qu’il eĂ»t foin defe rincer fouvent la bouÂŹ 
che avec de l’eau ou du lait tiùde, qu’il 
prĂźt auffi quelques lavemens, & fur^tout 
qu’il fe fĂźt faigner. Il me rĂ©pondit qu’il 
craignoit fi fort la faignĂ©e , qu’il ne 
pouvoit pas s’y rĂ©foudre ; que d’ailleurs 
il fe portoit bien, & que, pour un fĂźm- 
ple mal de Dents, il n’en viendroit là 
que quand il auroĂźt mis en ufage les 
autres moyens. Je tĂąchai de l’ébranÂŹ 
ler, en l’avertĂźfTant que fon mal Ă©toit l’aÂŹ 
vant-coureur de quelque maladie dont 
il étoit menacé , Sc je lui confeillai de 




De VArt Ă u DentifĂŻe, 299 
voir fon Médecin. Mon avis parut lui 
faire impreffion ; mais de retour chez 
lui il s’en tint à l’ufage du lait tiùde &£ 
de quelques lavemens , ce qui diffipa 
prefqu’entierementle mal de Dents & la 
pĂ©fanteur de la tĂȘte. Il ne penfoit donc 
plus Ă  ce que je lui avois dit, quand le 
troifiéme jour il fentit recommencer fon 
mal de Dents & fa tĂȘte s’appĂ©fantir. II 
eurreeours au lait tiĂšde & aux lavemens 
dont il ufa toute la journĂ©e jufqu’au foirÂź 
Ces remĂšdes l’ayant peu foulagĂ© , il rĂ©- 
folut de fe faire faigner; mais il remit 
au lendemain matin. A peine il fut couÂŹ 
chĂ©, qu’il eut une vive attaque d’apoÂŹ 
plexie , qui fut heureufement combattue 
par des fecours prompts & efficaces» 
C’eft ainfi qu’il m’efi: arrivĂ© plufieurs 
fois de prévoir de grandes maladies 
que je ne pouvois caraclérifer, mais que 
je foupçonnois trÚs prochaines , par ce 
que je voyois arriver aux Dents & aux 
gencives. Je fuis perfuadé que plufieurs 
de mes ConfrĂšres ont reconnu de pareilÂŹ 
les difpofĂźtions, & qu’ils ont fait les mĂȘ=» 
mes pronoflics* 



3 OĂč De V Art du Dentifiel 



explication: 


DELÀ 

BEU XI F ME PL ANCHE* 

Contenant cinq inftrumens prot 
prÚs à cautérifer les Dents. 

Fig. I. jvt e r e acluel propre Ă  
f brĂ»ler ĂȘf Ă  dĂ©truire les corÂŹ 
dons du nerf qui deviennent quelquefois 
fort gros ,lorfqu’une Dent efl cajfĂ©e. Ce 
cautĂšre peutfervir encore Ă  ajfaijfer & Ă  
détruire- lés gencives trop charnues , ou 
fongueufes. 

Fig. II, CautÚre acluel peur détruits 
les tumeurs dures & pierreĂŒfes s ainjĂŻ que 
certaines exojlofes qui furviennent quelÂŹ 
quefois aux gencives. 

- Fig. III. Autre cautÚrepour détruits 
le net fi* une-Dent qui fe trouve fuffi - 
famment découvert par Veffet de la ca 
rie. Il peut encore fer vit } tant à dejfé 1 
-Hier la carie & Ă  arrĂȘter [es progrĂšs f/jr 



Planche. 2. Tonv.I.Pty-Pco ■ 

















De V Art du DentijĂźe. 301. 
Certaines Dents, qu’à dijjüper certaines 
fenjibilités. 

Fig. IV. Autre cautĂšre aiĂŻuel que 
s’introduit entre la gencive & la racine 
delĂ  Dent * pour faire cejfer la fuppu - 
ration > & détruire les petits ulcÚres qui 
fe font formés à la gencive vers la rad* 
ne de la Dent. 

Fig. Y. Autre cautĂšre acluel plus fin 
& plus délié que les précédent, dont on 
fe fert pour détruire le nerf de certaines 
Dents qui ont une trĂšs-petite ouverture. 

< AAAAA. La tige de chaque injlru‱ 
ment. 

BBBBB. Leur manche,. 

ÇCCÇC. L’extrĂ©mitĂ© du fer qui eau* 
tdrif ß ou qui brûle . 



302 Table des Chapitres ĂŻ 

iHH**ttHHHW*tt tHHHH&JHÇJHrag; 

TABLE 

DES CHAPITRES; 

PARAGRAPHES,ET SECTIONS 


D U PREMIER VOLUME. 



CHAPITRE PREMIER. 


Thyjiologie des Dents ; moyens de VArt 
pour en réparer les imperfections. 

I. „~"\ Efcripion des Vents & des Alvéo- 
j J les. Page. i 

Diviiion des Dents. Les différences qui les 
font parfaitement diftinguer les unes des au- 
Ères. a-i x 

Néceffité de bien reconnoßtre la figure des 
Dents,pour fçavoir la pofßtion de chacune s 
quoique hors de la bouche. Obfervation Ă  ce 
fujet. 13. i4Âź 

Des foffes alvéolaires ; leurs différentes for 
mes. Pourquoi les racines des Dents ont fou- 
vent des défauts de conformation. 14-17 
Comment le Périofte fe defféche & foude 
la racine de la Dent avec l’alvĂ©ole. .ĂŻ? 



Paragraphes & Serions. 3 05’ 

Remarques fur les variétés des alvéoles. 

18. 19 

Obfervations fur les foffes alvéolaires & fur 
leur contradion. 20-2^ 

§. IL De la formation & de Vaccroijfement 
des Dents. 26-39 

§. III. De la fortie des Dents. 

Le tems & l’ordre qu’elles fuivent ordinai- 
, rement ^ < 31-35 

§. IV. Des accident qui précédent & qui ac 
compagnent la fortie des Dents. 

Des moyens qu’il faut mettre en ufage pour 
ies faire ceffer. _ 34-3^ 

InconvĂ©niens quirĂ©fultent du hochet qu’on 
donne aux Enfans. 40.4* 

Nouveau remede expĂ©rimentĂ© par l’AuÂŹ 
teur. 42 & fumantes. 

Opération nécelTaire pour faire ceffer les 
convulfions, & autres accidens. 45 & fuiv . 

§. V. De la chute des Dents de lait & de' 
leur remplacement. 

Sentiment contraire Ă  celui de M. Bunon,' 
au fujet de la deftrudion des racines des Dents 
de lait. 50-54 

§. VI. Des marques qui fom diftinguer les 
Dents de lait d'avec celles qui font renouvellées ; 
& des précautions qu' il faut prendre , quand on 
ejl obligé d r Îter les premiÚres , pour ménager 
l’emplacement des fĂ©condĂ©s. 55 fuiv, 

Obfervation fur des'Dents renouvellées , 
Îtées pour des Dents de lait. 56 & fuiv . 

Dents de fageffe branlantes & douloureux 
les, fĂ©condĂ© Dent qui fe trouva deffous. 57 &■ 
* fuiv . 

PrĂ©cautions Ă  prendrelorfqu’il s’agit doter 



304 Table des Chapitres ; 
une Dent de lait gui ne branle , pas. 79 & 
uiv. 

§. VIL Du défordre ou dérangement des 
Dents ; moyens de le prévenir ou de le réparer 
d'ans l’enfance. 64 

Caufes de ce dérangement; avantages que 
l’on retire de mettrela Dent Ă  l’air; nĂ©ceffi- 
té de foigrier de.bonne heure la bouche des 
Enfans , pour procurer un bel ordre aux Dents. 

65-70 

Pourquoi les Dents trop ferrées fe gùtent 
plutÎt que les autres à la mùchoire fupérieu- 
KĂȘ. 70-7 6 


. CHAPITRE SECOND. 

Des différentes maladies qui attaquent 
& détruifent la fubjlance des Dents. 
De leurs caufes internes & externes . 
Des moyens de les prévenir ; dÚs re- 
medes généraux & particuliers. 77 

I. De l’ErojĂŻon ; de la difformitĂ© des Dents , 
0 des maladies qui la produifent. 79 

■ Raifons pour iefquelies les Dents en font 
plus maltraitées dans un ùge que dans un au 
ra 80 & fuiv. 

Erreur^de M. Bunon- Ă  ce fuĂźet, 84-89 
Vices naturels de la conftnution des En - 
fans ; germe des maladies qui détruifent les 
Dents. 90 

Ce qui fait que les Enfans fe nouent. 91 & 

‱ fuiv. 

Caufes 






Paragraphes & Serions. 30J 
Caufes delà rougeole, & de la petite vé 
role. Pourquoi ces diffĂ©rentes maladies n’af- 
fedent pas toujours les Dents, quoique molles - . 

5>i 

Pour empĂȘcher qu’un Enfant venu au monÂŹ 
de bien conftituĂ© ne fe noue, & que d’autreĂą 
maladies n’affedent les Dents d’érofion. 

. ... 9$'94 

§. II. Delà Carie. 

Caufes internes-& externes-delĂ  carie. $9 
ĂȘcc. 

§. IIP. Des moyens ùÚ prévenir la Carie &: 
autres maladies des Dents. ior 

Soins nécefßùires pour /la propreté de la- 
Bouche pour empĂȘcher le tartre defe for^. 
mer, on de s’amafüer. io2-io4> 

DiffĂ©rentes choies nuifĂźbles aux Dents, qu’ili 
faut éviter. Régime & conduite à obfÚrver- 
pour les conferver. 105-110^ 

Moyens d’arrĂȘter lĂšs progrĂšs de la carie jv 
avant que ienerf des Dents foit à découvert; 

isi& fuivantesd - 
Moyens diffĂ©rens qu’on-employĂ© pour dĂ©-" 
truire les cordons nerveux d’une Dent gĂątĂ©es 
qui font découverts, 8c pour guérir les doub 
leurs de Dents. irff 

Engorgementou abfcÚs formé dans le can 
nai des Dents 3 infiniment conyenable pour* 
l’évacuer. „ 121 & fuzvs- 

InftrumentnouveaUpourtrépanerles Dents^- 
123-12^ 

Importance de conferver les Dents quoique^ 
gùtéÚs, & certaines'racines 129-132;'- 

§ I V. Rupture des parties nerveufes par Im 
luxation de la Dents 

Tome. !<, C s- 



$o6 Table des Chapitres 1 

Ce qu’il faut obferver avant que Ăąe dĂ©pĂźgs 
cer la Dent, en la dĂ©plaçant, & aprĂšs l’avoir 
déplacée. 1 34-145 

Avantages & inconvéniens de cette opéra- 
Ăźion. x 47-i 55 

Observ. I» Au fujet d’une Dent Ă©clatĂ©e 
|>ar effort. 154 

Observ. II. Au fujet d’une Dent ufĂ©e qui 
étoit devenue fort douloureufe. i55-i57, 

Opération pour faire tenir le plomb dans 
une petite Molaire ou dans une Dent de deÂŹ 
vant ĂŻ 57 

§. V. Méthode pour oter les Dents cariées 5 
les remettre avec fuccĂšs. 158 

Obfervation au fujet d'une Dent caffée par une 
chute. . i6t: 

Nouveaux éclaircifTemens fur de mauvaifes 
chicanes faites à l’Auteur, au fujet de fa nou¬ 
velle opération, & de fa méthode pour Îter 
te remettre les Dents. iéy 169 

§. VI. Des Dents fracturées , de celles que 
iufent , des maladies qu elles produifent , & des 
moyens dy remédier. tyo 

Pour empĂȘcher que les Dents ne s’ufent 
dans leur rencontre. 175-ĂźSo 

Moyens de remédier aux douleurs prove 
nant d’une Dent ufĂ©e, dont le canal & le 
cordon font à découvert» 180-185 

§. VIL De l'engorgement des vaiffeaux den*. 
iaires 5 & de F inflammation du cordon & dupé - 
riojle, provenant de caufe interne. 184 

§. VIII. Des douleurs que les Dents ébran 
lées produifent , & des moyens d'y remédier. 187 
Çharlataneriùs à ce fujet 



Paragraphes & Serions. 307.' 


CHAPITRE TROISIEME. 

Des maladies autres caufes qui altڏ 
rent la blancheur des Dents . 

§. h De la blancheur des Dents , & de fa 
durée.. _ 194. & fuiv. 

. Accidens gui altĂšrent la blancheur des 
Dents. ts>? & fuiv,* 

§. II. De la formation du Tartre & de fes : 
inconvéniens. 19 & 

Age oĂč l’on eft ordinairement plus fujet ata 
tartre.- 199? 

Erreurs & faux préjugés fur le nettoyement 
des Dents , dont le défordre eft attribué mai» 
Ă -propos Ă  l’opĂ©ration du Dentifte. 2,01-2,-04.. 

Combien la confervation des Dents inté- 
reffe la lanté & la vie. 204-2.04 

. Autres avantages gue procure la confervaÂŹ 
tion des Dents. 206-208 

Faux préjugé far les inftrumens du Den 
tifte , dont les Charlatans fçavent profiter. 210» 
21 Si 

Abus d’un Elixir vantĂ© pour dĂ©truire le 
Sartre,fans gu’ilfoit nĂ©ceffaire denettoyerles 
Dents,. - zi 2-- 


C C ij 






3 o8 Table des Chapitre! ) 

CHAPITRE QUATRIEME, 

Des maladies des Alvéoles, de celles des 
gencives , & d.e leur guérifon. 

§. I. Des maladies des AlvĂ©oles. Age oĂč d'or* 
Ăąinaire les Dents s’ébranlent & fe perdent. Rai* 
fons de leur dĂ©pĂ©rijfement. ’nj 

§. II. Des gencives en général'. zzo 

§. II I. De la Jlruciure Ăč~ de l'ufĂ ge des genÂŹ 
cives & du périojle. zz ß 

§. IV. Maladies des Gencives. uf 

Caufe la plus ordinaire du gonflement de3 
gencives; moyens d’y remĂ©dier, z z6& fuiv Âź. 

Caufes internes du gonflement des genciÂŹ 
ves, & moyens d’y remĂ©dier. tzS & fuivi 
Oeserv. I. Au fujet des gencives AlignanÂŹ 
tes» zz9 & fuiv s 

Observ. II. Sur le rinflement & la fenfi- 
ïulité dÚs gencives. ^ 230 

_ §'. V. Excroijfances des gencives & leur gué* 
rifon. . 23 a 

Premier dĂ©grĂ© d’excroi {Tances, & moyens 
four Tes guérir* 232-236 

Second, dĂ©grĂ© d’excroiffances , & moyens 
four les guérir.. 23~6 & Juivi 

TroifiĂ©me efgĂšce d’excroiflknces, & moyen 
de les guérir. 237-238 

Observ. I. Au fujet de plusieurs excroif. 
fùnces eonfßdérables. 23s»-24a 1 

Observ. II. Au fujet des gencives flafques 
ĂȘc Ă©paifTes» 242* MS*- 








Paragraphes & Serions. 

f. VL Des tumeurs carcinomateufes-. 244- 

Defcription d’une tumeur carcinomateufe 
trÚs-confidérable, & moyens pour la guérir. 

2/46-2451 

§. VII. Des fluxions & abfces qui fe forment 
aux gencives ; traitement de ces maladies. 

Néceffité de donner promptement iffueà IŸ 
matiĂšre auffi-tĂŽt que l’abfcĂšs eft formĂ©e 2 5:0. 

ij r. 

Moyens de remĂ©dier Ă  la carie de l’os ma. 
xillaire. zjz & fuiv a . 

§. VIII. Des fijlules qui fe forment aux gen 
cives., & de la maniéré de les traiter . 256: 

Observ. I. Au fujet d'une fiftule guérie' 
promptement.. 2 j 8-26©; 

Observ. IL Au fujet d’une fiftule occa- 
fßonnée par une portion de racine trouvée à 
l’entrĂ©e du finus maxillaire.. 2^1-264 

§.. IX. UlcÚres des gencives, moyens de les 
traiter , & de les guérir. zéf. 

Des UicĂšres-fcorbutiques. NĂ©ceffitĂ© d’y reÂŹ 
médier promptement. Z66-Z&P; 

EfpĂšce d'ulcĂšres remplis, de petits efearres 
blanchĂątres. z6? & fuivj. 

§. X. Des petits chancres qui furviennent- 
aux gencives t moyens de les guérir.. 27s} 

Oeserv. I. Au fujet- de plufieurs petits 
chancres., & d’un ulcùre, au bas de la genci¬ 
ve. 273-276 

§. XI. De la fuppuration des gencives , & 
des moyens de la traiter . ^ 276. 

Caufes de cette ‱fuppurattbn; 277 & fuivd. 

Opinion de M . Fauchard fur cette maladie»- 
281-284 

Sentiment de l’Auteur, fur la mĂȘmemalaÂŹ 
die. Commencement de la fuppuration & Ă pÂŁ*- 




10 Table des Chapitrer s - 8 ici- 

rruĂąion de l’alvĂ©ole. 284-2$? 

_ Différens moyens pour guérir la fuppura- 
ĂŻion des gencives. ?.88 

Opérations & inflrumens propres à cet effet* 
z$9 & fuiv* 

^Observ. I. Sur une fuppuration auxgen»- 
eives. , des Incifives inférieures, invétérée 
depuis Iong-tems & promptement guérie. 290 
& fuiv» 

Observ. II. Sur une pareille fuppuration 
établie depuis long-tems aux gencives, 8c gué 
rie auffi promptement. 25*1 & fuiv, 

§, XII. Des petits Durillons des gencives , & 
des exofïofes aux alvéoles . 294 

Remarques fur les caufes qui produifem orÂŹ 
dinairement ces maladies, & moyens pour 
tes guérir. 294 & fuiv* 

Obfervations fur des exoflofes furvenues aux 
alvéoles ; moyens qui furent mis en ufage 
|>our les guérir. 295 & fuiv» 

Réflexions générales fur certains maux de 
I>ents qui annoncent quelquefois ou préfa- 
gent une maladie confidérable; pronoftics 
qu’en peut tirer un Dentifte habile. 296 
Observation à ce fujet. 297. 298.’ 

Planche deuxiÚme repréfentant différens 
cautĂšres, avec fon explication. 3000. 


Fin de la Tablé*